Prolongation de l'Exposition "A la Découverte du Pharaon oublié", à Liège-Guillemins
« Monsieur Carter est un garçon de bonne composition, qui s’intéresse exclusivement à la peinture et à l’histoire naturelle. Je ne vois pas, pour moi, l’utilité d’en faire un fouilleur », déclara Flinders Petrie (1853-1942), égyptologue britannique.
C’est pourtant ce « Monsieur Carter », Howard Carter (1874-1939), fils d’un peintre animalier, qui devint l’un des archéologues les plus réputés au monde, ayant découvert la tombe du Pharaon Toutankhamon, en novembre 1922.
Rouverte le lundi 18 mai, après deux mois de fermeture, l’exposition « A la Découverte du Pharaon oublié », organisée à Liège, à la Gare des Guillemins, depuis le samedi 14 décembre 2019, fut d’abord prolongée jusqu’au dimanche 30 août, ne fermera définitivement ses portes que le dimanche 03 janvier 2021.
Pour nous proposer cette véritable immersion dans l’Egypte ancienne, ne se focalisant pas exclusivement au trésor du tombeau, « Europa Expo » a fait appel à un comité scientifique, présidé par Dimitri Laboury, directeur de recherches au « Fond de Recherches scientifiques » et professeur adjoint d’Histoire de l’Art et d’Archéologie de l’Egypte pharaonique, à l’Université de Liège, ainsi que Simon Connor, ancien conservateur du « Museo Egizio », de Turin, et chercheur, au » Metropolitan Museum of Art », de New York.
Muni de notre audioguide (inclus dans le prix d’entrée), c’est Howard Carter lui-même, par la voix d’un comédien, qui s’adresse à nous, tout au long de notre visite, qui commence avec la découverte d’une exceptionnelle série de photos anciennes, en tirage sépia, dévoilant qu’à l’époque, les égyptologues travaillaient en chemise blanche et veston de lin clair, noeud papillon et chaussures en cuir blanc… Inimaginable au XXIè siècle…
Un superbe décor, nous attend dans la seconde salle, nous donnant l’impression de voguer sur le Nil, un couloir de vie en plein désert, des mouettes en plein vol étant visibles par un hublot, alors que des petites tables rondes sont dressées sur le pont, un foulard et un sac de dame étant posés sur un siège, un veston, sur un autre, ce Monsieur ayant placé son chapeau de paille à côté de sa carafe de wiskhy…
Plus loin, c’est une tente de travail d’Howard Carter, qui est dressée sur le sable égyptien, lui qui avait été invité en Egypte, en 1892, alors qu’il était âgé de 17 ans, afin de réaliser des aquarelles, reproduisant les peintures murales des tombeaux, plusieurs de ses aquarelles originales de plantes et de mobilier, issues de collections particulières, étant exposées, parmi différentes pièces authentiques ou copies fidèles, au sein de deux salles de l’exposition, l’une de ses palettes de peintre, aux 14 couleurs, nous étant également présentée…
Après son exposition « Génération 80 », prolongée en ce même lieu, jusqu’au dimanche 1er septembre 2019, « Europa Expo », de Welkenraedt – dont les ateliers de création de décors se trouvent à Angleur-Liège -, nous propose cette fois cette immersion au cœur de l’Egypte Antique, aux côtés d’Howard Carter, qui entamme le XXè siècle, le 1er janvier 1900, en étant nommé Inspecteur en Chef des Antiqités de Haute-Egypte, par un nouvel arrivant, l’égyptologue français Gaston Maspero (1846-1916), responsable du Services des Antiqités de l’Egypte.
Début 1905, des Français fortunés, se pleignant de l’obscurité, à l’intérieur d’un lieu qu’ils visitent, demandent à Carter d’être remboursés. A juste titre, ce dernier refuse et les visiteurs éconduits portent pleinte. Masperodemande à Carterde s’excuser, même s’il était dans son droit. S’y refusant, il démissionne duService des Antiqiutés, retournant vers ses pinceaux, guidant, parfois, des touristes.po »
En 1907, Gaston Maspero le présente à Lord Carnavon(1866-1923) – un noble, passant ses hivers en Egypte, pour raisons de santé, qui fut le second Britannique, après la Reine Victoria (1819-1901) à obtenir son permis de conduire -, qui l’engage comme archéologue, ce qui lui permet de se mettre à la recherche de la tombe de Toutankhamon. Six campagnes de fouilles furent entreprises, épuisant les budgets accordés par Lord Carnavon, qui veut arrêter les frais.
Carter réussit à le convaincre de lui accorder une dernière chance… Un jour, un de ses ouvriers voit sa jarre descendre dans le sable et les gravats… Un escalier est découvert… L’on dégage les gravats et Carterdécouvre la porte de l’antichambre, 4 mètres sous la tombe de Ramses VI, qui, attirant les touristes, préservait le lieu de toutes nouvelles recherches.
Hors lors de fouilles entreprises par l’égyptologue américain Theodore Monroe Davis (1837-1915), ce dernier est passé à 2 mètres de cet endroit précis, un sentier pour touristes l’ayant éloigné du fameux escalier dissimulé sous le sable et les gravats… N’ayant plus rien trouvé de nouveau, il déclara que la Vallée des Rois avait livré tous ses secrets, … alors même qu’aujour’hui, 98 ans plus tard, les égyptologues continuent à faire d’intéressantes découvertes.
En attendant, c’est Howard Carter qui découvrit la tombe de Toutankhamon, qui n’avait plus connu de présence humaine depuis plus de 3.200 ans… Informé par télégramme, alors qu’il se trouvait en Europe, Lord Carnavon fit rapidement le déplacement, accompagné de sa fille. Trois jours avant l’ouverture officielle, qui se fit en présence d’autorités égyptiennes, le 23 novembre, Lord Carnavon et Howard Carter firent percer la porte. Par un premier trou, creusé dans cette porte, Carter jette un coup d’oeil sur l’intérieur, Lord Carnavon lui demanda s’il voyait quelque chose d’intéressant. Sa réponse est restée célèbre dans le monde de l’archéologie : « Oui, que des merveilles »…
… C’est à Liège, en copies fidèles, une partie de ces merveilles, ainsi que des pièces authentiques de cette époque, provenant aussi bien du « Musée Royal de Mariemont » ou du « Musée Art et Histoire », du Cinquantenaire, que du « Louvre », ou d’autres musées d’Allemagne, du Canada, d’Espagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, sans oublier de nombreuses pièces de collectionneurs particuliers ou encore,« last but not least », de notre Palais Royal…
Pour ce qui concerne les copies, notamment pour les fidèles reproductions des 242 objets du matériel funéraire, elles ont été réalisées par une cinquantaine d’artisans égyptiens, sur le site de la Citadelle du Caire, au sein d’ateliers dépendant du Ministère des Antiquités égyptiennes.
A noter que nous apprenons que si le quotidien britannique « Times » publia deux pages, au lendemain de l’ouverture officielle, en Belgique, l’on dû attendre près d’un mois, le 24 décembre 1922, avant d’obtenir un premier reportage belge, dans « La Libre Belgique », un délais inimaginable à notre époque des « réseaux sociaux »…
Parmi les pièces maîtresses de l’exhibition, citons la reconstitution à l’identique de la partie majeure du tombeau de Toutankhamon, tel que Carter et son équipe en fit la découverte, il y a presque cent ans, dont la présentation de tous les objets alors présents dans trois chambres mortuaires de la tombe. L’effet est saisissant !
Plus loin, nous voyons une réplique grandeur nature du sarcophage de Toutankhamon, qui, avec un ingénieux système de cordes et de poulies, nous permet de comprendre comment il fut extrait de son tombeau de pierre.
Parmi les décors créés par« Europa Expo », notons encore la reconstitution d’un atelier de sculptures, sis à Armana, la ville où Toutankhamonvécut son enfance, celui de Thoutmôsis, sculpteur officiel du Pharaon Akhénaton (circa -1371/ -1337), le père de Toutankhamon. C’est àThoutmôsis que nous devons le célèbre buste – dont l’original se trouve à Berlin, au « Neues Museum » – de la Reine Néfertiti (circa -1370/-1333), la mère présumée de Toutankhamon, l’exposition évoquant qu’une certaine « young lady », parmi 16 momies féminines expertisées, aurait pu enfanter ce Pharaon, décédé à 18 ans, dans des circonstances inconnues.
Autre décor, réalisé dans les ateliers d’Angleur, la superbe reconstitution d’une chambre du Palais Royal, les peintures murales et au sol, ayant été réalisées au XXIè siècle, avec des pigments et des pinceaux en fibres végétales, semblables à ceux utilisés au… XIVè siècle avant notre ère, comme le furent les murs de la tombe de Toutankhamon…
En parcourant l’exposition, outre 150 authentiques sculptures de l’époque, nous retrouvons des copies de ce qui fut retrouvé dans les différentes chambres mortuaires de la tombe de Toutankhamon, comme celles de bijoux, d’épices, d’instruments de musique et d’armes, voire d’un char, qui était, aussi, présent, démonté, dans l’une des trois chambres mortuaires, vues au début de l’exposition, ce dernier étant présenté à l’arrière d’une galerie présentant des copies modernes des photos argentiques, prises en novembre 1923, par Harry Burton, pour le quotidien britannique « Times ».
A noter que nous découvrons, aussi, pour que Toutankhamon puisse casser la croûte durant son voyage dans l’au-delà, des copies des boîtes qui contenaient des pièces de viande ou des oiseaux, qui pouvaient avoir été cuisinées ou simplement préservées dans du sel, puis imbibées d’huiles et de résines, avant d’être enveloppées dans des linges, comme de véritables momies, et placées, chacune, dans son propre petit cerceuil.
Pour en revenir aux armes, outre la reconstitution d’arcs à flêches et d’imposants boucliers, notons celles de deux poignards, qui se trouvaient enfouis dans les bandages de la momie de Toutankhamon, l’original de l’un d’eux possédant une lame en or, le second, avec un pommeau taillé dans un cristal de roche, des broches en or et une lame en fer d’origine météorite.
Au milieu de cette galerie, dans une une petite salle, nous pouvons assister à la projection d’un extrait du film documentaire « Le Trésor redécouvert« , réalisé par Frédérc Wilner, ancien responsable éditorial du magazine “Des Racines et des Ailes”, de « France 3 », co-fondateur d’ « Iliade Productions », ayant été fait « Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres », au titre de son travail documentaire.
C’est l’occasion de souligner l’une des originalités de cette exposition. Plutôt que de projeter, d’une traite, un long documentaire, les organisateurs ont préféré couper ce film en une dizaine de séquences, qui nous sont proposées tout au long du parcours, sur des écrans de différentes dimensions, parfois dans de petites salles équipées de bancs (les distances physiques étant à respecter), la séquence de la découverte de la tombe étant particulirement intéressante, d’autres extraits nous montrant que pour profiter de la lumière du soleil, les temples égyptiens étaient dépourvus de toitures, ou encore, dessins à l’appui, que chaque ouvrier, pour les édifier, pouvait porter sur son dos, un bloc de… 50 kilogrammes…
Dans une salle, des copies de quatre vases canopes attirent notre attention, chaque pièce originale contenant soit-y l’estomac, le foie, les intestins ou les poumons du Pharaon, une séquence du film expliquant que l’on extrayait son cerveau par ses narines, détaillant le long processus de momification.
Afin, notamment, de déterminer les causes du décès du jeune Pharaon, en 1925, des examens scientifiques révélèrent des lésions au crâne, laissant présager un assassinat, alors que, dans les années ’70, de tels examens révélèrent, aussi, une profonde blessure au genou, qui pourrait être la conséquence d'une chute, ayant entraîné le décès de Toutankhamon, sachant qu'il était, également atteint par la malaria. Alors, ce jeune Pharaon est-il décédé suite à une chute ou de la malaria ?... La question reste posée ! ...
En fin d’exposition la soi disant « malédiction de Toutankhamon » est évoquée par une lettre de l’égyptologue bruxellois Jean Capart (1877-1947), adressée à une journaliste française, qui développait ce sujet, suite au décès de Lord Carnavon, décédé le 05 mars 1923, moins de 4 mois après la découverte de la tombe du jeune Pharaon…
En fait, victime d’une piqûre de moustique au visage, se blessant en se rasant, il fut emporté par une septicémie, ce qui n’a rien à voir avec une quelconque « malédiction ». D’ailleurs, notre guide dans cette exposition, Howard Carter, lui qui fut le premier à pénétrer dans la tombe du Pharaon, ne décéda qu’à l’âge de… 64 ans.
A noter que Jean Capart, qui occupa, à l’« Université de Liège », la première chaire d’égyptologie créée en Belgique, étant devenu, de 1925 à 1942, conservateur en chef des« Musées Royaux d’Art et ‘Histore ». Invité par Howard Carter, en novembre 1923, il accompagna la Reine Elisabeth et, son fils, le futur Roi Léopol III (1901-1983) lors de leur visite de la tombe de Toutankhamon, créant, à cette occasion, la« Fondation égyptologique Reine Elisabeth ».
Pour la petite histoire, l’exposition nous informe qu’au pays des « bulles dessinées »,« Hergé » (Georges Remi/ 1907-1983) le dessina dans son album « Les 7 Boules de Cristal » (1948), sous les traits du« Professeur Bergamote », alors qu’Edgar P. Jacobs (1904-1987), dans « Le Mystère de la Grande-Pyramide » (1954), lui donna les traits du « Dr. Grossgrabenskin ».
Des albums de différentes éditions de « Tintin », de« Blake & Mortimer », ainsi que d’autres héros de BD, des billets de banques égyptiens, des CD, un désapsuleur, un jeu de société, des romans, des timbres poste égyptiens et belges, de la vaisselle, des vases,… , sans oublier deux livres co-écrits par Jean Capart (« Memphis, à l’Ombre des Pyramides » &« Thèbes »),… voire même d’une jardinère, sont exposés dans deux vitrines, témoignages de ce que l’on peut appeler l’« Egyptomanie », ou, plus particulièrement, ici, la« Toutmania« , illustant notre fascination pour l’Egypte, alors que cette exposition didactique se termine par un prêt du Palais Royal et de ses archives, incluant des albums de photos de la Reine Elisabeth, voyageant en Egypte, ses diférentes lettres, sa carte de voeux à Jean Capart, ses notes manuscrites, on son menu du déjeuner de gala (7 services) au « Luxor Winter Palace »… et deux tout petits objets (une pioche et une hache, en bronze), symbolisant les travaux à effectuer dans l’au-delà, qui lui furent offerts, en 1922, par Lord Carnavon, sachant que ce dernier lui avait offert, lors de son premier séjour en Egypte, un morceau du voile, qui séparait les différentes chambres funéraires.
Quant à l’ultime vitrine, elle nous informe de deux événements mondains – dont le programme était présenté sur des papyrus -, pour lesquels tous les invités devaient se déguiser, l’un, en 1926, au « Palais d’Egmond », à Bruxelles, et, l’autre, l’année suivante, à Héliopolis, la soeur du Roi Léopold III, la Princesse Marie-José de Belgique (1906-2001) s’étant travestie en Princesse égyptienne, elle qui, 4 ans plus tard, épousa Humbert II (1904-1983), devenant, par alliance, pour 35 jours seulement, en 1946, la dernière Reine d’Italie…
… Mais revenons à Toutankhamon, le Pharaon de tous les excès, le plus petit de ses trois cerceuils affichant… 110 kgs d’or, son masque funéraire, 11 kgs d’or, 16 niveaux de bandelettes entourant son corps, sans perdre de vue que, durant les 10 ans de recherches, dans sa tombe, sous la conduite d’Howard Carter, quelques 5.398 objets furent inventoriés, dont 413 statuelttes (des « shawabtis », substituts à l’âme, dans l’exécution des travaux dans l’au delà, afin que le Pharaon ne doive pas les exécuter lui-même), 145 pagnes, 93 paires de chaussures (dont une paire sandales en or), … !
Avouons que la rencontre avec un tel Pharaon, pourvoyeur de fantasmes, vaut le détour par la Gare des Guillemins, à Liège.
Ouverture : jusqu’au dimanche 03 janvier 2021, de 10h à 18h30 (fermeture de l’accueil à 17h). Prix d’Entrée (audios guides inclus) : 15€, du lundi au vendredi/17€, le week-end (13€/15€, à partir de 65 ans // 10€/11€, pour les étudiants et pour les membres d’un groupe de 15 personnes minimum // 10€/10€, pour les PMR // 8€/8€, par membre d’un groupe scolaire // 0€/0€, jusqu’à 6 ans inclus (sans audioguide) // 45€/50€, pour une famille). Réservations obligatoires : via ce lien : https://www.europaexpo.be/web/index.php/tickets. Infos : 04/224.49.38 & info@europaexpo.be. Catalogue : Ed.« Presses Universitaires de Liège »/broché/336p./Coordination de rédaction : Simon Connor & Dimitri Laboury/25€). Site web : http://www.europaexpo.be.
Yves Calbert.