Blitzkrieg - Hugues Wenkin

écrit par RobertMARY
le 08/08/2022

Blitkrieg est un livre qui constitue en fait un réédition d'un ouvrage paru en 2007 sous la forme d'un numéro spécial de la revue "Batailles et Blindés". Le travail initial a été complété dans le livre.

Mon but n'est pas de résumer le livre mais d'expliquer pourquoi je l'ai apprécié.

Ce texte est clair et peut être compris par un néophyte, ce qui en fait sa qualité principale.

L'apport des théories stratégiques issues de la 1ère guerre mondiale et leurs évolutions successives jusqu'au concept de "guerre mécanisée" sont présentés. La logique "de la théorie à la pratique" est bien mise en valeur, bref de la 1ère guerre mondiale à la seconde tout en intégrant un chapitre dédié aux limites de la guerre éclair (la Panzerwwaffe devient presque inopérante dès 1943 en Russie) soulignant que la guerre de mouvement en 1944 devenait l'apanage des alliés.

La présence d'un chapitre dédié à la pensée stratégique russe offre une valeur ajoutée certaine. Cette pensée stratégique promouvait la doctrine de "guerre en profondeur" avant que les purges staliniennes, le rejet des idées occidentales par principe et des erreurs d'appréciation de l'analyse de la guerre d'Espagne ne sonnent le glas de cette doctrine et stoppent l'avance conceptuelle prise par ce pays.

Le livre alterne la présentation de la situation (pensée stratégique et état des lieux en pratique) de chaque belligérant pendant les deux guerres.

Aucune nation ne peut seule, revendiquer le concept de "guerre de mécanisée", telle est la grande conclusion de ce livre.

Pendant la 1ère guerre mondiale les anglais inventent le char et la guerre mécanisée auraient pu apparaître lors du Plan 1919 développé par Fuller, chef du Tank Corps britannique, mais la guerre se termine (heureusement) plus vite que prévu. Fuller développe le concept de guerre mécanisée, propose une attaque de blindés sur Cambrai (la première de l'histoire, mais celle-ci sera mal réalisée) et influence Guderian. Il sera, de par sa notoriété, le seul étranger autorisé en 1935, à assister aux manoeuvres de la toute jeune Panzerwaffe (alors que Guderian assitera à son tour en 1935, aux manoeuvres de l'arme blindée russe...).

Pendant la 1ère guerre mondiale l'Allemagne insiste sur la collaboration interarmes (infanterie et artillerie). De petits groupes d'infanterie de rupture (stosstruppen) armés de lance-flammes et de mitrailleuses sont aussi employés. L'Allemagne n'avait pas de char si ce n'est des prises de tanks britanniques. Personne ne conduirait sa voiture dans le compartiment moteur, comme le mentionne justement l'auteur, c'est pourtant ce que vivaient les tankistes de l'époque.

Guderian fut soutenu par son supérieur hiérarchique (Lutz) puis en 1940, alors sous les ordres de Von Manstein, met en pratique les préceptes de Fuller avec brio, de Sedan à Dunkerke (via Abbeville et l'embouchure de la Somme) mais il n'invente pas la guerre mécanisée. Ceci dit il comprend bien les aspects logistiques de la guerre et la nécessité d'avoir des réserves pour permettre l'exploitation par encerclement d'une rupture préalablement réussie. Il insiste sur l'utilisation complémentaire des différentes armes et leur bonne communication (ainsi les chars seront dotés de radio et peuvent demander un soutien aérien). 

Même Hitler ne comprend pas la puissance de l'outil dont il dispose, la Blitzkrieg n'est pas menée à son terme l'empêchant de capturer les troupes britanniques à Dunkerke, les conséquences stratégiques pour l'Allemagne, seront incalculables.

Guderian mettra sa démission dans la balance lorsqu'il est arrêté par Hitler dans sa course folle. Von Mainstein sera même muté pour insubordination! Mais ce seront les échellon subalternes qui imposeront leur vue à leurs supérieurs (en ce compris Hitler) en démontrant leur habileté sur le terrain.

Les idées prometteuses françaises (Estienne), anglaises (Fuller), russes (Toukhachevski) ne seront pas accueillies favorablement dans leurs pays respectifs, mais elles trouveront un écho en Allemagne. Le cas russe est particulier puisque en 1935 les idées de guerre en profondeur menée par l'arme blindée sont suivies d'effet (la Russie a une doctrine d'avant-garde même si elle n'a pas encore les chars de qualité nécessaire pour appliquer cette doctrine) puis soudainement abandonnées.

Elles seront mises en oeuvre de manière éclatante par l'Allemagne jusqu'en 1941 puis se heurteront à des limites (notamment en Russie).

En bref la guerre mécanisée de mouvement est de paternité européenne.

 

Le livre donne également des informations anecdotiques intéressantes :

a) Si un certain Erwin Rommel avait eu des réserves permettant d'exploiter une rupture, l'Italie aurait été hors-jeu lors de la 1ère guerre mondiale (bataille de Caporetto en 1917).

b) Lors de la seconde guerre mondiale, tant les anglais que les français avaient un avion dont le rôle était comparable à celui du Stuka allemand: le Fairey Battle triplace britannique et le Loire Nieuport, un avion en piqué français. Ces deux avions avaient des défauts rédhibitoires. Le Stuka également (trop lent nécessite impérativement la protection de la chasse) puisqu'il sera retiré assez tôt de la Bataille d'Angleterre (malgré son relatif succès ultérieur en Russie).

c) Liddle Hart (soulignant le concept de guerre indirecte) aurait demandé à Guderian d'être mentionné dans son livre Achtung Panzer (lequel avait pour but promouvoir la guerre de mouvement interarmes auprès de sa hiérarchie), ceci laisse sous-entendre qu'il aurait infludencé Guderian. Il le sera dans la version anglaise uniquement. C'est une controverse qui fait toujours débat de nos jours.

d) la collaboration russo-allemande en matière de développement et de test de blindés à Kazan fut facilitée par le fait que ces deux pays étaient mis au ban des nations par la Société des Nations (l'ancêtre de l'ONU). Le traité de Rappalo en 1922 permit cette collaboration mais elle stoppa dès l'arrivée au pouvoir d'Hitler en 1933, ce dernier ne voulant pas.faire profiter la Russie des innovations allemandes.

e) le livre mentionne le rôle d'un certain George Patton, commandant de chars, lors de la 1ère guerre mondiale.

f) le livre souligne le rôle des forces parachustistes des différents belligérants, il procède à une approche comparative de leur développement en particulier entre la Russie et l'Allemagne.

 

Blitzkrieg est donc un livre à recommander tant pour un parfait néophyte que pour quiconque désire en apprendre plus sur le sujet. Bonne lecture!

 

Éditeur ‏ : ‎ PIERRE DE TAILLAC, édition illustrée 4 mai 2018

Langue ‏ : ‎ Français

Relié ‏ : ‎ 272 pages

Portrait de RobertMARY
Robert Mary

Lien vers mes autres articles

Lien vers mon site web photographique

Livre sur les chars intégrant ma contribution photographique

Centres d'intérêt photographiques principaux : reconstitutions historiques (seconde guerre mondiale et période napoléonienne), aviation militaire, cosplay de type vampirique, heroïc fantasy ou science fiction.