Johan Van Mullem, aux "Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique ", jusqu'au 20 Août

écrit par YvesCalbert
le 06/08/2023

Jusqu’au dimanche 20 août, les « Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique » (« MRBAB ») nous invitent à découvrir « For love’s S(n)ake », une exposition des dessins, peintures et sculptures de l’artiste autodidacte, brugeois d’origine, bruxellois d’adoption, Johan Van Mullem (°Congo/1959), diplômé en architecture.

« Je suis tombé dedans quand j’étais petit, … mon grand père et mon père peignaient déjà, … une transmission d’un don », nous confia-t-il ce mercredi 02 août, poursuivant : « Je viens du dessin, avec l’envie de peindre de sculpter. »

A notre question : "Comment se fait-il que vous exposez à côté de la salle réservée aux peintures de Pierre-Paul Rubens (1577-1640) ?", Johan Van Mullem répondit : « J’ai été invité par les ‘MRBAB’, comme d’autres artistes contemporains l’ont été avant moi, à la condition que mon travail s’accorde avec les oeuvres de la collection permanente des ‘Old Masters’, afin qu’un dialogue puisse s’instaurer entre leurs peintures et les miennes, l’art se devant d’être un remède dans la société d’aujourd’hui. »

Et, de fait, en voyant certains visages dessinés par Johan Van Mullem, l’on retrouve des traits semblables à ceux des oeuvres présentes dans les salles de la collection permanente des‘Old Masters’. Avec cet artiste, nous  inscrivons la création contemporaine dans ses racines historiques.

Si deux salles lui sont réservées, dans la première, nous découvrons quelques-unes de ses sculptures et un  accrochage de dessins impressionnants, dont l’un, « Révérence », couvre une superficie de 11m sur 2m75.

« Je ne disposais que de ma chambre pour dessiner ‘Révérence’. J’ai donc dessiné sur un rouleau de papier, plusieurs séquences se succédant, évoquant nos racines, chaque section devant être terminée avant que j’entame la suivante. »

Ainsi, il convient de découvrir cette oeuvre, présentant les cycles de la vie, en commençant par le fond de la salle, la dernière séquence évoquant la fin de vie, alors que l’artiste a évoqué une naissance de façon on ne peut plus explicite, spermatozoïdes à l’appui.

« Quand je commence un dessin ou une peinture, je suis disponible. Je ne sais pas ce que je vais faire, mais je suis imprégné de ma propre histoire, de mes 64 ans de vie, chacun étant libre d’interpréter chacun de mes dessins comme il l’entend … Ici, dans un monde en noir blanc, vous entrez dans mon monde intérieur, dans les ténèbres, alors que les peintures, que j’expose dans la seconde salle, respirent la lumière … »

« Avec mes dessins, j’esssaye de me libérer des algorithmes de mon cerveau, laissant libre cours à mes pensées  … Et si, ici, je dessine des papillons, c’est parce que je pense à la chrysalide, principe de la transformation, ce qui est propre à l’être humain. Nous ne sommes pas dans le rationnel, mais bien dans l’émotionnel. »

Face à « Révérence », nous découvrons un autre dessin imposant, de 6m50 sur 1m80, « My Temptation », une création, de 2020, valorisant une toute autre technique, puisqu’il s’agit, ici, d’un travail aux marqueurs, sur des panneaux et non plus du papier.

« Chaque culture a ses propres codes. On ne peut tout voir du premier coup« , nous dit-il. Et de fait, il convient de s’approcher de cette oeuvre, afin de découvrir tous les détails de ce travail d’inspiration africaine, avec un crocodile, gueule ouverte, trois musiciens, jouant des percussions ou de l’ « imzad », ainsi que quelques masques.

Quatre dessins, de dimensions plus réduites, réalisés à l’encre épaisse, attirent notre attention. L’artiste nous explique : « Ils ont été réalisés l’année du décès de mon père. Même si je ne suis pas de confession orthodoxe, je me suis imprégné de leur culture, qui veut que la personne décédée demeure parmi nous durant les 40 jours suivant le jour de son décès. Aussi, en 40 jours, j’ai créé 40 dessins de la même dimension, à raison d’une création quotidienne.« 

Suivons Johan Van Mullem dans la seconde salle qui lui a été attribuée, exclusivement réservée à ses peintures,  cinq étant de petits formats, aux couleurs pastels, réalisées dans un atelier, au début de la pandémie.

Mais se sont, davantage, ses créations de grandes dimensions, aux couleurs vives, qui attirent notre attention, dont deux premières, où le vert domine, Eve et Adam se complétant, pour nous offrir une version contemporaine de l’ « Origine du Monde » (1866), de Gustave Courbet (1819-1877), toutes les peintures exposées dans cette salle ayant été réalisées durant cette période de triste mémoire – mais riche en créations pour  Johan Van Mullem -, à une époque où nous ne pouvions circuler librement, rencontrer d’autres personnes, alors même que l’artiste nous confia : « Nous devons être conscients de notre humanité et du fait que nous vivons avec d’autres êtres humains ».

De ses deux oeuvres aux tons verts, nous passons à ce qui pourrait être une seule encre sur carton, aux couleurs vives, toute en longueur, mais que l’artiste à divisé en plusieurs sections, dont quatre nous sont présentées, non  pas en continuité, mais déplacées, selon son choix …

Voilà qui nous rappelle qu’autrefois des peintures furent sectionnées en plusieurs tableaux, vendus  individuellement. Ainsi, en 2019, en ce même musée bruxellois, une exposition – « Les Portraits de Frans Hals, une Réunion de Famille »  – rassembla, pour la première fois en plus de 200 ans, trois fragments du  « Portrait de la Famille Van Campen » (vers 1623-1625), de Frans Hals (1582-1666), ce tableau, peint pour le marchand de tissus  Gijsbert Van Campen, ayant été morcelé au début du XIXè siècle, deux sections de l’entièreté originelle de cette toile ayant été retrouvées, l’une aux Etats-Unis, dans la collection permanente du « Toledo Museum of Art », et l’autre au sein d’une collection privée européenne. Actuellement, au 1er étage des « Old Masters »,  une vidéo  explique la réunion des différentes sections de ce tableau de Frans Hals.

Mais revenons aux tableaux contemporains, pleins de lumière, de Johan Van Mullem, ses paysages, exposés de l’autre côté de la salle, étant une célébration de la nature, belle, luxuriante et vibrante, témoignant de son envie d’espaces, dont il était privé, en pleine pandémie, enfermé dans son atelier, le végétal qu’il peint déclenchant, en lui-même, un sentiment de liberté et de sérénité.

« Chaque couleur à une fréquence, générant des impressions émotives. », nous dit-il, ajoutant : « Il m’arrive de totaliser plus de 20 couches de couleurs sur certaines toiles, histoire d’assurer de la profondeur. » 

La commissaire, Sophie Haesarts, agrégée en « Histoire de l’Art », évoque sa » vision puissante, humaniste, une fenêtre aux harmonies secrètes qui semble nous appeler et nous souffler la révélation d’un secret qui aurait traversé les temps jusqu’à nous. (Son) œuvre est à la fois incarnée, épaisse, charnelle et féerique, (appellant) un éveil de l’âme par delà les notions de nature et de culture … Son monde (est) interpénétré d’âmes tourmentées et de
paradis possibles, où la générosité des encres fait jaillir la lumière et où la couleur répond aux ténèbres. »

A notre grande surprise, ce sympathique artiste, disponible à souhait, nous signale qu’actuellement, il n’a plus d’atelier. Puisse un de nos lecteurs connaître un lieu où il pourrait continuer à exprimer son immense talent.

Dans un couloir prolongeant la seconde salle, sur un écran vidéo, deux courts-métrages nous montrent Johan Van Mullem au travail, notamment au niveau de la création de ses sculptures, exposées dans la première salle, quinze bustes en terre crue, ensuite émaillée, constituant un ensemble intitulé : « Serendipity » (2013-2014).

A notre question : « Y-a-t-il un buste qui retient plus particulièrement votre attention ? », sa réponse fut directe :  « Vous auriez 15 enfants, pourriez vous aimer davantage l’un d’entre eux ? »

En guise de conclusion à notre entretien, il déclare : « Mon travail est une révérence à la vie. Soyons conscients que nous sommes vivants« .

Ouverture de l’exposition : jusqu’au dimanche 20 août, du mardi au vendredi, de 10h à 17h, le samedi & le dimanche, de 11h à 18h. Prix d’entrée des « MRBAB » (incluant l’accès aux expositions « Johan Van Mullem-For love’s S(n)ake » & « Léon Spilliaert-Les Débuts », ainsi qu’au « Musée Fin de Siècle ») : 10€ (8€, dès 65 ans & pour les membres d’un groupe de minimum 15 personnes / 3€, pour les étudiants de moins de 26 ans, pour les personnes porteuses d’un handicap et leur accompagnateur, les demandeurs d’emploi belges & les membres d’un groupe d’étudiants de moins de 26 ans de minimum 15 personnes / 0€, pour les moins de 19 ans, les enseignants & les détenteurs d’une « Brussels’ Card »). Audioguides pour les collections permanentes des « Old Masters » et du « Musée Fin de Siècle » (nouveaux audios-guides pour les enfants & les adolescents) : 4€ chacun. Contacts :  info@fine-arts-museum.be & 02/508.32.32. Site web : https://fine-arts-museum.be/.

Ce dimanche 06 août, à 14h,  Johan Van Mullem, en personne, nous guidera dans son exposition. Prix : 16€ (14€, dès 65 ans / 10€, pour les étudiants de moins de 26 ans & les demandeurs d'emploi.

Le « Musée Magritte » étant fermé, pour rénovation, profitez de votre présence aux « MRBAB », pour retrouver une importante sélection des oeuvres de René Magritte (1898-1967), provisoirement présentées dans l’espace des expositions temporaires des « MRBAB », un audio-guide (4€) étant disponible.

Yves Calbert.

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