FOURONS, le symbole sacrifié !
Même si le « temps des gourdins» évoqué dans l'ouvrage «Génération Fourons» (Pierre Ubac (nom collectif; De Boeck Université, 1993) est désormais lointain dans les villages fouronnais, arrachés à la Wallonie et à la province de Liège en 1962, le dossier fouronnais continue à susciter la curiosité.
La preuve par le premier dossier de «L'Histoire continue», l'excellente émission de Bertrand Henne et Hélène Maquet, le samedi matin, sur La Première, qui était consacré aux affrontements violents du début des années 1980 dans la vallée de la Voer (ou du Foron), et du long chemin vers une sortie de crise qui s'est conclue par... la création de la Région bruxelloise, en 1988. Le 9 mars 2020, c'est la VRT qui, en radio, était revenue sur l'épisode qui avait vu un pisciculteur fouronnais, Joseph Snoeck, faire feu sur des manifestants flamingants qui dévastaient la maison sur laquelle il avait eu l'audace d'afficher le drapeau des Fouronnais francophones. Et voici qu'un nouvel ouvrage revient sur ce passé tumultueux: «Fourons, le symbole sacrifié», par Jean-Louis Xhonneux.
L'homme est un acteur important de la saga fouronnaise: il est toujours le secrétaire général de l'Action fouronnaise, et un des correspondants les plus fidèles de la Commission permanente de contrôle linguistique... dont la majorité flamande à Fourons se soucie des avis comme un poisson d'une pomme, surtout lors de la fin de «règne» de Huub Broers (Voerbelangen) à l'Administration communale de Fourons. Et nous ne serions pas surpris si, à terme, d'autres auteurs revenaient sur le dossier, mais n'anticipons pas...
«Usurpation d'identité»
Les racines de l'ouvrage de Jean-Louis Xhonneux plongent loin dans l'Histoire, puisque dans une première partie, d'une lecture un peu plus ardue, il évoque l'époque lointaine du comté de Dalhem, rattaché au duché de Brabant à l'époque médiévale, et du duché de Limbourg, qui n'avait rien à voir avec les provinces belge et néerlandaise actuelles du Limbourg. Cette «usurpation d'identité» territoriale est le fait, on l'a bien oublié aujourd'hui, du roi des Provinces-Unies reconstituées après la chute de l'empire napoléonien: Guillaume Ier des Pays-Bas voulait s'afficher en héritier des princes et aristocrates d'Ancien Régime, et le nom du duché disparu de Limbourg, dont le village historique vaut toujours le détour sur les hauteurs de Dolhain, a été ainsi «transféré» à une province dont le chef-lieu était Maastricht, et qui s'est dédoublée après la Révolution belge de 1830.
Un tour de passe-passe
Le but de l'auteur est de tordre le cou à une légende: il n'y a jamais eu « d'échange » entre les villages fouronnais, à l'extrême-est de la Wallonie, et Mouscron-Comines, transférés de Flandre Occidentale à la province de Hainaut, à l'opposé, le long de la frontière française.
Il rappelle que ce tour de passe-passe a été obtenu par le vote, à une majorité (flamande) simple face à la minorité wallonne, tant à la Chambre qu'au Sénat, alors que, pour renverser cette décision à laquelle la population locale s'est opposée durant quatre décennies dans les urnes, il faudrait désormais une loi à majorité qualifiée, qui recueille notamment la majorité des voix dans chacun des groupes linguistiques de la Chambre. Et voilà comment des votes répétés en 1964, en 1976, en 1982, en 1988, en 1994, et, pour l'élection directe du CPAS, en 2000, en faveur du retour de ces six villages à la province de Liège ont toujours été sciemment ignorés. À l'heure, aujourd'hui, la démocratie est en crise, et où les solutions les plus variées sont proposées pour actionner une «participation citoyenne», il y aurait là matière à large réflexion.
Pas au-delà
L'ouvrage de Jean-Louis Xhonneux ne va pas au-delà du changement de siècle, qui a vu la majorité francophone renversée par l'opposition flamande, avec le concours des électeurs néerlandais établis à Fourons. Des électeurs dont la participation, rappelle l'auteur, a pulvérisé les records au niveau national!
Il se prolonge simplement par l'affichage des résultats électoraux de 2006,2012, et 2018, qui ont vu la majorité flamande prendre le contrôle aussi du CPAS.
«Huub Broers avait toujours assuré qu'à terme, la solution démographique jouerait en faveur des Flamands» rappelait le journaliste politique de la VRT, Ivan De Vadder, lors de l'émission sus-dite de La Première. Du côté francophone, de façon provocatrice, le terme d'«épuration ethnique» a été plusieurs fois brandi, lors des situations de tensions notamment. La comparaison avec les drames qu'a connus l'ex-Yougoslavie se révèle très discutable.
Nourri de ses propres souvenirs, mais aussi d'une abondante littérature, et de sources de presse, l'ouvrage de Jean-Louis Xhonneux permet à tout lecteur et toute lectrice peu au fait de cet épisode mouvementé de la vie politique belge de la fin du XXe siècle d'en apprendre beaucoup, sous le prisme francophone. C'est notamment l'occasion de vérifier que la «tache d'huile» si fréquemment évoquée par les milieux flamingants pour dénoncer la francisation progressive de la périphérie bruxelloise a été le fait, à Fourons, de fonctionnaires et militants flamands «transférés» dans ces villages à flamandiser à tout prix (cf. les investissements considérables de la Flandre sur place). Et par l'installation de nombreux seconds résidents néerlandais, habilement mobilisés en vue du scrutin communal de 2000.
Les personnes bien au fait du dossier se souviendront de la tempête déclenchée en Flandre par la rencontre impromptue entre le défunt roi Baudouin et un jeune agitateurs appelé José Happart, le 22 mai 1979, à hauteur de la sortie d'autoroute d'Ensival, en région verviétoise. Mais elles seront peut-être étonnées d'apprendre, comme l'auteur de ce blog, que le 27 janvier 1978, des Fouronnais francophones et flamands s'étaient accordés pour créer un «Comité écologique fouronnais» parfaitement bilingue.
Deux jours plus tard, l'initiateur flamand de cette réunion, un enseignant, était convoqué à Hasselt, chef-lieu de la province du Limbourg, et se voyait affirmer, contre toute logique, qu'il n'y avait... pas de francophones à Fourons et que donc un comité bilingue n'avait aucune raison d'être. Rappel de son statut professionnel à la clé, on lui intimait donc l'ordre de saborder l'initiative. Quelques mois plus tard, les «promeneurs» fachos du Taal Aktie Komitee et du Vlaams Militanten Orde, une milice illégale ensuite tardivement interdite, déferlaient sur les Fourons. Sans le moindre souci écologique, on s'en doute...
© Retour sur le dossier fouronnais par phileruth
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