"Fernando Botero. Au-delà des Formes", au "BAM", à Mons, jusqu'au 30 Janvier

écrit par YvesCalbert
le 06/01/2022

« Je regarde mes sujets comme un peintre et non comme un commentateur, un philosophe ou un psychologue. Je veux être juste un peintre », déclara Fernando Botero (Luis Fernando Botero Angulo/°Medelin/1932).

Se considérant, lui-même, comme « le plus Colombien des artistes colombiens », Fernando Botero nous dévoile son foisonnant univers, inspiré tant par l’art précolombien – fort de ses colossales têtes olmèques, produites par une des premières grandes civilisations de la Mésoamérique – que par la Renaissance italienne, sans oublier l‘iconographie populaire propre à son pays d’origine. Aussi, il a écrit : « La culture visuelle est très vaste et inclut aussi les expressions mineures, comme l’art populaire. Autant d’informations, conservées au long d’une vie, qui se transforment dans l’oeuvre de chaque artiste »

A près de 90 ans, fort d’une carrière de plus de 70 ans, étant l’un des rares artistes à connaître le succès de son vivant, il nous offre, au « BAM » (« Beaux-Arts de Mons »), jusqu’au 30 dimanche janvier 2022, sa première grande  rétrospective belge, dans le cadre de la 2è « Biennale d’Art et Culture » de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Aux côtés de tableaux iconiques et de toiles récentes, exposés pour la première fois, nous avons le privilège de  découvrir des oeuvres de sa jeunesse, le tout nous offrant des scènes religieuses ou populaires, des natures mortes, aussi bien qu’ayant trait au cirque, aux corridas, à la danse ou à la prostition, sans oublier sa série de  tableaux inspirés d’oeuvres de grands maîtres classiques.

De fait, Fernando Botero s’est intéressé très tôt aux grands maîtres de la peinture, plus particulièrement   occidentale. Le choix de ses sujets repose sur le fait qu’une œuvre n’est intéressante que dans la mesure où elle est devenue populaire et pour ainsi dire « rentrée dans un patrimoine commun ».

Ainsi, depuis ses débuts, cet amateur de maîtres anciens a exécuté des centaines de peintures et de dessins inspirés des œuvres de Bonnard, Dürer, Ingres, Le Caravage, Masaccio, Monet, Rubens, Van Eyck, … 

En 1966, Fernando Botero confiait à l’historien d’art Pascal Bonafoux (°Paris/1949) : « Prendre pour modèle une peinture d’un autre peintre, ce que je fais souvent, c’est se mesurer à la puissance picturale d’une œuvre. Un artiste est toujours un critique des autres artistes. Si la position esthétique que l’on a est absolument originale par rapport à celle à laquelle on se confronte, l’œuvre que l’on fait est elle-même originale ».

Un magnifique tableau nous est présenté au « BAM » : « Les Epoux Arnolfini », considéré comme l’un des plus grands chefs-d’oeuvre de l’Art flamand, réalisé en 1434, par Jan Van Eyck (vers 1390-1441). Ce tableau n’a jamais cessé d’intriguer et d’alimenter les théories des historiens. Son réalisme, son iconographie complexe, sa perspective orthogonale et son miroir étirant l’espace ne pouvait qu’attirer Fernando Botero.

« L’Infante Marguerite » (2005), de Fernando Botero, d’après Diego Velázquez (1599-1660) prend une pose similaire à celle du tableau du maître espagnol, mais la large armature de sa robe est le prétexte à développer une  monumentalité chère à Botero.

La Fornarina, coiffée d’un turban oriental orné d’un bijou, adopte le geste de la main couvrant ses seins nus de la toile de  Raphaël (Raffaello Sanzio/1483-1520), mais elle est soumise au « gonflement botéromorphique » et à la palette chromatique de l’artiste sud-américain.

Ce terme de « gonflement botéromorphique » est utilisé pour qualifier le langage pictural propre à Fernando Botero . Ce concernant, il a déclaré : « Le plaisir devant un tableau naît de l’exaltation de la vie que communique la sensualité des formes. Je grossis mes personnages pour leur donner cette sensualité. »

Bien loin de ses adaptations personnelles d’oeuvres classiques renommées, cet artiste colombien – qui comme l’écrivit le critique d’art David Ebony, rédacteur en chef de la revue « Art in America », est « l’un des artistes les plus courageux de notre temps » – fut particulièrement marqué par des images qu’il découvrit, lors d’un séjour aux Etats-Unis, illustrant un article de Seymour Hersh, publié, le 10 mai 2004, dans le « New York Times », relate Harley Shaiken, au sein des pages 44 à 49 du somptueux catalogue édité à l’occasion de cette exposition.

S’agissant de vues de prisonniers irakiens torturés dans la prison américaine d’Abu Ghraib, ce dernier écrit : « A l’époque de Saddam Hussein, à vingt miles à l’ouest de Bagdad, Abu Ghraib était l’une des prisons les plus abominables du monde, avec ses tortures, ses exécutions hebdomadaires et ses conditions de vie abjectes … Pour Botero, impossible d’en rester là. Dans l’avion qui le ramenait en France ‘j’ai pris du papier et un crayon et j’ai commencé à faire des dessins … En arrivant à mon atelier, à Paris, j’ai continué à dessiner et à peindre. C’est devenu une obsession. Pendant 14 mois, je n’ai travailléé qu’à ça, pensé qu’à ça’ … » 

« … Ces peintures et dessins sont ‘parmi les meilleurs travaux de M. Botero‘, estime la critique d’art Roberta Smith, dans le New York Times du 15 novembre 2006. ‘Ont est ému d’approcher ces grandes oeuvres troublantes et ses composition implacables …’, écrit-elle … On notera qu’aucun musée ou galerie, aux Etats-Unis – à l’exception de la Marlborough Gallery de New York – n’a voulu les exposer, malgré des critique souvent dithyrambiques … »

« … Au professeur d’anglais et poète Robert Hass, lors d’une conversation publique à l’Université de Californie, à  Berkeley, en 2007, Fernando Botera déclara : ‘Je suis resté pantois, blessé et ulcéré, comme tout le monde’ … »

Dans les sujets d’actualité, concernant son pays natal, cette fois, il évoque la violence qui y règne, avec « Le Massacre, 20h15 » et « Un autre Crime », mais, également, des drames naturels, tel « Tremblement de Terre. » 

A noter que, donnant davantage de vie à l’exposition, des objets, qui ont pu inspiré Fernando Botero, sont présentés au  « BAM », certains étant repris dans le catalogue, tels des « statuettes gallo romaines » (1er siècle avant notre ère-5è siècle), prêtées par l’ « Arthotèque », de Mons ; des « figures humaines », du peuple Tucano (1000-900 avant notre ère) et une urne anthropomorphe colombienne (1000-1500), prêtées par le « MAS », d’Antwerpen ; une  église de village (vers 1995), céramique colombienne provenant d’une collection privée ; ou encore un arbre de vie mexicain (années 1990), une production populaire de Metepec, en céramique polychrome.

Et comme nous venons d’évoquer la présence au « BAM » d’une céramique mexicaine, signalons que Botero – qui dépeint la comédie humaine, de manière parodique ou ironique – arriva, en avril 1956, au Mexique, où il s’intéressa particulièrement aux peintures murales – dont celles créées par Diego Rivera (1886-1957), l’époux de Frida Kahlo  (Frida Carmen Kahlo Calderón/1907-1954) -, déclarant : « Le muraliste authentique, au-delà de sa propre conception esthétique, est le poète, le peintre, le critique, le connaisseur attentif de son milieu, de son peuple et surtout de l’homme. »

Ainsi, Frederico Botero a écrit : « On ne peut pas faire de la peinture sans appartenir à un lieu. L’art populaire, la tradition indigène, l’art colonial, tout cela ressort dans mes oeuvres sans que moi-même ne m’en rende compte. »

N’oublions pas de mentionner ses talents de sculpteur, mis en lumière, entre autres, par ses oeuvres « Nature morte à la Pastèque », « Leda et le Cygne », ou encore une oeuvre monumentale présentée hors les murs, sur la Grand’ Place de la capitale hennuyère.

Lors de la visite de presse, le vendredi 08 octobre, en présence de Nicolas Martin, bourgmestre de Mons, et de  Catherine Houdart, son échevine de la culture, Cécilia Braschi, commissaire de l’exposition, déclara : « Fernando Botero garde toujours en tête l’idée que l’art est pour tout le monde … Tout le monde peut s’approprier l’art  comme il l’a fait par le passé, avec ses réinterprétations. Les visiteurs et les artistes d’aujourd’hui sont donc invités à se réapproprier l’art des siècles passés, aussi bien que l’art de Botero, lui-même. »

De son côté, Xavier Roland, directeur du « BAM », se réjouissant de la présence d’oeuvres prêtées par d’importants musées, ne manqua pas de nous confier : « Il ne faut pas avoir peur de dire que nos équipes ont acquis une maturité importante, une maturité qui nous a permis de dialoguer avec les responsables du ‘Guggenheim’, à New-York, et de musées allemands, ainsi qu’avec des collectionneurs privés, en Colombie. »

Nous rappelant que le « BAM » a pu accueillir d’importantes expositions, consacrées à Niki de Saint Phalle, Keith      Haring, Roy ­Lichtenstein, ou encore Andy Warhol, il ajouta : « L’idée est d’articuler la vie du musée à la vie de la ville. C’est une évolution du ‘Musée des Beaux-Arts’ qui devient un musée de société, notre mission n’étant pas seulement d’exposer, mais aussi de mettre en valeur la dimension populaire de son œuvre. Influencé par les  muralistes et par l’art folklorique, Botero illustre cette volonté d’inclusion de notre société, cette iconographie, qui lui est chère, s’inspirant de l’art précolombien, interrogeant nos représentations du corps et nos points de vue sur l’apparence.  Ce qui nous intéresse c’est de nous arrêter sur une œuvre et de lancer des débats. »

« Et si la pandémie nous prive des visites scolaires, elle nous a poussé à imaginer des choses nouvelles, comme l’invitation lancée au personnel soignant des deux hôpitaux montois, qui a créé une grosse émotion, à l’occasion de leurs visites. C’est là aussi que nous comprenons l’importance de notre métier. »

Quant à Cécilia Braschi, commissaire de l’exposition, elle nous confia : « Botero garde toujours en tête l’idée que l’art est pour tout le monde, chacun pouvant s’approprier l’art, comme il l’a fait par le passé avec ses réinterprétations. Les visiteurs et les artistes d’aujourd’hui sont donc invités à se réapproprier l’art des siècles passés et l’art de Fernando Botero », ce dernier ayant écrit : « L’art peut offrir un témoignage qui perdure dans le temps et dans la mémoire collective … Mes tableaux sont achevés lorsqu’ils atteignent cet état ‘comestible’, où les choses deviennent des fruits. »

Dès lors, à chacun d’entre, nous rendant à Mons, de nous réapproprier l’art, dont celui produit par ce brillant artiste colombien, si bien présenté, tant sur la Grand’ Place qu’au « BAM », dont le prix d’accès est particulièrement attractif, par rapport à ceux de nombre d’autres expositions temporaires.

Ouverture : jusqu’au dimanche 30 janvier, du mardi au dimanche, de 10h à 18h. Prix d’entrée : 9€ (6€, en tarif réduit / 2€, de 06 à 18 ans / 1€25, pour les « Art. 27 » / 0€, pour les moins de 6 ans / pour une famille, à partir de 3 visiteurs : 3€ par personne). Catalogue (Ed. « Snoeck »/C. Braschi, E. B. Cabrera, D. Martens, C. Padilla, F. M. Rodriguez & H. Shaiken/cartonné/224 p.) : 29€. Réservations obligatoires : http://www.visitmons.be ou  065/33.55.80. Obligation sanitaire : port d’un masque buccal (à partir de 06 ans), présentation de son « Covid Safe  Ticket » & d’une pièce d’identité (dès 16 ans).

Grâce à un projet transmédia développé par « Arteam Interractive« , mis en scène par François Salmon, avec l’appui de nos smartphones, dans les différentes salles du « BAM », en collaboration avec le « Musée des Beaux- Arts de Tournai », enfants, jeunes ou adultes, nous pouvons ajouter un côté ludique à notre visite, six épisodes nous étant proposés par des vitrines intitulées « Panique aux Musées », avec la présence de peintures  ou d'objets des collections permanentes des deux musées. Que ce soit au « BAM », sur le site  web : http://www.paniqueauxmusees.be, dans son musée virtuel, dans ses contes racontés en podcasts, sur sa page  « Facebook » ou même sur ses flyers, tous les supports recèlent leurs propres secrets !

Murielle Lecocq et Yves Calbert.

 

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