"Art nouveau. Histoires d’Objets d’Exception", au "Musée BELvue", jusqu'au 07 Janvier
A l’occasion de l’année de l’ « Art nouveau Brussels 2023 », la « Fondation Roi Baudouin » nous propose, jusqu’au dimanche 07 janvier, une fort jolie exposition d’une quarantaine d’œuvres emblématiques, au « Musée BELvue », intitulée « Art nouveau. Histoires d’Objets d’Exception », l’accès à celle-ci étant gratuit.
Grâce à la générosité de mécènes, des suites d’un héritage ou d’un don fait par un disciple de l’un ou l’autre de ces artistes. la « Fondation Roi Baudouin » a pu acquérir, au cours de ces dernières années, différentes pièces majeures de la période « Art nouveau » (bijoux d’artistes, céramiques, dessins, exemplaires uniques, mobilier, reliures, sculptures, …), notamment des œuvres de Victor Horta (1861-1947), George Morren (1868-1941), Gustave Serrurier Bovy (1858-1910), Henry van de Velde (1863-1957) et Philippe Wolfers (1858-1929).
Pendentif « Méduse », créé par Philippe Wolfers/1898 ⓒ « Fondation Roi Baudouin«
A fur et à mesure de notre déambulation, nous passerons de l’admiration d’un superbe pendentif « Méduse » (1898), en diamant, ivoire & or, créé par l’orfèvre bruxellois Philippe Wolfers à celle du mobilier d’un bureau ou d’une salle à manger, en passant par de fort jolies céramiques ou d’admirables carreaux.
Mondialement considéré comme étant une icône de la joaillerie « Art nouveau », ce pendentif « Méduse » – au visage sculpté dans l’ivoire -, joyau symboliste le plus important conçu par Philippe Wolfers, fait partie des « Exemplaires uniques », créations artistiques uniques, de qualité exceptionnelle, méticuleusement répertoriées dans un catalogue.
Autre chef-d’oeuvre absolu de Philippe Wolfers, réalisé en diamant, émail, opale mexicaine et or, son pendentif « Libellule », un autre « Exemplaire Unique » de ce brillant artiste, tout comme – conservé dans son écrin – son peigne-bijou « Oiseau et Iris », l’un des neuf peignes d’ornement qu’il eut le plaisir de créer, le seul connu encore complet.
Toujours réalisé par Philippe Wolfers, « Civilisation et Barbarie » est un porte-documents, créé en argent, ivoire et onyx, qui fut offert, par des industriels belges, à Edmond van Eetvelde, qui le reçut après l’ « Exposition universelle », à Bruxelles, en 1897, pour laquelle une section coloniale avait été créée.
Ce porte-documents, en ivoire congolais, est soutenu par deux figurines, l’une blanche, l’autre noire, censées évoquer les deux peuples, qui se partagèrent, la partie belge des « Côtes de Corail africaines », cet artiste ayant représenté les deux peuples de manière allégorique, le cygne symbolisant la civilisation et le dragon, la barbarie, tous deux luttant pour la protection du lys, symbole de pureté et de lumière.
A noter que ce chef-d’oeuvre fut acheté, en 2001, par la « Fondation Roi Baudouin », évitant que cette sculpture exceptionnelle ne quitte la Belgique pour entrer dans une collection privée, au Japon. Cet ouvrage (46 x 67 x 26,5 cm) n’est pas seulement une œuvre phare de l’ « Art nouveau », en Belgique. De fait, il est, également, un témoin unique de notre histoire nationale.
Philippe Wolfers ne faisait qu’illustrer la perception de l’époque, quant à la colonie et à l’influence civilisatrice de la Belgique. Cette œuvre est donc liée à la propagande coloniale, témoignant d’un courant de pensée que nous rejetons aujourd’hui. Elle s’inscrit, ainsi, dans une époque où le mode de vie et la société des Occidentaux étaient considérés comme étant supérieurs.
Lampe aux nymphes (F. Hoosemans & E. Rombaux)/1900/argent, ivoire & marbre ⓒ « Fond. Roi Baudouin »
Aussi, nous ne pouvons qu’admirer – réalisée pour l’ « Exposition universelle », à Paris, en 1900 – la « Lampe aux nymphes », de François Hoosemans (1857-1941) & Egide Rombaux (1865- 1942), sculptée en1900, en argent, ivoire & marbre, ainsi que l’élégante « Fortune », réalisée, en 1894, par Charles Samuel (1862-1938), cette dernière se trouvant en équilibre sur une roue, entourée de « putti », posée dans une défense d’éléphant, fournie par Stanislas Marie Léon Edmond van Eetvelde (1852-1925), administrateur général des affaires étrangères de ce qui fut, de 1885 à 1908, l’Etat indépendant du Congo.
Cette autre oeuvre, internationalement réputée comme étant un chef-d’œuvre absolu de l’ « Art nouveau », est l’un des rares témoins, qui nous soit parvenu, de la contribution belge à l’ « Exposition universelle », à Paris, en 1900. Soulignons que la monture en argent fut créée par François Hoosemans, bijoutier réputé, qui représenta la Belgique , dans la section « Arts décoratifs », qui décida de collaborer avec l’auteur de la sculpture en ivoire, Egide Rombaux, pour cette occasion particulière.
Autre époque, qui reconnaissait Antwerpen, avec Liverpool et Londres, comme dominant le marché mondial de l’ivoire, dont l’utilisation artistique est, désormais, interdite.
Cette exposition nous offre une occasion unique de découvrir une trentaine d’oeuvres de l’ « Art nouveau », dont une bague – composée de diamants, de perles, de platine, d’or jaune et rouge -, la seule attribuée avec certitude à Henry van de Velde, dont les bijoux sont extrêmement rares.
Parmi ces oeuvres, notons encore un guéridon tripode, conçu, vers 1905-1906, par l’architecte belge Victor Horta, pour le jardin d’hiver de sa maison (devenu le « Musée Horta »). Pour la tablette, il a choisi un bloc de bois fossilisé, évoquant parfaitement la fonction du jardin d’hiver, véritable liaison entre l’habitation et le jardin.
A l’arrière de ce guéridon, nous trouvons une paire de paravents en acajou, conçus par l’architecte et designer belge Paul Hankar (1859-1901), à la demande d’un restaurateur bruxellois.
Dans le troisième et dernière salle, nous découvrons un ensemble de salle à manger et un autre de bureau, oeuvres de Victor Horta, conçues pour l’ « Exposition internationale des Arts décoratifs », à Turin, en 1902. Ce mobilier est considéré comme étant à l’apogée du mobilier « Art nouveau » produit par cet architecte. La complémentarité de la splendeur des couleurs des deux intérieurs a joué un rôle important.
La presse internationale ne tarit pas d’éloges sur les intérieurs conçus par Victor Horta, ce qui lui permit de recevoir le « Diplôme d’Honneur », la plus haute distinction décernée par un jury international.
Le mouvement artistique de l’ « Art nouveau » ne s’est pas limité aux beaux-arts et à l’architecture, ayant aussi concerné les ustensiles et les pièces décoratives, tels les carreaux et les panneaux décoratifs de la « Collection Pozzo ». Pas moins de 9.000 pièces furent rassemblées par le collectionneur italien Roberto Pozzo, qui en fit don, en 2016, à la « Fondation Roi Baudouin ».
Ayant travaillé 33 ans en Belgique, après des études universitaires en sociologie, à Leuven, ce collectionneur déclara : « Ce sont principalement les carreaux de style ‘Art nouveau’ qui ont attiré mon attention. Après quelques années, je possédais des caisses entières de carreaux. J’ai alors décidé de renforcer mes recherches et ma collection. Au début, je n’y connaissais pas grand-chose et je choisissais surtout en fonction de l’esthétique … »
« … Ce qui m’intéressait dans ces carreaux, c’était non seulement leur esthétique et la technique, mais aussi les personnes qui les fabriquaient et les circonstances dans lesquelles elles avaient travaillé. J’admirais également la combinaison de dessins et de couleurs extrêmement élégantes au sein d’une production qui s’est industrialisée très tôt … j’ai beaucoup d’estime pour le savoir-faire artisanal, la beauté, la perfection. »
Qu’il nous soit permis de souligner la qualité de la scénographie, à l’image de l’ « Art nouveau », soignée et minutieuse, mettant bien en valeur ces objets qui ont tous une importance historique.
Ouverture : jusqu’au dimanche 07 janvier, du mardi au vendredi, de 09h30 à 17h, samedi & dimanche, de 11h à 19h. Entrée libre. Contacts : 02/500.45.54 & info@belvue.be. Site web : https://www.belvue.be/fr/expo/art-nouveau.
« A l’occasion de cette exposition et de l’année de l’ « Art nouveau », la « Fondation Roi Baudouin » a édité une publication (68 pages/offerte à l’accueil ou via le site web : http://www.kbs-frb.be), présentant des photographies d’œuvres d’art et leurs histoires.
Notons que, profitant de notre présence au « Musée Belvue », nous pouvons visiter, outre les collections permanentes, sur la Belgique et son histoire, une seconde exposition temporaire – « Vous cherchez la Fin du Monde ! Une expédition climatique à bord du ‘Belgica’ « – célébrant le 125ème anniversaire de l’ « Expédition scintifique Antarctique Belge » vécue à bord du « Belgica », sous la conduite de l’explorateur belge Adrien de Gerlache de Gomery (1866-1934). Ouverture : jusqu’au dimanche 04 février 2024. Entrée gratuite.
Yves Calbert.