"Antoni Tàpies. La Pratique de l’Art", à "Bozar", jusqu'au 07 Janvier
« Un voyage aussi spirituel et poétique que matériel », peut-on lire dans « La Libre Belgique ».
« Aussi passionnant que révélateur », selon « Le Soir« .
« Si je peins comme je peins, c’est d’abord parce que je suis Catalan. Comme tant d’autres, je suis atteint par le drame politique de l’Espagne tout entière », écrivait Antoni Tàpies, en 1967
La même année, il confiait : « Il y a parfois, dans mon oeuvre, un hommage aux objets insignifiants : papier, carton, détritus, … La main de l’artiste n’est, pour ainsi dire, intervenue que pour les recueillir et les sauver de l’abandon, de la fatigue, de la déchirure, de la marge du pas de l’homme de celui du temps … »
« … Je crois que je peux me considérer comme matérialiste, quitte à nuancer ce terme. Je veux l’imaginer à la lumière des connaissances actuelles, et passer d’une matière particulière, et passer d’une matière particulière à une matière généralisée. Ainsi, je voudrais arriver à changer la vision que les gens ont du monde : on peut, à partir de la connaissance de la matière, atteindre d’autres niveaux : éthique, politique, social. Peindre, c’est une façon de réfléchir sur la vie. »
Douze ans plus tôt, en 1955, il écrivait :« L’artiste doit tout investir. Il doit se lancer, à corps perdu, dans l’inconnu, rejetant tout préjugé, y compris l’étude des techniques et l’emploi des matériaux considérés considérés comme traditionnels … »
… « Devant une véritable oeuvre d’art, le spectateur doit sentir la nécessité d’un examen de conscience, d’une révision de son domaine conceptuel. »
Elevé par le Roi d’Espagne, en 2010, au titre héréditaire de Marquis de Tapiès, pour sa « grande contribution aux arts plastiques espagnols et mondiaux », Antoni Tapies (1923-2012) avait été fait « Docteur Honoris Causa » de l’ « Université des Arts », à Berlin, en 1979 ; du « Royal College of Art », à Londres, en 1981 ; de l’ « Université de Barcelone », en 1988 ; année où il fut, aussi, promu « Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres », à Paris ; et de l’ « Université Complutense », à Madrid, en 2003.
C’est à l’occasion du centenaire de sa naissance qu’est organisée, à Bruxelles, au « Palais des Beaux-Arts » (« Bozar »), la première grande rétrospective jamais organisée, en Belgique, de l’oeuvre de cet artiste de Barcelone.
Ne manquons pas de découvrir 122 de ses oeuvres, qui nous sont présentées, jusqu’au dimanche 07 janvier 2024, depuis ses premiers dessins et autoportraits des années ’40, jusqu’à ses travaux des années ’90, au cours desquelles il poursuivit son expérimentation formelle et matérielle, qui fut toujours au cœur de sa pratique, en passant par ses « peintures-matières » des années ’50, ses objets et assemblages des années 1960 et ses vernis des années ’80.
Menant lui-même une vie méditative, sobre, presque monacale, dans son tableau « Dukkha » (« Intranquillité »), réalisé en 1995, il évoque les « Quatre nobles Vérités », éléments essentiels du bouddhisme : le chemin à parcourir de la souffrance, l’inconfort, l’intranquillité jusqu’à la libération et l’expérience de la réalité ultime.
En 1946-1947, Antoni Tàpies travailla avec des matériaux « pauvres », sans rapport avec la pratique artistique traditionnelle (cordes, ficelles, graines de riz, papier hygiénique, …), recourant, fréquemment, à des techniques de collage et de grattage.
En 1948, il expose pour la première fois dans sa Ville, Barcelone, où il devient, cette année là, l’un des membres fondateurs de « Dau al Set », un groupe artistique catalan d’avant garde, … abandonnant, un an plus tard, en 1949 , ses études de droit. En 1950-1951, il participe, pour la première fois, à la « Biennale », à Venise, avant d’exposer, en 1953, aux Etats-Unis d’Amérique, une année durant laquelle, il se libère de la figuration.
Artiste autodidacte de l’entre-deux-guerres, Antoni Tàpies prit le temps de réfléchir profondément à la condition humaine, à son propre contexte historique et à la pratique artistique, en particulier aux limites et aux contradictions de la peinture, son œuvre très prolifique étant dispersée de par le monde.
Participant, en 1966, à une réunion clandestine d’artistes et d’étudiants, en opposition au président espagnol Franco (Francisco Paulino Hermenegildo Teódulo Franco y Bahamonde/1892-1975), à sa dictature franquiste et réagissant à la guerre civile espagnole, Antoni Tàpies est arrêté.
En 1990, il est à l’origine de la création de la « Fondation Antoni Tàpies », l’année où il reçoit le « Praemium Imperiale », à Tokyo, alors qu’en 1993, il publie « La Valeur de l’Art », remportant le « Lion d’Or », à Venise, pour son installation « Rinzen », exposée au Pavillon de l’Espagne.
A New York, deux rétrospectives lui sont consacrées, en 1992, au « Museum of Modern Art », et, en 1995, au « Solomon R. Guggenheim Museum », année où il reçoit, chez lui, à Barcelone, le « Premi Nacional d’Arts Plàstiques », accordé par la « Generalitat de Catalunya ».
« Tout se passe dans un champ bien plus vaste que le champ délimité par le format ou le contenu matériel du tableau. Celui-ci n’est, en effet, qu’un support qui induit le regardeur au jeu infiniment plus ample des mille et une visions, des mille et un sentiments …, le ‘sujet’ pouvant donc se trouver dans le tableau ou bien n’être que dans la tête du spectateur », déclara-t-il.
Ouverture : jusqu’au dimanche 07 janvier, du mardi au dimanche, de 10h à 18h. Prix d’entrée : 16€ (8€, pour les moins de 30 ans / 0€, pour les moins de 12 ans). Contacts : 02/507.82.15 & fieldcoordination@bozar.be. Site web : https://www.bozar.be/.
Yves Calbert.