"Sculpteurs d’avant-garde. Le Maniérisme dans l’Entre-Sambre-et-Meuse", au "TreM.a", à Namur, jusqu'au 09 Juillet
« La période qui commence avec le règne de Corneille de Berghes (1538-1544), successeur d’Erard de la Marck (1472-1538), est une période de décadence pour les arts », écrivait l'historien de l'art belge et peintre liégeois Jules Helbig (1821-1906) , dans sa synthèse, éditée en 1890 : "La sculpture et les arts plastiques au pays de Liège et sur les bords de la Meuse".
L'actuelle exposition "Sculpteurs d'Avant-Garde ... au XVIè siècle. Le Maniérisme dans l’Entre-Sambre-et-Meuse" - présentée, jusqu'au dimanche 09 juillet, à 18h, à Namur, au "TreM.a" ("Musée provincial des Arts anciens du Namurois") -, nous démontre à quel point le maniérisme, courant artistique demeurant peu connu, tant du grand public que du monde académique, possède un intérêt non négligeable.
Ce courant maniérisme tire son origine de l’appellation "maniera moderna", faite par l'architecte, écrivain et peintre toscan Giorgio Vasari (1511-574), dans ses "Vitae", pour désigner la production artistique à partir de l’avènement de Michel-Ange (1475-1564).
Si un grand nombre d'oeuvres exposées proviennent de la Province de Namur, notons que l'historien de l'art Michel Lefftz (°1962), commissaire de cette intéressante exposition namuroise s'est intéressé aux stalles du Chœur des Dames, de la collégiale Sainte-Gertrude, à Nivelles, point de départ des recherches sur le maniérisme en terres mosanes.
L’ensemble des sculptures en bois ornant ces stalles a permis de mettre en évidence la production d’un atelier de grande envergure réuni autour d’un Maître - appelé Maître des Stalles de Nivelles -, actif, en région mosane, dans le troisième quart du XVIè siècle, et se situant dans le sillage de l'architecte-historien de l'art-peintre liégeois Lambert Lombard (1505 {ou 1506}-1566).
À partir de ces stalles de Nivelles - présentées par deux vidéos et quelques photographies, qui nous révèlent l'état de délabrement dans lequel ces stalles furent mises à jour - et de leur Maitre « principal », deux autres sculpteurs ont été « identifiés », le Maitre de Gedinne et le Maitre des Saints Roch.
Accueillis au premier étage par une sculpture en bois de chêne de Sainte-Margueritte, celle-ci nous révèle les caractéristiques du maniérisme, les personnages sculptés étant étirés, possédant des hanches anguleuses, de longs cous sinueux et des doigts fuselés.
En rassemblant ces sculptures aux proportions exagérées, créées dans les dernières décennies du XVIè siècle, dans des ateliers de l’Entre-Sambre-et-Meuse, le "TreM.a" a souhaité mettre à l’honneur les recherches en cours sur ce riche patrimoine, délaissé, jusqu'il y peu, par la recherche, valorisant ainsi les lieux de culte, où sont conservées nombre de ces œuvres peu connues.
Ce manque d’intérêt peut s’expliquer, aussi, par le fait qu’aucun nom ne soit arrivé jusqu’à nous, pour cette zone géographique du sud de notre pays et que, jusqu’il y a peu, la méthodologie en histoire de l’art tendait à essayer de rattacher des œuvres à un nom d’artiste connu, dont la carrière était documentée par différentes sources.
Parcourant cette exposition, notre attention sera attirée par deux autres vidéos, celle nous montrant la chaire de vérité de la Collégiale Saint-Feuillen, à Fosses-la-Ville, d'une part, et, d'autre part, celle du retable de la Passion et de la Vie de la Vierge, de l’église Notre-Dame de la Nativité, à Gedinne.
Notre excellent guide, Pierre Bastin, nous donna quelques importantes précisions sur la polychromie et la conservation des sculptures en bois de chêne. Ce concernant, il nous explique que les oeuvres présentant des fentes, plus ou moins profondes, sont la conséquence d'un bois qui n'avait pas suffisamment séché, après avoir été sculpté.
Au niveau de la polychromie, certaines oeuvres présentent un important nombre de couches de peintures, leur étude scientifique ayant été confiée à l' "IRPA" ("Institut Royal du Patrimoine Artistique").
En quittant le premier étage, jouxtant l'escalier, ne manquons pas d'admirer une dernière oeuvre, des plus imposantes : une "Mise au Tombeau", provenant de l'église Christ-Roi, de Waibes-Thuin.
En rassemblant ces sculptures aux proportions exagérées, créées dans les dernières décennies du XVIè siècle, le "TreM.a" a souhaité nous montrer la richesse de la production, à cette époque, dans des ateliers de l’Entre-Sambre-et-Meuse, mettant à l’honneur les églises - comme lieux de conservation du patrimoine, aux côtés des musées -, de même que leurs fabriciens, qui, jour après jour, veillent à la pérennité de ce riche patrimoine, délaissé, jusqu'il y a peu, par la recherche. Nombre d'œuvres peu connues nous sont ainsi révélées.
Nous pourrons profiter de notre présence au "TreM.a", pour découvrir la nouvelle scénographie du premier étage du bâtiment historique, l' "Hotel de Maître de Gaiffier d'Hestroy et de Tamison", édifié vers 1730-1745, pour la famille de Tamison, légué, en 1761, à Pierre-Joseph Baudouin de Gaiffier (1727-1780).
Réouvertes depuis le jeudi 25 mai, notons la grande luminosité de ces salles, mettant mieux en évidence les oeuvres exposées, respectant un souci de conservation, 30% des oeuvres anciennement proposées étant, désormais, entreposées dans les réserves du "TreM.a". Complétant l'exposition temporaire, parmi des sculptures du XIIè au XVIè siècle, nous y découvrons des oeuvres du Maître de Gedinne et du Maître des stalles de Nivelles.
N'oublions pas qu'au rez-de-chaussée, nous pouvons (re)découvrir plusieurs peintures du paysagiste mosan, né à Bouvignes, Henri Bles (vers 1500-après 1550), ainsi que le "Trésor d'Hugo d'Oignies" (1178- 1240), cet orfèvre et son atelier ayant réalisés, dans le prieuré d'Oignies, des chefs d'oeuvres, qui furent confiés, de 1818 à 2010, à la congrégation des soeurs Notre-Dame, à Namur, ce "Trésor" étant, alors, devenu la propriété de la "Fondation Roi Baudouin", qui le confia à la "Société archéologique de Namur", les 32 pièces, classées, en 2010, comme "Trésor de la Communauté française", étant depuis lors exposées au "TreM.a".
Pour en revenir à la présente exposition, "Sculpteurs d'Avant-Garde ... au XVIè siècle. Le Maniérisme dans l’Entre-Sambre-et-Meuse", soulignons la publication d'un ouvrage, qui dépasse largement le cadre d'un simple catalogue (coordinatrices éditoriales : Marie Dewez & Elisabeth Van Eyck / Ed. "Snel Grafics" / © Province de Namur / monographie n° 79 du "TreM.a" / 2023 / broché / 208 pages).
En outre, gratuitement, les enfants reçoivent, à l'accueil, un livret intitulé "À la découverte de l'art-La sculptrice maniériste de nos régions" (20 pages), présentant l'exposition et leur proposant différents jeux.
Toujours à l'attention des enfants, en partenariat avec la "Société archéologique de Namur", une activité gratuite - "Une Nuit au Musée" - leur sera proposée, de 06 à 09 ans, le vendredi 23 juin, de 18h à 20h. Les participants déambuleront sur un rythme ludique, entre histoires à écouter, pistes à trouver, petits jeux ou énigmes à découvrir, explorant les formes, les gestes et les manières et les visages, avant de terminer leur parcours par un atelier.
Du 10 jusqu'au 14 juillet, la Province de Namur et le "TreM.a" proposent, à nos enfants de 07 à 11 ans, "Chevaliers de la Table ronde, viens quérir ton Graal !", un stage de cinq jours, de 09h à 16h (garderie gratuite dès 08h30 et jusqu'à 16h30). Prix : 80€.
D'autres stages pour nos enfants sont organisés, du lundi 31 juillet jusqu'au 04 août et du lundi 07 jusqu'au vendredi 11 août. Consultez la rubrique "agenda" du site web : www.museedesartsanciens.be.
Pour ces deux activités, inscriptions obligatoires : 081/77.67.54 & mediation.trema@province.namur.be.
Ouverture : jusqu'au dimanche 09 juillet, du mardi au dimanche, de 10h à 18h. Prix d'entrée (incluant la visite des collections permanentes) : 5€ (2,5€, à partir de 65 ans, pour les étudiants & les membres d'un groupe / 0€, pour les moins de 12 ans, les "Art. 27", les détenteurs d'un "MuseumPassMusées", les membres de groupes scolaires {en visite libre} & pour tous, le dimanche 02 juillet). Publication (davantage qu'un simple catalogue/broché/308 p.) : 28€. Contacts : 081/77.67.54 & musee.arts.anciens@province.namur.be. Site web : www.museedesartsanciens.be.
Yves Calbert.