Première exposition de Daniel Knorr en Belgique
Du 02.03. au 25.04.2021 ( IKOB – Musée d’Art Contemporain / Rotenberg 12b - 4700 Eupen ( B )
L’IKOB - Musée d’Art Contemporain présente la première exposition de Daniel Knorr en Belgique, une exposition qui offre une synthèse de son travail de sculpture au cours des trois dernières années. Si le titre choisi par Daniel Knorr pour cette exposition, « Flagship Store », fait bien entendu écho aux temples de la consommation de symboles de la mondialisation tels qu’Apple, Louis Vuitton ou M&Ms, c’est aussi une référence à la propre marque de l’artiste, construite au fil de sa carrière. Dès les débuts, l’artiste avait eu l’idée de ne pas se limiter à la production des œuvres d’art, mais de prendre également en charge lui-même leur marchandisation. Si l’idée résultait d’un raisonnement pragmatique, elle n’en recèle pas moins un potentiel critique au regard d’un système de l’art où la division du travail reste aujourd’hui encore très marquée. Cette idée a resurgi dans les travaux récents de l’artiste, où il en explore les différents aspects. Regard malicieux sur l’histoire de l’art, questionnement du système de l’art contemporain hors des dogmes et jeu avec les codes de la pop culture sont les fils rouges des 47 œuvres récentes présentées pour la première fois en Belgique.
Daniel Knorr est né à Bucarest en 1968. Après une formation à l’académie des beaux-arts de Munich auprès d’Olaf Metzel, une bourse du DAAD lui permet de poursuivre ses études au Vermont College of Fine Arts, en 1994, pour ensuite séjourner à New York de 1995 à 1997. Travaillant à Berlin depuis 1998, il partage depuis quelques années sa vie entre Berlin et Hong Kong. En 2005, il expose dans le pavillon roumain à la biennale de Venise. Son œuvre « Expiration Movement » (2017) sera l’un des travaux les plus commentés de la 14e documenta. Il compte depuis comme l’un des artistes les plus importants de sa génération.
Lors de la 14e documenta de Cassel en 2017, les passionnés·es d’art du monde entier pouvaient assister à un spectacle troublant : une fumée se dégageait en permanence du haut de la tour du Fridericianum. Ce qui ressemblait à un début d’incendie était en fait une installation de Daniel Knorr. Précédemment, dans la partie athénienne de la documenta, l’artiste s’était fait archéologue du quotidien. Collectant déchets et artefacts mis au rebut dans les rues de la ville, il les transformait en catalogues grâce à une énorme presse à déchets – des pièces uniques que les visiteurs·euses pouvaient ensuite acquérir. Considéré comme un maître du détournement sémantique, Daniel Knorr est aussi connu pour ses œuvres qui appellent la participation des visiteurs·euses.
La série « Coyote Sculptures » accueille les visiteurs·euses dans l’entrée de l’IKOB. De leur présence fantomatique, ces silhouettes humaines ponctuent l’espace, comme recroquevillées sous leur voile de tissu. Daniel Knorr fait ici référence à la légendaire performance de Joseph Beuys « I like America and America likes Me », réalisée en 1974 dans la galerie new-yorkaise René Block, pour laquelle l’artiste s’était enfermé avec un coyote, dans une pièce inaccessible aux visiteurs·euses. La principale trace qu’il restera de cette action est une photo emblématique, montrant un Beuys enveloppé dans son manteau de feutre, en dialogue avec le coyote. Ici, Daniel Knorr détache le matériau feutre de ce personnage de l’histoire de l’art auquel il est si étroitement lié. En venant y déposer une couche de polyuréthane, il introduit dans l’espace la question de ce qui, dans ce dialogue inégal entre homme et animal, a pu bouger entre hier et aujourd’hui. D’autres œuvres célèbres de l’histoire de l’art, telles que le carré noir sur fond blanc de Malevitch (1915), ou la toile « Who’s Afraid of Red, Yellow und Blue » (1966-1970) de Barnett Newman, auxquelles répond le graphisme d’un économiseur d’écran Apple obsolète, sont citées comme les points de repère et les signes de l’individu contemporain.
L’enjeu de l’installation « Calligraphic Wig » (2019) réside dans la découverte d’un nouveau langage dans la substance même du plastique, ce matériau omniprésent dans notre environnement. En visitant une usine de recyclage à Hong Kong, l’artiste a pu assister au processus au cours duquel le plastique usagé est broyé pour être refondu en une matière première filiforme. Les nombreuses interruptions de la machine, dues à la maintenance ou à des problèmes techniques au cours du processus, produisent des résidus aux formes arbitraires et erratiques, possibles fragments d’un alphabet inconnu, spécimens d’abysses inexplorés ou fragments de corps à l’anatomie nouvelle. Pour leur permettre de regagner la circulation des objets-marchandises, l’artiste a apprêté ces artefacts avec les peintures de fabricants automobiles puis les a exposés dans une boutique du célèbre Chungking Mansions à Hong Kong. Au sein de ces tours dédiés à la consommation, l’installation pouvait être lue comme une interruption du cycle marchand. Dans ce complexe où vivent et travaillent 90 nationalités différentes, cette installation d’objets ouverts à l’interprétation, contournant ainsi la barrière des langues, avait retenu l’attention des visiteurs·euses lors de la foire Art Basel Hong Kong, en 2019.
Les « Canvas Sculptures » de Daniel Knorr nous fournissent des indices sur sa façon d’appréhender l’histoire de l’art. À la manière d’un aller-retour entre sculpture et peinture, entre le présent et l’historique, ces œuvres citent des toiles emblématiques de l’art moderne tout en altérant la bidimensionnalité de leurs repères. Les ondulations et les plis qui en résultent transforment l’image en objet et placent les visiteurs·euses dans le rôle d’explorateurs·trices d’un art fait de la sédimentation d’œuvres iconiques et de leurs reproductions. Cette voie permet de questionner le statut de l’image et de la représentation, à la croisée de nos systèmes de connaissance et de nos modes de consommation.
La série « Berlin Wall Nuggets », pour finir, témoigne de l’intérêt de l’artiste pour la grammaire urbaine de la capitale allemande et pour les empreintes que la guerre froide y a laissées. Un terme qui est à prendre au sens littéral, puisque Daniel Knorr s’est attardé sur d’infimes anfractuosités, dans les murs et sur le sol de la ville, moulant leurs empreintes pour en faire des tirages. Ces petits objets de résine évoquent la relique, l’objet de dévotion, mais aussi ces fragments du mur de Berlin, vendus à tour de bras aux touristes depuis 1989.
IKOB – Musée d’Art Contemporain
Rotenberg 12b - 4700 Eupen - Belgique
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