"Lu Cuh’née" en  région malmédienne : une recette de saison … ou presque

écrit par francois.detry
le 05/11/2023
" La cuh’née malmédienne" ( photo : F. Detry )

La tradition de la cûh’née (« lu cûh’née ») remonte à bien longtemps puisqu’un article de 1890 en parle déjà comme une coutume paysanne. « Cûh’ner » (qui se dit : cûchner) est un mot wallon qui signifie cuisiner. A Malmedy, on dit « faire une cûh’née ».

La cuh’née est un régal aux pommes de terre en robe des champs, cuites sous la cendre ou dans le four. Elle se déroule de la mi-septembre à la mi-octobre. Lors de la période de la récolte des pommes de terre, appelée en dialecte local “lu rayâye”. Le mot cuh’née peut s’écrire cus’née ( forme la plus ancienne ), cuh’née (à partir de 1873) ou encore cûch’née (dès 1898). Les trois prononciations sont encore en usage dans le wallon malmédien. Ce mot provient de l’ancien mot du dialecte wallon liégeois “keussier”.

Sylvain Michel, célèbre folkloriste malmédien, raconte dans son livre " Les fêtes naguère à Malmedy ", des souvenirs de son enfance. Naguère, donc au début du siècle dernier, pratiquement chaque famille malmédienne cultivait un potager et y plantait des pommes de terre. Après la récolte, en début de soirée, l’arrachage terminé, on assemblait les tiges des plantes et quelques branches d’arbre et on faisait un feu sur le terrain des pommes de terre. Dès qu’il y avait suffisamment de braises, on y déposait des pommes de terre à cuire. Et, à même le sol, on allait déguster ces pommes de terre toutes noires accompagnées d’oignons crus et de harengs marinés.

Pourquoi des harengs ? Parce qu’avant 1940, chaque ménage préparait facilement des harengs qu’on achetait salés et qui sortaient de leur caque, c’était la « viande du pauvre », le substitut d’une côtelette ou d’un steak, trop onéreux pour les « petites gens ». A part les oignons, tout était mangé avec les mains, sans couvert.

Comment se déroule la fête ? Les cuh’nées sont organisées par les sociétés locales. Qu’elle soit folklorique, sportive ou musicale, chaque société met un point d’honneur à inviter ses membres à ce repas traditionnel moyennant une petite participation financière. Dans les familles malmédiennes, c’est aussi l’occasion d’inviter les amis à partager une soirée typiquement locale. Le plat s’est un peu étoffé au fil du temps et les “pètées” sont accompagnées de harengs marinés, d’oignons crus à la crème et d’oignons cuits. Les deux boissons recommandées pour accompagner ce plat, sont la bière et le genièvre appelé en Wallonie “pèkèt”.

Comment mange-t-on la cuh’née ? “Pètées” et harengs se mangent de façon assez particulière. On prend la pomme de terre dans le plat avec les mains. On la partage en deux et toujours avec les mains, on écrase un peu le tubercule pour qu’il se crevasse. On y introduit alors une petite noix de beurre, on sale et on poivre. Sous l’effet de la chaleur, le beurre fond et “entre” dans la chair de la pomme de terre qui est bonne à déguster. Le hareng est pris par la queue avec le pouce et l’index, l’autre main saisissant l’autre côté. Il suffit alors de déchirer le hareng dans le sens de la longueur. Une partie conserve les arêtes, l’autre en est exempte.

Les adultes arrosaient ce repas avec quelques petites « gouttes », petits verres de genièvre.

Une des nombreuses recettes de ce plat traditionnel. « Il faut avant tout, de bons ingrédients. Les harengs doivent être de première qualité, riches en oméga 3, On les sert entiers, à la crème ou nature ou encore en filets. Un « vrai » malmédien prend toujours un hareng entier et a la technique pour le déguster. Par facilité, pas mal de convives penchent plutôt pour les filets. On y ajoute des oignons blancs et rouges cuits ou crus et des pommes de terre en robe des champs. Notre touche personnelle est de les préparer au gros sel et au thym. Nous servons toujours le plat avec un «  hèna d’Mâmdï ». ( = un verre de genièvre ).

  • " La cuh’née malmédienne" ( photo : F. Detry )
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