Lettre de l’Association des Sinistrés de Malmedy à l’adresse du Président des USA suite aux bombardements de la ville en décembre 1944
Malmedy, le 25 january 1948
Mr .TRUMAN
President of the United states of América
white house
washington D.C.
Mr. President,
At Christmas time 1944, owing to a regrettable confusion, as happens only too often in wartime, the town of Malmedy has been heavily bombed in error. This bombardement by rthe Américan Air Force, which tock place while the U.S. Army was still quartered here, lasted three consecutive days.
Our town of 5.000 inhabitants, due to damage caused by the war, is in e very difficult position . Our little community has been severely affected. Its population, although hardworking, suffere much from this adversity.
O rise from its ruine it needs active financial aid. We all know that it is the American policy to extend financial assistance for the reconstruction of devasrated areas, in order to assist the population in a new start for the future.
On behalf of all those who are affected by this unfortunate incident, we respectfully address you, Mr. President, hoping that i twill be possible for you to help our unhappy city fincially, either officially or through private channels, making it possible for Malmedy to take up former station amongst the cities of Belgium.
We respectfully thank you, Mr. President for your assistance you may be able to extend on our behalf and we beg you to accept the expression of our gratitude.
Meantime we remain, Mr. President, your faihful, and obedient servant.
The Secretary : The Président :
R. DELCOUR A. LALOIRE
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Malmedy, le 25 janvier 1948
M. TRUMAN
Président des États-Unis d'Amérique
maison Blanche Washington DC.
Monsieur le Président,
A Noël 1944, par suite d'une confusion regrettable, comme cela arrive trop souvent en temps de guerre, la ville de Malmedy a été lourdement bombardée par erreur. Ce bombardement par l'armée de l'air américaine, qui a eu lieu alors que l'armée américaine était encore cantonnée ici, a duré trois jours consécutifs.
Notre ville de 5.000 habitants, à cause des dégâts causés par la guerre, se trouve dans une position très difficile. Notre petite communauté a été durement touchée. Sa population, bien que laborieuse, souffre beaucoup de cette adversité.
Pour sortir de sa ruine, il a besoin d'une aide financière active. Nous savons tous que c'est à la politique américaine d'étendre l'aide financière à la reconstruction des zones dévastées, afin d'aider la population à prendre un nouveau départ pour l'avenir.
Au nom de tous ceux qui sont touchés par ce malheureux incident, nous nous adressons respectueusement à vous, Monsieur le Président, en espérant qu'il vous sera possible d'aider financièrement notre malheureuse ville, soit officiellement, soit par des voies privées, permettant à Malmedy de prendre son ancien statut parmi les villes de Belgique. Nous vous remercions respectueusement, Monsieur le Président, pour l'aide que vous pourrez peut-être nous nous apporter en notre faveur et nous vous prions d'agréer l'expression de notre gratitude.
En attendant, nous restons, Monsieur le Président, vos fidèles et obéissants serviteurs.
Le Secrétaire : Le Président :
R. DELCOUR A. LALOIRE
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Historique
La terrible méprise des avions US
Un Noël de feu et de sang marque à jamais la mémoire des habitants de Malmedy en cette veille de Noël 1944
La Bataille des Ardennes fait rage et les bombardiers américains, cloués au sol par le mauvais temps, viennent de reprendre du service. En ce 23 décembre 1944, une escadrille de 28 bimoteurs de type Marauder décolle de Beauvais (France), avec pour mission la destruction du noeud ferroviaire de Zülpich, en Allemagne.
Le plafond est bas et la visibilité médiocre. Privés de systèmes de localisation efficaces, déviés par la défense antiaérienne très agressive et qui fait des dégâts, les avions partent à l'aveuglette pour déverser leur cargaison. Les conditions sont exécrables et l'erreur de navigation n'est pas loin. Elle se produit à 15 h 26, au moment où les Malmédiens, qui acclament les aviateurs alliés en survol, assistent avec consternation au bombardement de leur ville. Au total, 86 bombes de 250 livres dévastent dans un souffle ardent tout le périmètre entre la place de Rome, la place Albert 1er et Chemin Rue. Partout, des conduites de gaz éventrées crachent des flammes. C'est la pagaille qui s'installe. Les bulldozers et autopompes entrent en action dans le brasier.
Le 24 et 25 décembre Pour les habitants comme pour les GI du 120e régiment d'infanterie, c'est la colère. De son PC à l'hôtel de ville, le colonel Howard Greer avertit le général Hodges de cette tragique méprise. Aussitôt, des banderoles de couleur orange sont étendues aux abords de la ville et sur les toits des principaux édifices importants, afin d'identifier une ville aux mains des américains. Mais rien n'y fait.
Le lendemain, alors que la ville panse ses plaies, le lieutenant Francis W. Towers, venant de Francorchamps, assiste au survol de Malmedy par une formation de dix-huit quadrimoteurs Liberator dont les bombes écrasent cette fois la rue Cavens, l'hospice Sainte Hélène et la salle Nicolet. Les lignes téléphoniques sont coupées et la nouvelle de cette bavure ne parvient pas au QG de la division.
La nuit de Noël sera longue et pénible pour une population désormais privée de tout. Mais cette escadrille, qui visait Bitburg et Cochem, n'est hélas pas la dernière à sévir à Malmedy. Le 25 décembre, une formation de 36 Marauder se dirige vers Saint-Vith. La même erreur d'appréciation se reproduit et 64 bombes de 250 livres dégringolent sur le pont de Warche, la rue des Arsilliers et la rue Abbé Peters.
Le cauchemar dure trois jours. Le bilan en vie humaine est très lourd, et plus de 800 des 1 600 maisons que compte alors la ville sont totalement détruites ou inhabitables. Y. H.
( Source : « Stavelot et Malmedy dans la tourmente », un ouvrage écrit par Hubert Laby.)
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Les époux Élisabeth Kreutz et André Théatre évoquent pour nous ces moments de grande détresse.
De quoi se souvient Élisabeth Kreutz, 65 ans plus tard ? « J'avais alors 10 ans et demi et le 16 décembre, nous étions à la maison au n° 12 de la rue de la Gare. Notre famille était de souche germanophone et papa, revenu fin août, considéré comme déserteur de l'armée allemande, était de retour sous couvert d'un certificat médical. Un tank américain stationnait devant la maison qu'on nous a fait quitter car on se trouvait dans la ligne de tir. Nous avons trouvé refuge dans la cave voûtée chez ma tante, où nous sommes restés jusqu'au 23. Une bombe est alors tombée sur la grange à côté de la maison de la rue du Commerce. Nous avons gratté et déblayé les débris pour sortir. En face, la maison de ma grand-mère était démolie. Sur la place Albert 1er, les gens criaient et couraient dans tous les sens. Nous nous sommes dirigés vers l'abri près de la cathédrale et les Américains nous ont refoulés, disant que les Allemands allaient revenir ».
La famille quitte la ville et emprunte alors la route de Bellevaux. « Quelle tragédie ! Malmedy flambait. Nous avons été accueilli vers 18 h par M. et Mme Zangerlé où se trouvaient plein de connaissances. Leur fils, secrétaire de la Croix Rouge, apportait des biscuits. Ses parents ont tué un mouton pour pouvoir nourrir tout le monde. Puis le 4 janvier, il avait beaucoup neigé et un obus a été tiré de Bernister. Nous avons ensuite trouvé refuge dans la cave de l'hôpital où nous aidions les bonnes soeurs en enroulant des bandages ». Lorsque tout s'est terminé, fin février, Élisabeth retrouve son papa et la maison de la rue de la Gare qui n'avait pas été bombardée mais entièrement vidée. « Mais, depuis, les images des destructions ne me quittent plus. je pleure ma grande mère et ma tante restées ensevelies sous les décombres de la maison, et que je suppose enterrées dans la fosse commune au cimetière de Malmedy. »
De son côté, quel souvenir précis André Théatre retient-il de cette période ? « J'ai vécu la poussière, les débris. J'habitais rue Cheminrue et les premiers obus sont tombés sur la ville le 16 décembre à 6 h du matin. Nous sommes allés chercher maman à l'arrière de la maison et avons traversé la cuisine qu'un obus allait fracasser quelques secondes plus tard. Je me souviens de ma tante et de ses deux filles extraites in extremis des ruines de leur maison ».
Durant toute cette période affreuse, c'est-à-dire dès le début des tirs d'artillerie, beaucoup meurent asphyxiés ou brûlés dans les décombres. « On retirait des cadavres qui n'avaient plus d'ongles tant ils avaient gratté le sol pour tenter de s'en sortir. J'ai un ami qui a vu les cadavres de Baugnez arriver sur une locomotive, les mains sur la tête. Le premier était un médecin américain tué d'une balle dans la tête. Ces images sont indélébiles. » Y.H.
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Leur Noël d'apocalypse, il y a 65 ans
C'était il y a 65 ans tout juste, en décembre 44. Dans la plus grande confusion, et trois jours durant, les escadrilles américaines déversaient sur la ville de Malmedy leur cargaison de bombes. Dans notre édition du 24 décembre dernier, les époux Élisabeth Kreutz et Adrien Théâtre, évoquaient ce Noël d'apocalypse de feu et de sang qui les marqua à jamais. Ils tiennent aujourd'hui à faire quelques précisions quant à certaines informations. « La première chose à rectifier, c'est que la météo n'était pas exécrable du tout ce jour là !, précise la Malmédienne. C'est vrai qu'il avait fait exécrable les huit jours avant, mais tout à coup, le ciel s'était totalement éclairci et il faisait très dégagé ce jour-là, où l'on est sorti de la cave et on a vu les avions ! » Ce 23 décembre 1944, les bombes commencent à tomber, forçant Élisabeth et sa maman à fuir. Elles tenteront de trouver refuge dans le « bunker », un abri creusé par les Allemands et jamais terminé, mais elles se feront refouler par les Américains. « Ils nous ont dit de nous en aller, en criant "qu'ils allaient revenir bombarder", mais sans dire s'il s'agissait des Allemands ou de leurs propres troupes ! » . La preuve que la confusion était totale. « Au poste frontière de l'Eau Rouge, d'ailleurs, les Américains renvoyaient ceux qui voulaient revenir à Malmedy, en faisant savoir que les Allemands y étaient, explique Adrien Théatre. Ils ignoraient donc qu'il y avait toujours des unités américaines ! » La famille d'Élisabeth quitte alors la ville et emprunte la route de Bellevaux où elle sera recueillie par M. et Mme Zangerlé. « Leur fils n'était pas secrétaire de la Croix Rouge, mais bien simple bénévole. C'est lui qui allait chercher les provisions ». De son côté, Adrien Théatre se souvient très bien lui-aussi de ce terrible Noël 44 où il a failli perdre sa maman. « Elle se trouvait à la cuisine à l'arrière de la maison lorsque nous avons commencé à nous chamailler, avec mon frère. Maman est alors venue nous calmer dans nos chambres à l'avant de la maison. C'est à ce moment-là qu'un obus est tombé et a fracassé l'arrière du bâtiment où elle se trouvait juste avant », raconte le Malmédien.
Pour les époux Théâtre-Kreutz, les souvenirs sont toujours bien vivaces. Ils se rappellent parfaitement, aussi, de toutes personnes mortes asphyxiées ou brûlées dans les décombres. « Dès le début des tirs d'artillerie, il y a eu des morts. Mais ce n'est que dès le 23 décembre, que les gens sont morts piégés dans leurs caves. Par ailleurs, ce n'est pas sur une locomotive que sont arrivés les cadavres de Baugnez, mais pas camions américains GMC qui les ont déposés dans la remise des locomotives ! D'ailleurs, il n'y avait pas de chemin de fer depuis Baugnez et les trains ne circulaient de toute façon pas. » Le genre de souvenir que ces témoins de première ligne ne pourront jamais oublier.
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MALMEDY Mois de décembre : de pénibles souvenirs
A l’instar de nombreuses localités de nos Ardennes, la Ville de Malmedy et les plus âgés de ses habitants se souviennent chaque année des atrocités subies en ce dernier mois de 1944. Et plus encore cette année, puisque le 65ème rappel de ces événements. Crime de guerre marqué à jamais dans la mémoire collective, 84 prisonniers américains sont massacrés le 17 du mois sur les hauteurs de Baugnez. Pour la manifestation de cet anniversaire, sept vétérans rescapés avaient fait le déplacement sur le site de cet odieux carnage perpétré par de sanguinaires SS. De jeunes étudiants américains, avides de comprendre l'histoire de cette guerre, les accompagnaient. La période de Noël est également marquée à jamais dans la mémoire des habitants malmédiens. La Bataille des Ardennes faisait rage et les bombardiers américains, cloués au sol par le mauvais temps, venaient de reprendre du service en ce 23 décembre avec pour mission le bombardement d’un nœud ferroviaire allemand. Les conditions de vol étaient exécrables et l'erreur de navigation n'était pas loin. Elle se produisit au moment où les Malmédiens, qui acclamaient les aviateurs alliés en survol, assistaient avec consternation au bombardement du centre de leur ville. Le lendemain, veille de Noël, nouveau bombardement qui anéantissait la sortie de ville en direction des Fagnes. Et durant la journée de Noël, une nouvelle escadrille s’attaquait à l’entrée et au haut de la ville. Le cauchemar aura duré trois jours. Le bilan en vie humaine fut très lourd, et plus de 800 des 1 600 maisons que comptait alors la ville furent totalement détruites ou inhabitables. Parmi la population civile, le total des victimes se montait à deux cent deux d’origine malmédienne pour la majorité et les autres originaires des communes germanophones qui avaient dû abandonner leurs villages dans les premiers jours de l’offensive. Du côté des troupes américaines toujours présentes dans la ville au moment des bombardements, le chiffre était particulièrement difficile à établir. Secret militaire oblige, sans doute ! Un monument dressé dans le parc de la Cathédrale, reprend les noms de ces victimes. Que comprendre de ces terribles méprises des avions US ? Erreur commise à trois reprises qui serait imputable à une faute de navigation, à une mauvaise appréciation de l’objectif ou encore à la thèse que Malmedy était occupé par l’ennemi ? ( François DETRY )
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COMMENTAIRES ( la photo est absente !!! )
Photo de Malmedy prise par l’US Air Force le 24 décembre 44 après le 2ème Bombardement . On voit le centre ville qui fume suite au lâché de bombes par 18 avions B24 . On comprend mieux (sans l’excuser) la difficulté pour les Pilotes à cette hauteur de reconnaître une ville d’une autre…
Très beau document !
Je me permets de vous dire que cette photo est d’une très grande précision ! Il n’y a que la cathédrale et le côté de la rue Steinbach qui est occulté par les fumées portées par un vent d’Est. Mais il est clair que le navigateur ne connaît pas les rues, mais est à même d’identifier les usines et autres points de repères « remarquables ».
Et dois-je le rappeler, ce sont à chaque fois des quartiers précis qui ont été bombardés, PAS la ville entière comme si on larguait ses bombes au hasard. A chaque bombardement, les escadrilles ont largué leurs bombes sur quelques centaines de mètres. On pourrait presque parler de « frappes chirurgicales »!
Qu’un avion s’égare en raison d’appareillages de navigation défaillants ou d’un manque total de visibilité pourrait en partie se comprendre, mais des formations complètes… Malmedy n’est pas le triangle des Bermudes!
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Un peu de physique pour comprendre les circonstances. La visibilité était meilleure que les jours précédents ( le temps couvert avait quasiment empêché l'aviation d'intervenir ). Les bombardiers B26 et B24 ont une vitesse de croisière de 360 km/h, soit 100 m/s. Comme les témoins disent qu'ils ont clairement vu les bombes larguées, on peut estimer que l'altitude des avions était de l'ordre de 2000 m. Une bombe lâchée à cette altitude touchera le sol après environ 20 secondes. Comme sa vitesse horizontale est celle de l'avion, elle a le temps de parcourir 2 km... Donc si les avions suivent une route d'ouest vers l'est, ils doivent larguer au dessus du Pont de Warche pour toucher la Place Albert Ier ( ligne rouge sur la photo, tirée de Google Earth et montrant Malmedy vu de 2km et 2000 m d'altitude ). Les bombardiers utilisaient un viseur Norden (voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Viseur_Norden ) et une "précision" de 300 m était considérée comme normale. Remarquons aussi que si un avion lâche toutes ses bombes en une seconde, il a parcouru 100 m pendant la largage, donc dispersion. Enfin les équipages n'étaient pas tous des vétérans, et n'avaient pas toujours une grande expérience de vol en condition de combat, ce qui peut expliquer certaines décisions ( du style "on nous tire dessus, je crois qu'on est au dessus de l'Allemagne, on largue et on rentre")