"La Palette de l'Artiste-Peintre Franz Kegeljan", au "Musée des Arts décoratifs", à Namur, jusqu’au 17 avril

écrit par YvesCalbert
le 03/01/2022

Né à Namur, en 1847 – alors que la Ville ne comptait que 20.000 habitants -, et décédé à Profondeville, en 1921, l’artiste-peintre namurois Franz Kegeljan (officiellement prénommé François Jules), est mis à l’honneur, dès l’automne 2021, par sa Ville natale, au « Musée des Arts décoratifs », sis au sein de l’« Hôtel particulier de Groesbeeck - de Croix » (édifié au XIIIè siècle et réaménagé au XVIIIè siècle), qui nous propose, jusqu’au dimanche 17 avril 2022, une exposition intitulée « La Palette de l’Artiste-Peintre Franz Kegeljan », qui investit, également, l’ancienne chapelle, incluse dans le « Pôle des Bateliers ».

Son père étant banquier et entrepreneur, Franz Kegeljan, asthmatique, pu vivre des cures dans sa jeunesse, en  Allemagne, Belgique, France et Italie, lui permettant, ainsi, de découvrir différentes régions, visitant de nombreux  musées et s’intéressant aux vieux quartiers de certaines villes, les dessinant et les peignant.

Etudiant à l’ « Ecole des Beaux-Arts » de Namur, entre ses séjours à l‘étranger, il épousa, en 1868, une dame fortunée, Louise Godin (1845-1939), se faisant construire, entre 1875 et 1878, un hôtel de maître, de style néo-Renaissance, qui, conçu par l’architecte courtraisien Henri Beyaert (1823-1894/dont le portait ornait les anciens billets de 100 francs belges), accueille, aujourd’hui le bureau du Bourgmestre de Namur, par ailleurs décoré de plusieurs de ses oeuvres, que Franz Kegeljan offrit à la Ville, en mars 1921, peu avant son décès.

Légalement divorcé en 1910, il s’était séparé de Louise Godin dès 1886, peu après le décès de leur fils Fernand,  Franz Kegeljan vécut, désormais, à Wépion, dans le château de Beau Vallon, que le couple avait acquis en 1880,  son épouse étant devenue la propriétaire de l’Hôtel particulier de la rue de Fer. Epousant Marie Pyre, en 1911, à  Schaerbeek, il y vécut, en couple, revenant régulièrement dans sa propriété mosane, où il fit construire une verrière, qui abrita son atelier d’artiste peintre.

Dans le N° 37 d’ « Asan », en 1921, C. Feller écrivait (p. 15 du catalogue) : « Bien qu’il vécut dans une volontaire solitude, tous le Namurois le connaissaient et il était sympathique à tous. Il leur laisse le souvenir d’un homme original, causeur, élégant, érudit, artiste et savant, aristocrate et accueillant … »

En 1905, Franz Kegeljan écrivait, dans une notice accompagnant ses tableaux : « L’origine de Namur se perd dans les temps les pus reculés … En ce qui concerne la Ville de Namur, (il restait) à faire, en quelque sorte, revivre, par le dessin et la peinture, le passé de la Cité des Aduatiques. Tel est le but que nous nous sommes proposé et que nous avons essayé de réaliser en quelques tableaux … »

Ayant peint la Porte Samson, ultérieurement nommée Porte de Fer, telle qu’elle devait être à 1850, alors qu’il était âge de 3 ans, il vécut sa destruction, en 1862, écrivant (p. 22) : « Combien il est profondément regrettable que ce témoin de nos luttes passées n’ait point trouver grâce devant la pioche impitoyable de nos démolisseurs … Hélas ! Nous constatons, avec chagrin, que la Ville de Namur est la seule, peut-être, qui n’ait pas su conserver, quand cela lui était si aisé, de précieux souvenirs des temps passés. Ils eussent contribué à rompre la banalité et la monotonie de ses constructions et de ses rues modernes. »

Reconnaissant, néanmoins, les avantages de la modernité, il poursuivait directement : « Mais laissons là ces regrets superflus et poursuivons notre route … »

A noter que l’artiste avait fait un premier don à la Ville de Namur, en 1900 année où ses oeuvres furent d’abord  exposées dans les combles de la « Halle Al’Chair », l’ancien « Musée archéologique », un lieu qui ne satisfaisait pas le peintre namurois. Aussi, elles furent transférées à l’ancien Hôtel de Ville, détruit par l’envahisseur, en 1914,  l’incendie détruisant toutes ses peintures. Fougueusement, il se remit à la tâche, reconstituant ce qui était parti en fumée, réalisant, aussi, de nouvelles vues de Namur, le tout étant, à nouveau offert, en 1921, à la Ville, peu avant son décès.

C’est donc à l’occasion du centenaire de son décès, mais aussi, due ce second cadeau qu’il fit à la Ville de Namur, que celle-ci nous propose l’événement « Kegejan 2.1 », une sélection de ses 119 oeuvres (38 peintures, 40 dessins à la plume, 12 dessins aquarellés et 29 techniques mixtes), de sa série « Namur au Temps passé », étant exposée  au sein du « Pôle des Bateliers », notamment mises en valeur par les superbes salles, sises au rez-de-chausée de l’« Hôtel particulier de Groesbeeck » – de Croix », que Fabrice Giot, heureux conservateur du « Musée des Arts décoratifs », nous a présentées avec son habituel enthousiasme.

Dès l’accueil du musée, dans le vestibule et l’antichambre du « Grand Salon« , l’artiste, sa vie, son don à la Ville  nous sont présentés. Ensuite, dans le « Grand Salon », nous trouvons l’illustration de l’histoire des anciens remparts de Namur et leur évolution, qui ont marqué la jeunesse de Franz Kegeljan et influencé son intérêt pour l’histoire et le patrimoine.

Dans le « Salons Louis XVI » et le « Salon Rouge », nous découvrons les sources et les techniques du peintre, ainsi que les différentes étapes qui traduisent le plaisir de l’artiste au travail et son côté méticuleux. Aux murs de la « Salle-à-manger », c’est la sensibilité de Franz Kegeljan aux artistes et aux différents courants stylistiques de son époque, qui est présentée, notamment à travers des paysages non historiques, contrastant avec la précision de ses reconstitutions urbaines.

Quittant le bâtiment central, admirant, au passage, le splendide jardin « à la française », nous nous retrouvons dans les anciennes écuries, qui abritent de nombreuses représentations contemporaines des édifices religieux namurois  et des différents quartiers, peints par Franz Kegeljan. Avec quelques aquarelles, réalisées en 2021, nous pouvons  confronter toute l’évolution de Namur, du XIVè jusqu’au XXIè siècle.

Dans le couloir d’accès au futur restaurant, Fabrice Giot attire notre attention sur le fait que dessinant ou peignant  un même lieu, Franz Kegeljan ne le reproduisait pas à l’identique, différents détails variant, que ce soit au niveau du bâti ou des scènes de genres vivifiant ses toiles, mettant en lumière la part d’imagination de ce peintre trop peu connu, même par nombre de Namurois.

Arrivant dans la salle du futur restaurant, nous y trouvons d’immenses panoramas de la Ville, vue depuis Bouge. L’intérêt, ici, est de découvrir le gigantesque travail préparatoire, réalisé sur plusieurs planches, avec la mise au carreau de ces panoramas, qui, davantage de simples esquisses, constitue un travail particulièrement détaillé et fort abouti, étant une excellente base pour ses futurs panoramas évoquant plusieurs époques, dès le XVIè siècle. Le  canevas et les grandes lignes étant tracés, Franz Kegeljan n’avait « plus qu’à » adapter certains détails.

Enfin vient l’ancienne « chapelle des bateliers », où sont rassemblés les panoramas réalisés depuis la citadelle. Au centre de la pièce, une table est à notre disposition avec une reproduction des planches du dessin préparatoire, sous forme de puzzle à reconstituer, une manière ludique de terminer notre parcours.

Notons que ce dernier lieu fut une authentique chapelle catholique, jusqu’à 1980 (année où le bâtiment devint une propriété de la Ville de Namur), ce que nous rappelle le vitrail, que nous pouvons voir durant notre visite, qui illustre la remise des insignes du Carmel des Carmélites par la Vierge et le Christ à des enfants de bateliers, ceux-ci, de 06 à 14 ans, fréquentant l’ancienne école Saint-Jacques des Bateliers, de 1903 à 1980, gérée par les  religieuses Ursulines, dès 1960, succédant aux Carmélites, parties à Besançon. Désacralisée, de 1984 à 1997,  cette chapelle néo-classique devint une salle de théâtre de 100 places, où, ce que beaucoup ignorent, Benoît Poelvoorde (°Namur/1964) fit ses premier pas sur scène.

De 1986 à 2000, les « B’Ateliers » – nom rappelant l’ancienne présence des enfants de bateliers – accueillirent près de 3000 enfants et ados, inscrits à des ateliers d’arts plastiques, de danse, de musique et de théâtre, ateliers  aujourd’hui organisés – par le « Centre culturel de Namur » – aux « Abattoirs de Bomel », sis derrière la gare ferroviaire de Namur.

Mais revenons à Franz Kegeljan et à cette importante rétrospective, qui jette un regard neuf sur cet artiste, qui s’adonna à la peinture et au dessin, au gré de ses nombreux voyages, mais aussi sur l’homme, volontairement solitaire, qui s’intéressa, tout au long de sa vie, au mouvement des idées et à l’art.

Signalons qu’il avait, également, complété la documentation de monuments namurois disparus, à l’attention de la « Société archéologique de Namur », dont il fut l’un des membres, auprès de laquelle, au préalable, il avait puisé  nombre d’informations pour la réalisation de sa série « Namur au temps passé ». Participant à la vie namuroise, il fit partie de la garde civique, dont il deviendra le colonel, l’année de son mariage.

En page 51 du catalogue, ses auteurs écrivent : « Ses peintures de Namur au temps passé sont conçues tant avec minutie et précision que ses recherches historiques. Elles sont le résultat de nombreux travaux préparatoires, dessins à la plume, lavis rehaussés de craie blanche, eux-mêmes fort aboutis et traduisant le plaisir de l’artiste à l’oeuvre, ainsi qu’un côté touche-à-tout, au niveau du médium employé, révélant l’aspect polyvalent du peintre. »

« Les dessins à la plume sont nombreux, conçus de façon systématique, en préliminaire du travail à l’huile. Leur traitement en série de petits traits nerveux, anime et structure la composition, crée les reliefs et les textures. Cet effet trépident ne transparaît pas du tout dans les peintures. C’est pourquoi il est intéressant de mettre en regard le dessin, qui est plus qu’une esquisse, et la peinture, car il donne à voir deux oeuvres, qui, bien que le sujet soit identique, sont pourtant fort différentes et complémentaires. »

Soulignons, enfin, qu’en 2020, la Ville de Namur a veillé à la numérisation, en haute définition, de l’œuvre de Franz Kegeljan, présente dans les collections communales, avec le soutien du « plan PEP’S » de la Fédération Wallonie-Bruxelles, alors que, dès 2016, le Service de la Culture de la Ville – à l’occasion des travaux de restauration  entrepris à l’ « Hôtel particulier de Groesbeeck-de-Croix » – avait entrepris le recensement des tableaux de l’artiste  qui y étaient rassemblés.

Notons qu’un fort intéressant catalogue (Ed. Ville de Namur/broché/2021/64p./20€) – intitulé « Le Peintre Franz Kegeljan. Votre Ami dévoué et mangé des Mites » – est en vente à l’accueil, étant la première publication – dans la collection « Les Bateliers – Beaux -Arts » – du « Pôle muséal des Bateliers ». Richement illustré de 60 photos en couleur et haute définition, il jette un regard neuf sur Franz Kegeljan et son art, à partir des 120 œuvres de l’artiste appartenant à la Ville de Namur.

Ses auteurs sont :

- Vincent Bruch, éminent connaisseur du peintre, y fait part de ses dernières découvertes sur Franz Kegeljan et commente, au niveau historique, ses nombreuses vues de Namur.

- Fabrice Giot, docteur en histoire de l’art et conservateur-directeur du « Pôle muséal des Bateliers » et du « Musée , des Arts décoratifs », illustrant les multiples approches stylistiques de l’artiste, par rapport aux grands courants artistiques de son époque.

- Stéphanie Scieur, historienne de l’art, responsable des collections d’art et d’art décoratif de la Ville de Namur, étudie dans le détail la collection communale, fait part d’un travail inédit sur les connexions entre les différentes œuvres et relate l’approche technique de Franz Kegeljan, tout en découvrant un peu plus sa personnalité.:

Ouverture du « Pôle des Bateliers » : jusqu’au dimanche 17 avril 2022, du mardi au dimanche, de 10h à 12h et de 13h à 18h. Prix d’entrée : gratuit pour tous. Catalogue : 20€. Obligations sanitaires : port d’un masque buccal , présentation de son « Covit Safe Ticket » & d’une pièce d’identité. Contacts : 081/24.87.20 &  museedesartsdecoratifs@ville.namur.be. Site web :  http://www.museedesartsdecoratifsdenamur.blogspot.com/.

A noter que cette exposition est incluse au sein d’un événement, organisé par la Ville de Namur, intitulé « Kegeljan 2.1 », ce dernier nous proposant deux autres expositions, extérieures et gratuites :

*** « Aux Sources du ‘Temps passé’, Franz Kegeljan et la Société archéologique de Namur », à Jambes, nous offre l’accès à son Cabinet des Dessins et des Estampes, exposé sur des vitrines de bâtiments de la Région wallonne, longeant l’avenue Gouverneur François Bovesse, près de la Place de la Wallonie. Accessible jusqu’au dimanche 30 janvier, 7 jours sur 7, 24h sur 24, cette exposition est organisée par la « Société archéologique de Namur », fondée en 1845, et la « Tour d’Anhaive », fermée au public, des suites des récentes inondations, sa réouverture étant prévue le mercredi 02 mars, son donjon ayant été habité, de 1285 à 1291, par Jean de Flandres, alors évêque de la Principauté de Liège.

*** « 1921 – 2021 L’Oeuvre de Franz Kegeljan vue par cinq Photographes namurois », à la Citadelle, sur le site de « Terra Nova », cette exposition – organisée par la « CAC » (« Comité Animation Citadelle »), accessible  jusqu’au lundi 18 avril, de 10h à 17h (Jusqu’à 18h, à partir du mercredi 02 mars) -, nous proposant une intéressante confrontation photographique entre 15 oeuvres photographiées de Franz Kegeljan, peintes au début du XXè siècle, et des photographies, réalisées en 2021, par Marc Antoine,  Vincent Ferooz, Philippe Piraux, Sébastien Roberty &  Florian Tourneux, en respectant l’angle choisi, un siècle plus tôt, par l’artiste namurois.

Signalons encore qu’au 1er étage (malheureusement non accessible pour les personnes à mobilité réduite), de l’ « Hôtel particulier de Groesbeeck » – de Croix », une seconde exposition, « Le Temps d’un Rêve à l’Opéra », est ouverte gratuitement, également, jusqu’au dimanche 17 avril, nous narrant les grands thèmes de l’opéra, dans des espaces tour à tour langoureux, tendres, naïfs, martiaux et dépaysants. Ces espaces se succèdent dans une  scénographie étonnante, où se mêlent des reproductions de dessins de la « Bibliothèque nationale de France » et des décors, conservés des tournages de cinéma, qui se déroulèrent en ce lieu de prestige, tels ceux du film populaire « Les Visiteurs : la Révolution », de Jean-Marie Poiré, avec Christian Clavier, Jean Reno et Sylvie Testud ».

Yves Calbert.

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