Des cibles de tirs civil dans la fagne de Spa-Malchamps ( « Les cibles Bremer » )

écrit par francois.detry
le 26/06/2020
Sentier Spa - Malchamps vers Berinzenne

Pour ceux / celles qui apprécient les balades dans la fagne couvrant les hauteurs spadoises, à proximité du champ d’aviation, il leur est possible de découvrir des vestiges du stand de tir civil de Spa - Malchamps. Il s'agit de tout un complexe, faits de  cibles énormes en acier du type Bremer, du nom de leur inventeur le capitaine René Bremer du Régiment de Carabiniers. Ces cibles auraient été implantées aux distances de 600, 800 et 1.000 mètres, mais seules les cibles situées aux 600 et 1.000 mètres subsistent à l’heure actuelle. Ce stand de tir soumissionné pour la ville de Spa en 1905 par l'entreprise Bétons Armés Hennebique aurait été inauguré en 1907.  Le stand  aux  dimensions impressionnantes, aurait comporté 26 emplacements individuels par étage, permettant ainsi à 52 tireurs de s'entraîner à l'abri des intempéries, sans risque de se gêner ou de se blesser. Il s'agit d'installations importantes qui semblent avoir eu une vocation purement civile.

Divers témoins signalent que de telles cibles sur le champ de manœuvre de Beverloo. Sur cartes postales oblitérées en 1939, des cibles Bremer se trouvaient au camp de Beverloo avant la deuxième guerre mondiale et qu’il il y en aurait eu  jusqu’à quinze, puis même vingt-sept exemplaires ! Des Cartes postales non datées, montrent également les trois cibles du camp d’Elsenborn. Des agrandissements de ces cartes démontrent que les cibles sont exactement les mêmes dans les trois cas.

Un témoin sérésien atteste que des cibles Bremer ont également été utilisées en région liégeoise. Douze cibles auraient été montées juste avant la deuxième guerre mondiale au champ de tir de Droixhe. Mais au printemps 1940, l’occupant allemand se serait empressé de transférer les cibles de Droixhe au camp de Beverloo, portant du même coup le total des cibles de Beverloo de quinze à vingt-sept unités. Trois cibles à Spa, quinze à Beverloo, trois à Elsenborn et maintenant douze à Droixhe, cela ouvre de nouvelles perspectives, car combien de ces fameuses cibles a-t-on finalement construit ?

Dans le livre « 150 ans de tir à Spa », de James Lohest nous apprenons que les cibles Bremer de Spa-Malchamps étaient utilisées aussi bien par des civils, que par des militaires et des gardes-civiques. Les installations permettaient le tir à l’arme de guerre, mais également le tir au révolver, à la carabine, à l’arc et même à l’arbalète, et ceci aux distances de 12, 30, 50, 100, 200, 300, 400, 500, 600, 800 et 1.000 mètres. Dans la majorité des cas, les objectifs sont constitués par des cibles mobiles classiques, mais pour les  distances de 400 et 1.000 mètres, on a recours à des cibles électriques du type Bremer ( 2 cibles à 400 m et 1 cible à 1.000 m ). Plus la distance augmente, plus le tireur éprouve évidemment des difficultés à observer le résultat de son tir. Par le jeu d’impulsions et de relais électriques, les cibles Bremer permettent de visualiser les coups au but sur une autre cible – beaucoup plus petite – située tout près du tireur. C’est un système tout à fait remarquable pour l’époque.

D’un point de vue purement technique,  citons textuellement James Lohest : «  la cible est du système électro-automatique du commandant Bremer. Elle est elliptique et a comme grand diamètre 2,40 mètres et comme petit diamètre 2,25 mètres; elle est divisée en secteurs et fragments de secteurs. Une cible analogue, mais de dimensions très réduites, se trouve dans le box du tireur. Quand la balle frappe une partie quelconque de la cible, un courant électrique agit sur la partie correspondante de la cible réduite et indique ainsi automatiquement au tireur l’endroit où la cible a été touchée et le point obtenu».

Des photos-souvenirs d’un repas de corps organisé par le Bataillon de Chasseurs-Eclaireurs d’Anvers (gardes-civiques ) le 7 juin 1908 à l’occasion «  des tirs réels en terrain varié exécutés à Malchamps pendant la période des Manœuvres annuelles de 1908 ». Ces documents confirment à suffisance que le champ de tir ait pu être opérationnel à partir de l’année 1907.

Des manuels militaires détaillant le fonctionnement des cibles existent au Musée Royal de l’Armée ainsi qu’au Musée du camp de Beverloo. Si l’on fait le total des cibles Bremer répertoriées à Spa, à Beverloo, à Elsenborn et à Droixhe, on parvient à un total de trente-trois, mais selon James Lohest ce nombre doit être plus élevé encore parce que l’invention du capitaine Bremer a rencontré un certain succès à l’exportation. Des cibles ont notamment été vendues jusqu’en Argentine…

Il est surprenant de constater que la situation juridico-légale des champs de tir est particulièrement tirée par les cheveux. A Droixhe, la commune est propriétaire du terrain et l’armée possède les installations. A Spa, c’est exactement l’inverse. Ces emmanchures compliquées finissent par avoir des conséquences néfastes. Dès 1921, le site de Spa-Malchamps commence progressivement à se dégrader, essentiellement par manque d’entretien. En 1927, la ville de Spa tente en vain de se débarrasser des bâtiments en les revendant à l’Etat. En 1950, des problèmes de sécurité rendent les séances de tir de plus en plus difficiles à organiser. Enfin, le 13 octobre 1961, le Ministre de la Défense renonce définitivement à l’usage du champ de tir de Spa-Malchamps.

Bibliographies & sources

- BREMER René. (capitaine). Le Tir dans les casernes, dans les stands, dans les champs de tir. Manuel militaire. 1908.

- BREMER René. (capitaine). Cibles à avertissement automatique. Manuel militaire. 1909.

- LOHEST James. 150 ans de tir à Spa-Malchamps (1869), Nivezé, Mambaye, Spa-ville, Tir aux pigeons, Malchamps (1901), Fagne-Raquet (1941), Vequeterre. Edition de l’auteur, Spa, 1990, 88 p.

- Museum Kamp van Beverloo. A la mémoire de deux glorieux officiers de l’Armée Belge: [dont] le colonel René BREMER.

- Museum Kamp van Beverloo. Dossier over “Electro – Automatische schietschijven” uit jaren “50”.

- Site Internet: Geocaching.com - - Site Internet: Geschiedenis van de Karabiniers. 1894 – 1914

Eric Simon  ( Montage Mag60 )

En savoir plus :

Vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=18-0Ye5_u3M

  • Sentier Spa - Malchamps vers Berinzenne
  • Champ d'aviation de Spa - Malchamps
  • Localisation du champ de tir
  • Etranges vestiges
  • Les cibles n° 1 et 2 placées à 600 m (© Jean Poumay).
  • La façade avant du tir de Spa-Malchamps   (© Paul Bertholet)
  • La façade arrière du tir de Spa-Malchamps avec les 54 emplacements de tir individuels (© Paul Bertholet).
  • Cibles de Spa-Malchamps
  •  Le stand de tir proprement dit
  • A gauche la cible n° 2 vue de  l'arrière.
  • Vue des cibles n°1 et 2 placées à 600 m et du bâtiment qui les supporte (© Jean Poumay)
  • Vue des cibles n°1 et 2 placées à 600 m et du bâtiment qui les supporte (© Jean Poumay)
  • Camp de Beverloo
  • Camp d'Elsenborn
  • Cibles de Beverloo
  • Cibles d'Elsenborn
  • Le système électro-automatique de la cible
  • La couverture du souvenir du 7 juin 1908 (© Roger Renard)
  • Les pages centrales du souvenir du 7 juin 1908 (© Roger Renard)
  • Les gardes-civiques d’Anvers  le 7 juin 1908 (© Roger Renard).
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