2023 Les Fouronnais francophones se souviennent et rappellent leurs revendications
Il y a trois ans que l’événement n’avait plus eu lieu, pour cause de pandémie: la 45eme Fête du Peuple fouronnais s’est déroulée ce samedi dans un Centre sportif et culturel de Fouron-Saint-Martin archi-comble.
C’était l’occasion de rappeler le soixantième anniversaire du transfert forcé des six villages de l’entité fouronnaise de la province de Liège à celle du Limbourg. «Une annexion» a dénoncé José Happart, président de l’Action fouronnaise, dans son discours inaugural, et seule intervention politique de la soirée.
Un tournant
Car cette Fête a pris un tournant cette année. Plutôt qu’une série de discours politiques, plus ou moins écoutés poliment, la soirée avait pris la forme d’une évocation historique et musicale de ces six décennies, imaginée par Nico Droeven, ancien bourgmestre et ancien président du CPAS de Fourons.
En fait de représentants politiques, soit dit au passage, seul Frédéric Daerden (PS), ministre du Budget de la Fédération Wallonie-Bruxelles, était présent à la soirée. Le ministre-président du même gouvernement, le hervien Pierre-Yves Jeholet (MR), s’était désisté, quelques heures avant le début de la Fête.
Une consultation avortée
Nico Droeven n’a rien omis dans son survol historique, entamé avant même le «clichage» de la frontière linguistique, en 1962. Le Centre Harmel, qui avait préparé l’opération dans les années 1950, avait envisagé pour les six villages fouronnais un statut bilingue, après consultation des autorités locales, a-t-il rappelé. On sait ce qu’il en est advenu.
Puis vient le projet de loi Gilson, fixant la frontière linguistique. Avec un troc entre les villages à majorité socialiste de la vallée du Geer contre les villages fouronnais à majorité sociale-chrétienne, comme l’a dit José Happart dans son discours introductif? La thèse est contestée…
Le ministre Gilson se verra vilipender dans les Fourons, avec une Marseillaise particulière, chantée sur place ce samedi.
«Défrancisation» continue
Car le récit de Nico Droeven, dénonçant la «défrancisation» continue des Fourons, était entrecoupé de nombreuses interventions musicales, de grande qualité, de quelque soixante musiciens, de l’Harmonie Saint-Martin et des harmonies de Teuven-Remersdael réunies, dirigées alternativement par les deux chefs de musique.
Le message politique, qui a rappelé les manifestations violentes des milices privées flamingantes du début des années 1980, le «carrousel fouronnais» destiné à priver José Happart du mayorat et qui a fait tomber un gouvernement Martens, ou le changement de majorité avec l’aide active des Néerlandais en l’an 2000, n’a ainsi pas versé dans la complainte, avec un survol des succès des années 1960 à aujourdhui. Avec Jacques Brel pour lancer la série, puis notamment Yves Montand, Hervé Vilard, France Gall, ou Serge Lama, et… daft Punk pour terminer. Sans oublier les percussions appréciées des jeunes.
Des revendications réaffirmées
Après les bourgmestres et militants des années 1960; après les «jeunes loups» du début des années 1980, dont les cheveux ont blanchi; une troisième génération prend aujourd’hui le relais.
Les Fouronnais francophones maintiennent la pression
Elle bénéficie des acquis de leurs prédécesseurs: le Centre sportif et culturel; l’école francophone et la ferme modèle de Fouron-Saint-Martin sont des points d’ancrage de la Culture française dans les Fourons, a rappelé Nico Droeven.
Mais il reste des revendications insatisfaites. Comme la ratification de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la protection des minorités linguistiques: cette ratification par la Belgique, membre du Conseil de l’Europe, est bloquée par la Flandre, qui refuse de reconnaître les 350000 francophones qui vivent sur son territoire comme une minorité linguistique à protéger.
Le «grignotage» des facilités linguistiques se poursuit, lui, insidieusement. Et la revendication récemment avancée par Voerbelangen, confronté à une dissidence en ses rangs, de donner le droit de vote aux citoyens européens pour l’élection des membres du CPAS, vise à restreindre encore le poids des francophones dans la gestion des affaires.
2024 sera une année électorale cruciale: fédérale, régionale et communale. Avec les «extrêmes» qui risquent de triompher en Flandre, a averti José Happart. Qui craint de voir l’existence de la Région bruxelloise remise en cause. Cette Région qui a vu le jour en 1988, notamment en contrepartie de son renoncement au mayorat de Fourons…
Restait à conclure la Fête.terminée traditionnellement au son du «Compagnon fouronnais» ( adaptation autorisée de Michel Fugain pour la partition et de Maurice Vidalin pour les paroles ), puis du «Valeureux Liégeois»!
Philippe LERUTH ( de Blog fouronnais de Jean-Louis Xhonneux)
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Souvenirs, souvenirs …. !!!
Il y a 50 ans à Fouron-le-Comte
La commémoration du 50me anniversaire de l’Armistice a été fêtée avec éclat. À 9.30 h., un cortège d’une quarantaine d’enfants francophones, suivis par l’Harmonie « Ste-Cécile », les autorités communales, les membres du comité F.N.C. et les Anciens Combattants des deux guerres, les veuves de guerre et un nombreux public, s’est rendu à l’église où une messe a été célébrée â 10 h., par M. le curé à la mémoire des victimes des deux tourmentes.
À l’issue de l’office, le cortège s’est reformé pour se rendre au Monument du Souvenir où, après une sonnerie « Aux Champs » et la Brabançonne, M. le bourgmestre Michiels, lui-même combattant des deux guerres, déposa une gerbe de fleurs [et] prononça une vibrante allocution.
Après avoir évoqué les principaux faits d’armes de l’armée belge en 1914-18 et rappelé le sacrifice des vaillants soldats qui luttèrent pour libérer la Patrie, la relever de ses ruines, et auxquels les survivants adressent la ferveur de leur fraternel et égal souvenir, ainsi que leur totale reconnaissance et leurs prières, M. le bourgmestre se pose la question :
« La justice est-elle sortie victorieuse de ce conflit ? Hélas ! non et si tous ces braves soldats sortaient de leur tombeau, n’auraient-ils pas le droit de nous demander : “Qu’avez-vous fait de notre chère patrie ?”
Eh ! oui, qu’a-t-on fait de notre chère Belgique ?
Aujourd’hui encore, nous avons des gouvernements qui tremblent devant une poignée d’extrémistes. On discute à perdre haleine, on fait des rapports et le lendemain encore des rapports, on entend des discussions interminables et rien n’arrive ! Il n’est question que de décentraliser et de déconcentrer et on va de compromis en compromis.
Après tant de vies sacrifiées, n’avons-nous pas le sentiment que nous avons laissé désorganiser la Belgique en permettant qu’on aille dans tant d’écoles, à l’encontre d’une éducation nationale dont précisément les Anciens sont si profondément imprégnés ? »
M. Michiels regrette alors que les associations patriotiques fassent preuve d’une totale passivité, alors que d’autres tentent de réaliser chez nous ce que von Bissing n’a pu obtenir à l’époque. Et d’évoquer les multiples méfaits d’une politique qui, en traçant une frontière linguistique, a semé l’injustice, la discorde et la haine, ainsi que les mesures prises en violation de l’art 23 de la Constitution, l’absence dans les Fourons des facilités promises et jamais obtenues et l’implantation en sa localité d’une École Moyenne flamande dans un local annexe de l’église sans même avoir pris l’avis des membres de la Fabrique d’église et de la commune.
« Il est encore temps de restituer à la Belgique son vrai caractère, son intégrité », poursuit M. le bourgmestre qui termine par ces mots : « Vive la Belgique ! Vivent les Fourons libres ! »
Cette cérémonie s’acheva par un chant de circonstance exécuté par les enfants sur l’air du « Valeureux Liégeois ».
En cortège, les participants sont ensuite allés fleurir le monument américain de la route de Warsage et la Pelouse d’honneur du cimetière. Puis une charmante réception eut lieu en la salle du « Drapeau Belge ».
Le soir, l’on se retrouva en la même salle, mais cette fois autour d’une table bien garnie, la bonne humeur était générale et chacun y alla de sa bonne blague de jadis. Les Anciens étaient heureux de se retrouver. À 10 h., au son d’un orchestre cependant réduit, tout ce monde se lança sur la piste dans une ronde enthousiaste. Et c’est dans une ambiance endiablée que la fête dura jusqu’aux petites heures. Longtemps encore on reparlera de cet anniversaire d’armistice.
( Le Journal d'Aubel, novembre 1968 ).