Houffalize Invasion de papillons
Houffalize Invasion de papillons
Biche ô ma biche
Qu’est-ce dans les ramures
Qui crève au promeneur les yeux ?
Biche ô ma biche
Lanières de plastique
Contrefaçons papillons bleus ?
Biche ô ma biche
Basta la politique
L’écologie c’est un vœu pieux
Biche ô ma biche
Viens chez nous c’est fortiche
Toi le grand amateur de nœuds.
Biche ô ma biche
Lorsque l’on égratigne
Ce qu’avril offre comme cieux
Biche ô ma biche
Ces rubans sacrilèges
Qu’on les jette dans un grand feu.
René Dislaire © Houffalize, Sertomont, le 7 avril 2019
Présentation. Poésie environnementale. Un terrain communal à l’intérieur du périmètre du centre de Houffalize. Rendez-vous de randonneurs, entre rangs d’honneur de bouleaux en rangs d’oignons ornementés de pavillons de complaisance. Complaisance de qui? Et merci Frank Alamo…
Le poème (addendum pour les intellos en congé pascal)
La première strophe s'est introduite dans ma tête lors d'une promenade sur le site de Sertomont, me remémorant l'air et les paroles du refrain de la chanson de Frank Alamo "Biche ô ma biche" (1963). Si on ne le connaît pas, il est indispensable de se mettre cet air dans l'oreille pour bien saisir le texte.
Le refrain d'Alamo
Biche, ô ma biche
Lorsque tu soulignes
Au crayon noir tes jolis yeux
Biche, ô ma biche
Moi je m’imagine
Que ce sont deux papillons bleus
J'étais dans un bois, d'où l'idée de confier mes pensées à une biche. Les lanières bleues de plastique au vent ont évoqué chez moi des papillons (ou pavillons ?). Et dans mes six vers j'ai repris ces mots les plus évocateurs du couplet d’Alamo : yeux, papillons, bleus. Plus bien entendu les "Biche ô ma biche".
Je me suis aligné sur la prosodie d'Alamo.
Deux tercets de six, sept et huit pieds.
Le premier vers est chaque fois une copie du texte original, les deuxième et troisième se terminent successivement par une rime masculine (une syllabe pleine, donc sans "e muet") et une rime féminine (un "e muet"). Mais ce «e muet" se prononcera, par fidélité à la chanson d'Alamo (preuve que les puristes ont bien raison de ne pas qualifier de "muets" les "e" qui terminent un mot…)
L’histoire des trois strophes
Content de ces six vers, j'en ai écrit six autres, les derniers des trois strophes.
Et c’est in fine que j’ai écrit la strophe centrale.
En toute logique, tous les "e" de fin de vers se prononceront : ramures, plastique, politique, fortiche, égratigne, sacrilèges.
À l'intérieur des vers, il en est de même pour les les "e" de fin de mot, sauf naturellement celui de écologie, et celui de "crève" (il n'y a donc aucun hiatus dans le poème : tous les autres « e » sont suivis d'un mot commençant par une consonne).
Ayant écrit cette strophe avec les rubans sacrilèges j'ai cru bon d'insister sur le fait que toutes ces lanières sont solidement attachées par un ou plusieurs nœuds, ce qui renforce le caractère de sacrilège écologique sur le plateau communal de Sertomont. Et qui plus est, plusieurs nœuds ne sont pas accessibles à la main d'un homme.
Tant qu'à voir des nœuds, la bouille d'Elio Di Rupo s'est profilée à la cime d'un bouleau. D'où le thème politique de la strophe : "écologie, politique, vœu pieu" farcissent les discours sur l'art de gouverner la cité et leurs commentaires.
Mais penser à Elio Di Rupo, surtout à quelques semaines des élections européennes, n'est pas très poétique. C'est pourquoi j'ai intercalé cette strophe triviale au milieu du poème, pour éviter que celui-ci chute sur le nœud de l'artiste funambule montois.
R. D.