Jacques Brel à Houffalize. T’as voulu voir Dinez, et on a vu Denise

Et vous mes mains, restez tranquilles
Bernard Alexandre chante Brel. L’Etoile est re-ve-nu-e. Accessible.
Dinez, le 27 mai 2011.
Qui dira de combien d’expressions Jacques Brel a enrichi notre quotidien ? De combien de mots l’écorché (promis, ce sera le seul cliché) a élargi le champ sémantique ? Combien de noms et prénoms il a enchaînés en locutions devenues pour ainsi dire proverbiales ?
Je vous ai apporté des bonbons, parce que les fleurs…
Ils étaient gais, comme le canal.
Partir où personne ne part.
Le monde est plein de polissons.
Faut pas jouer les riches, quand on n’a pas le sou.
Chauffe, Marcel !
Et le blasphème suprême de l’héritier d’une usine à carton : les bourgeois, c’est comme les cochons…

Le cœur bien au chaud
Dans la salle du curé, j’entends vérifier la réincarnation du phénomène.
Avec. Rien à redire.
Mathilde est revenue . Le « e » muet le plus sonore de la chanson française est parfait.
Tout nu dans ma serviette . Foi d’adjudant d’mes fesses, le geste que Jackson rendra obscène accompagne pudiquement les paroles.
Quel beau dimanche pour la saison. Les bras ballants sont mal à l’aise juste ce qu’il faut.
Amsterdam. Avec une syllabe centrale imprononçable pour les Français tout autant que la dernière de Maastricht : bene, bene.
Et ça fait des grands flchss. L’onomatopée est gloutonnement avalée.
Raide comme une saillie. Yes, he kahn.

Bernard Alexandre a réussi tous les tests
Y compris celui de la cravate qui se dénoue au fur et à mesure qu’avance le spectacle.
Comme toutes les semaines. Avec infiniment de talent.
Le Français sosie de Jacques Brel est particulièrement ému et honoré quand il est invité devant le public belge. Empoigné par la charge de l’envoûtement.
Sa vocation est de perpétuer Brel. D’offrir ses perles de pluie. Il s’y voue avec rigueur et passion.
Le chanteur compte un millier de récitals, dont un en direct en prime time chez Dechavanne un samedi à 20h30 devant sept millions et demi de téléspectateurs.

Une assistance singulière
La première rangée, celle réservée aux aux personnalités, était complètement vide.
Ça n’aurait peut-être pas déplu à Brel.
A partir de la sixième rangée, plus personne.
Entre les deux, dans bien des cas, celui qui avait un voisin à sa droite n’en avait pas à sa gauche. Et inversement.
Le Brel de Dinez s’en est tiré par une pirouette. « Vous êtes un merveilleux public. Je préfère de loin chanter devant 50 personnes enthousiastes et 150 sièges vides, que devant 200 personnes et seulement 50 qui aiment Brel autant que vous ».
Et l'artiste de remercier, et surtout de féliciter Michel Fraselle, l’organisateur de la soirée. De promettre, si les astres sont favorables, de revenir d’ici peu.
Michel Fraselle monta sur scène pour tenir les même propos, en fin de compte plus optimiste que groggy.
Il venait de se doper. D’amour fol. Dans la pénombre. En faisant danser Denise. Entortillés. Seuls. Devant le tout Dinez.

René Dislaire
Du même auteur, la "ballade" du trente-huitième anniversaire de la mort de Jacques Brel:
La Marieke de Jacques Brel vend-elle des frites à Bruxelles ? Poème « décalé », le 09.10.2016

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