Province de Liège Le Carnaval wallon
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Aujourd'hui, les plus grands carnavals de la province de Liège ont acquis une belle renommée. Leur survivance est en fait le prolongement de l'ancienne mascarade hivernale. Le carnaval s'est cristallisé autour de quelques dates-clés qui se déplacent dans le calendrier en fonction des "jours gras" (c'est-à-dire les jours de fêtes mobiles comme par exemple le mercredi des Cendres dont la date est commandée par la fête de Pâques). Les dates traditionnelles du carnaval sont les trois jours gras (dimanche gras, lundi gras et mardi gras), parfois précédés des jeudis gras. C'est le vieux carnaval, qui a lieu dans nos régions le dimanche de la Quadragésime (premier dimanche du carême) ou du grand feu, comme c'est le cas à Malmedy.
Chaque localité rivalise de magnificence avec ses voisines afin de récolter toujours plus de public. Costumes et chars sont sans cesse plus beaux, plus originaux et plus recherchés, contrastant avec des hardes et chariots d'autrefois. Le carnaval évolue et les coutumes se perdent : le calendrier original du carnaval n'est plus respecté, puisque les sorties carnavalesques sont organisées suivant des raisons touristiques ou commerciales, montrant par là que le sens premier de ces manifestations a été perdu. Au cours des dernières décennies, la célébration de certains carnavals a été déplacée au dimanche de la Laetare (prononcer "létaré"), comme à Stavelot et à Sart-lez-Spa, souvent pour éviter de faire concurrence à un carnaval voisin, ce qui fait que les festivités se déroulent en plein carême au lieu de le précéder ! En effet, le ou la Laetare est devenu le terme dont on désigne le dimanche de la mi-carême (le quatrième dimanche de printemps), en souvenir des premiers mots de l'ouverture de la messe de ce dimanche-là : "Laetare Jerusalem", qui signifie "Réjouis-toi Jérusalem".
Désireux de se renouveler et de rassembler un maximum d'aspects du carnaval pouvant plaire aux spectateurs, chaque ville adopte des personnages ou des usages qui ne lui étaient pas propres : majorettes et princes Carnaval se répandent partout. Une certaine uniformisation a lieu. Mais quelques localités résistent à l'envahisseur et conservent leurs coutumes propres.
Samuel Glotz, fondateur du musée de Binche et spécialiste mondial du carnaval, a établi une liste de critères pour reconnaître les carnavals traditionnels parmi la profusion de ceux qui se bousculent chaque année dans nos régions : les aspects les plus caractéristiques sont les taquineries moqueuses ou moralisatrices (comme les rôles), les chants, les danses, les quêtes de victuailles chez les habitants, la consommation importante d'alcool et d'aliments gras, et les accessoires particuliers, comme les déguisements, les masques, les sabres, les vessies de porc remplies d'air pour frapper les spectateurs, etc. Un rituel de mise à mort (par incendie ou par noyade) d'un bouc émissaire ou du symbole du carnaval, parfois agrémenté d'une parodie de procès et de funérailles, clôture ces festivités typiques. "Il est évident que ces critères ne sont pas présents dans tous les carnavals traditionnels wallons, mais leur absence marque presque toujours une disparition plutôt qu'une carence initiale", précises Françoise Lempereur, spécialiste du folklore. "Autrefois, le carnaval comportait également des jeux populaires (décapitation de l'oie, pastiches de combats, etc) et affichait clairement une volonté de salir, de contrevenir à l'ordre établi, deux éléments qui ont disparu aujourd'hui", poursuit Françoise Lempereur. "Dans le Pays de Liège, seuls les carnavals de Malmedy et de quelques villages d'Ardenne liégeoise peuvent être reconnus comme traditionnels. Dans une moindre mesure, on peut y associer ceux de Stavelot, Jalhay/Herbiester, Sart-lez-Spa/Tiège, et de la vallée du Geer. Les carnavals d'Eupen, de La Calamine, Welkenraedt et Raeren appartiennent à la grande tradition rhénane (avec prince Carnaval), étrangère aux coutumes wallonnes en la matière".
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Le Cwarmê de Malmedy
Une tradition plus que séculaire est respectée à Malmedy durant les trois jours de carnaval, précédant le mardi gras.
Durant les quatre jeudis auparavant (les p'tites haguètes) certains "petits rôles" vont de cafés en taverne "lawer" (se moquer gentiment) des clients.
Pendant les deux ou trois mois avant le carnaval, les sociétés musicales répètent les nouvelles marches, écrites en fonction du thème choisi, les couturières confectionnent de nouveaux costumes et les deux chorales d'hommes préparent leurs comédies satiriques (les Rôles), narrant les mésaventures des malmédiens qui seront présentées sur des scènes ambulantes le lundi après-midi.
Le samedi du carnaval, la "Grosse Police" annonce l'arrivée du carnaval et le Bourgmestre remet ses pouvoirs au "Trouv'lê".
Le dimanche c'est le grand cortège où l'on pourra admirer plus de 1.500 travestis représentants les masques traditionnels du "Cwarmê". C'est un carnaval de rues décidément pas comme les autres où les spectateurs sont très souvent pris à partie.
Le lundi, jour des "rôles", s'adresse avant tout aux malmédiens et le mardi gras, on procède au "Brûlage de la Haguète", marquant la fin des festivités.
Il est à noter, que toutes les manifestations du Cwarmê se déroulent en un wallon savoureux, langage auquel les Malmédiens sont plus que jamais attachés.
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Waimes
D'un point de vue géographique, Waimes fait partie des Cantons de l'Est, mais son carnaval est de tradition bien wallonne.
Une vieille coutume veut que, chaque année lors des jeudis gras, les enfants masqués et déguisés aillent, par groupe de dix, de maison en maison, pour demander des sucreries ou de l'argent.
Le cortège a lieu le dimanche avant les Cendres et débute vers midi. Puisque le thème est toujours un sujet d'actualité (comme par exemple le Tour de France), l'intérêt pour le cortège se renouvelle d'année en année.
Vers quatorze heures, dès la fin du mâssi tôr ("mauvais tour" comme à Malmedy), on se rend dans un local de la commune où une des sociétés folkloriques, les Bouh-tot-Djus, présente sur scène un spectacle de rôles en wallon. Les Bouh-tot-Djus signifient "les boulverseurs, les bousculeurs", ou en traduction approximative: "ceux qui frappent, qui jettent tout le monde par terre sur leur passage", et par extension "les iconoclastes".
Cette société se compose d'une vingtaine de jeunes gens qui portent un veston rayé, un canotier et une canne. Ces Bouh-tot-Djus éditent une petite brochure intitulée l'Awion (qui signifie en wallon "le dard, l'aiguillon de la guêpe"), où sont reprises les chansons présentées sur scène. Le soir a lieu le bal masqué, et le mardi, veille des Cendres, une mascarade d'enfants anime la ville. Les enfants ont également leur propre bal.
Il est difficile de préciser l'origine des festivités qui précèdent le carême. Le carnaval que nous connaissons maintenant à Waimes a été créé après la Première Guerre mondiale par la chorale Arion, et est désormais organisé par les Bouh-tot-Djus.
Extrait du livre "Carnavals traditionnels en province de Liège" ( Jacqueline REMITS & Wendy NÈVE)
Edition : CÉFAL ASBL, Boulevard Frère-Orban 31, 4000 LIEGE
Avec l'aimable autorisation de l'éditeur