Rétrospective Kees Visser au Musée Matisse à Cateau-Cambresis (près de Valenciennes en Picardie) du 5 juillet au 4 octobre 2009

écrit par VandenHende
le 07/07/2009
It is what is it, 1974

L’exposition revient sur le parcours de Kees Visser qui, loin des écoles et des mouvements artistiques dont il a pourtant été un observateur attentif, a fait son chemin en autodidacte, lentement au cours des quarante dernières années. Quittant sa Hollande natale où il travaillait dans une veine oscillant entre abstraction et Fluxus au milieu des années 1970, Kees Visser est parti s’installer en Islande où il a vécu pendant près de vingt ans au contact d’une nature très primale qui marquera profondément son travail, mais aussi d’une scène artistique incroyablement cosmopolite, côtoyant aussi bien Dieter Roth que Richard Serra ou encore Roni Horn dont il sera un proche collaborateur. Co-fondateur avec un groupe d’artistes islandais du Living Art Museum de Reykjavik en 1978, Kees Visser est devenu une figure marquante de la scène islandaise à qui la Galerie Nationale d’Islande prévoit de consacrer une exposition monographique en 2010. Invité en résidence à Paris au milieu des années 1990, c’est en France que Kees Visser a ensuite développé son travail sur la série, la forme, la couleur en réalisant des peintures monochromes qui font aujourd’hui sa réputation.

Entre Fluxus et minimalisme
C’est dans le pays de Frans Hals, peintre du noir et de la couleur pure, qu’est né Kees Visser en 1948, à côté de Haarlem où il est revenu s’installer en 1997 après trente années d’exil en Islande d’abord puis en France.
Ses premiers travaux témoignent d’une sensibilité à la fois minimaliste et conceptuelle. Apparaît dès 1973, l’idée de trame que Kees Visser décline dans de grands dessins à l’encre où la main se mesure à l’instrument. Mais c’est surtout à travers le motif de la spirale qu’il explore en même temps la notion de surface et d’espace pictural dans une série d’œuvres sur papier où il soumet cette figure, emblématique d’un certain post-modernisme, à l’épreuve du dessin, de la couleur et de la composition. A côté de ce travail graphique, plusieurs œuvres picturales jouent sur les limites spatiales et structurelles du tableau, juxtaposant des châssis pour porter le tracé d’une spirale qui se déploie à l’infini, au-delà du support qui est sensé la contenir, hors-champ. Un cube jaune de 1973 est exemplaire à cet égard. Aussi bien sculpture que peinture, cet objet composé de six châssis biseautés sur leurs bords est traversé en diagonale d’une double ligne peinte en jaune de Naples et de Cadmium jaune. Articulés entre eux par des charnières, les six tableaux peuvent former tout ou partie d’un cube, la ligne jaune se rejoignant alors sur elle-même dans une boucle fermée.

La découverte de l’Islande
Kees Visser part à la découverte de l’Islande pendant l’été 1976. Kees Visser deviendra dès lors un inlassable arpenteur de ce territoire, parcouru de plaine en volcan, de glacier en falaise pendant plus de trente ans. La primarité de la nature islandaise, sa dimension tellurique, sa temporalité hors de toute échelle humaine le marqueront profondément dans sa vie et son travail.
C’est au cours du premier hiver passé en Islande que Kees Visser commence à créer des livres d’artistes en tressant entre eux des ouvrages qu’il achète au poids chez un libraire de Reykjavik. Der fabricant Unton Beilharz und das Theresle (1977) est un des prototypes de ces livres tissés, où d’abord sommairement, l’artiste incise le texte pour y tisser des bandes de couleurs. Rapidement, le travail devient plus méticuleux et même conceptuel, s’attaquant non seulement à la trame du livre mais aussi à celle du langage qui y est utilisé, mariant littéralement le hollandais et l’islandais par exemple dans un livre aujourd’hui conservé au Stedelijk Museum d’Amsterdam. Ce patient travail de tissage se développera pendant plusieurs années jusqu’en 1983.
Rapidement, ce sont les images qu’il tisse entre elles, croisant des pages de bandes dessinées, journaux, revues, billets de banques, lettres, partitions de musique, etc … pour les ordonner en trames régulières (Chez vous, 1977-78). Au tournant des années 1970/80, Kees Visser met au point un système de conversion en peinture de ces tressages à partir d’un système fondamental de neuf couleurs, aboutissant à des compositions géométriques sur papier ou sur toile.

Le tournant de 1992
Le début des années 1980 est marqué par ce que le peintre américain Peter Halley appelle une « crise de la géométrie ». Au moment où ressurgit un fort courant figuratif expressionniste autour des « Nouveaux fauves » allemands, on assiste partout dans le monde à un procès en bonne et due forme du post-modernisme et de l’héritage minimaliste et conceptuel.
C’est de façon très singulière et isolée que Kees Visser va réagir à cette crise, prenant une certaine distance, critique aussi bien que géographique, avec la scène de l’art. Il cesse alors de peindre pendant plusieurs années. Outre la pratique de la sculpture, il réalise plusieurs livres d’artistes dans lesquels il exprime non sans cynisme ses interrogations sur l’état de la société, le milieu de l’art mais aussi sur son propre travail. Ce n’est qu’à la fin des années 1980 qu’il revient à la peinture alors qu’il construit un sommier en bois pour son premier enfant. Peignant les lattes du sommier de couleurs différentes, il inaugure une série de Rimlaverk, à mi-chemin entre les sculptures colorées de Donald Judd et les Furniture sculpture de John M. Armelder, qui jouent aussi bien sur la forme et la fonction de l’objet, le rapport entre peinture et sculpture, le vide et le plein, les rythmes de couleurs.
En 1992, le Living Art Museum de Reykjavik lui organise une importante exposition personnelle qui va marquer un tournant dans son travail. Il conçoit spécifiquement une œuvre sérielle constituée de 166 panneaux de bois peints de ces onze couleurs, occupant entièrement la salle SUM du Living Art Museum selon une progression arithmétique. S’affranchissant des cadres en bois bruts qui retenaient les Rimlaverk dans les limites d’un objet, il parvient à une œuvre qui n’est presque plus que peinture, où la couleur seule occupe l’espace d’exposition.

Le catalogue raisonné
Alors qu’il réalise le croquis préparatoire de son grand Rimlaverk rouge, dessiné au millimètre près puis mis en couleur sur ces mêmes grandes feuilles, Kees Visser prend conscience que l’essentiel de ce qu’il recherche est contenu dans cette feuille. Tout comme l’oeuvre Sum s’était affranchie de son cadre, fusionnant carrément avec le mur blanc qui la portait, le travail de Kees Visser va désormais s’affranchir de sa matérialité pour ne plus exister que sur papier.
Ses œuvres vont dès lors prendre leur source dans un répertoire de formes et de couleurs strictement recensées dans un « catalogue raisonné » que l’artiste développe depuis 1992. A partir de cette date, Kees Visser déclinera ces rectangles légèrement gauchis qu’il recensera dans son catalogue raisonné, tel qu’il l’appelle à partir de 1995. Par série de trente-deux, il multiplie les possibilités de figures possibles à partir d’un rectangle, auquel il ajoute un ou deux biais, en positif ou en négatif. L’artiste puise alors au sein de ces séries pour trouver les motifs de ses peintures sur des papiers de grammage et de texture variés, réalisées à des tailles différentes.

Une cristallisation de la peinture
C’est en France que Kees Visser a ensuite développé son travail sur la série, la forme, la couleur en réalisant des peintures monochromes qui font aujourd’hui sa réputation. Mais au-delà de ces œuvres qu’il réalise presque exclusivement sur papier, c’est l’espace même de leur exposition que Kees Visser a progressivement intégré dans sa démarche de coloriste, multipliant des dispositifs de présentation où ses peintures sont juxtaposées, superposées, posées au sol, alignées dans des vitrines de plusieurs mètres de long, recomposées en mosaïques, etc.

La monumentalité et les œuvre in situ
Depuis 1993, l’artiste réalise des peintures murales. Invité alors à exposer en Pologne dans le cadre d’une exposition en hommage à Strzeminski, Kees Visser décide d’intervenir à même le mur de l’exposition en y peignant, non pas un rectangle biaisé mais, au contraire, en reportant sur le mur les « chutes » de ces rectangles, c’est-à-dire les fines bandes triangulaires dont il les altère. C’est donc la cimaise elle-même que le peintre perturbe, en lui imprimant ces infimes déformations qui viennent scander l’espace sur un mode quasiment musical. Les peintures murales vont progressivement se sophistiquer, conçues en amont dans des maquettes sur papier millimétré qui prennent l’allure de véritables partitions. Les fines stries colorées se succèdent à des rythmes calculés mathématiquement, se liant entre elles, se répondant du point de vue de leurs couleurs autant que de leurs formes, investissant des murs de plus en plus grands comme au centre d’art Tent de Rotterdam (2004), allant même jusqu’à englober l’espace entier de la chapelle Jeanne d’Arc de Thouars en 2006. L’installation consistera en 320 piliers en aluminium de six mètres de haut, occupant tout l’espace intérieur de la Chapelle et peints sur trois de leurs faces de grandes stries colorées issues de la série T. Cette installation a été présentée dans une configuration différente à l’église Saint-Eustache à Paris en 2007.

Le musée est ouvert tous les jours de 10h à 18h
Fermé le mardi, le 1er novembre, le 25 décembre et le 1er janvier
Réservation pour les groupes :
T. 33 (0)3 27 84 64 64
http://www.tourisme-lecateau.fr/musee-matisse
slabiause@cg59.fr
Accès depuis la Belgique
Passer par Valenciennes

  • It is what is it, 1974
  • Maquette pour SUM (Reykjavik, 1991
  • Serie W (1999)
  • Sans titre (6 lignes) 1992
  • Prototype (1978)
  • Vue de l'expo centre d'Art e Bouvet Ladubay, 2005
Portrait de VandenHende
Van den Hende"