"Entrelacs. Textiles rituels", au "Musée du Carnaval et du Masque", à Binche, jusqu'au 24 Septembre
Plus qu’une dizaine de jours pour découvrir plus d’une centaine de pièces textiles (en provenance de 12 musées et de 16 collections privées, britanniques, françaises et belges) constituant le parcours de l’exposition temporaire « Entelacs. Textiles rituels », au « Musée international du Carnaval et du Masque » (« MÜM »), à Binche.
Ces pièces textiles ont été choisies parce que l’ethnographie qui les entoure semblait suffisante pour apporter des éléments de réponse à nos questions : Comment agit le textile au sein de ces pratiques rituelles ? Qu’est-ce qui fait son efficacité ? Quelles sont les modalités de sa capacité d’action ?
Qu’il joue un rôle central ou qu’il fonctionne comme une toile de fond, le tissu est un élément omniprésent de la sphère rituelle, au même titre que le masque. Il peut, par exemple, créer un pont entre les mondes visibles et invisibles ou servir de surface derrière laquelle se cacher et disparaître, ou encore sur laquelle afficher, suspendre, accrocher.
Au fil du parcours, les différents modes d’action du textile sont explorés à travers six axes différents.
Les trois premiers s’intéressent à des actions orientées vers la personne qui porte le textile, afin de :
**se montrer : qu’il s’agisse de pièces d’habillement, de parure ou de vêture, le textile joue un rôle prépondérant dans les cérémonies officielles ou plus intimes. Il s’inscrit dans des stratégies identitaires, permet d’affirmer son autorité ou, parfois, de renforcer son pouvoir.
**se protéger : parfois, le textile agit comme une surface sur laquelle des amulettes, des symboles ou des talismans ont été apposés. D’autres fois, c’est la technique du tissage ou la matière première elle-même, qui a une capacité d’action protectrice. Ailleurs encore, c’est la réalisation quelquefois très complexe de certains motifs qui déjoue les attaques du « mauvais œil ».
** se transformer : le tissu change non seulement le statut, mais aussi la nature de la personne qui le porte.
Les trois derniers présentent la manière dont le textile peut agir dans d’autres sphères de l’univers social, telles que
** attacher le mariage : dans de nombreuses communautés, les pièces textiles font partie des « trousseaux de mariage ». Ces objets qui accompagnent la jeune mariée participent à son intégration dans son nouveau foyer.
**honorer les morts : le textile intervient dans de nombreux cas dans les rituels qui entourent le décès. Il peut marquer le statut de ceux qui accompagnent le défunt et qui sont en deuil, ou encore signaler la mort d’une personne importante. Des pièces textiles accompagnent aussi le défunt dans son trajet vers un au-delà.
** représenter le monde : le tissu peut agir comme une toile de fond pour la représentation d’un univers céleste, terrestre ou encore d’un panthéon.
Au sein de ces chapitres qui rythment le parcours, des pièces des quatre coins du monde se côtoient, avec pour principale ambition de faire voyager le visiteur, des tenues de « samā » (« derviches tourneurs »), en Turquie, jusqu’à une coiffe de mariage, « adghar », au Maroc, en passant par des tissus sacrificiels, « saragafani », au Mali …
Si ce« Musée international du Carnaval et du Masque » se centre, forcément, sur le carnaval d’une part et le masque d’autre part, cette exposition nous permet de constater que, dans les pratiques rituelles, les masques ne sont jamais seuls. Ils n’existent, au fond, que comme faisant partie d’un tout, d’un système complexe, fait d’humains et de non-humains. Ils sont entourés d’émotions, de gestes, de musique, d’odeurs. Ils incarnent, combattent ou sont liés à des entités spirituelles invisibles.
Certes, si les masques recouvrent le visage de leurs porteurs, ils font toujours partie d’un costume qui transforme le corps. Aussi, ici, ce sont ces costumes, ces textiles qui sont mis en lumière, participant directement, comme les masques, aux différents « rituels ».
Soulignons enfin que le « rituel » qualifie des pratiques performatives, que celles-ci soient cérémonielles, collectives , individuelles, religieuses, extraordinaires ou quotidiennes. La capacité de l’objet à agir et obtenir un résultat peut résider dans la technique de tissage, elle-même, ou dans les outils utilisés pour sa fabrication. Ailleurs, ce sont les
matières premières qui sont chargées d’un pouvoir opérant. Selon les contextes, le coton, l’indigo, la laine, la soie, par exemple, trouvent une raison d’être qui dépasse la question de la disponibilité de la matière première et de
l’approvisionnement.
Lisons le propos de la conservatrice du musée, docteure en « Histoire de l’Art et Archéologie », Clémence Mathieu : « En règle générale, le masque est pour nous la porte d’entrée pour étudier les rituels à travers le monde mais ici, on a décidé de changer un peu d’optique et de parler des textiles rituels, qui sont portés en vêtements ou utilisés comme objets dans les rituels à travers le monde, … de deuil, de mariage, de protection, … religieux ou shamaniques. »
Indiscutablement, le textile possède une grande importance, ce que démontre brillamment cette exposition à la scénographie parfaitement réussie.
Ce jeudi 14 septembre, à 18h30, « nocturne » au coeur d’ « Entrelacs. Textiles rituels », en compagnie de la commissaire d’exposition, Lucie Smolderen. Prix d’accès à cette nocturne : 10€ (7€, dès 12 ans). Possibilité, ensuite, pour un supplément de 5€, de profiter d’un moment de convivialité, avec une planche apéritive et un verre de vin. Réservations obligatoires : accueil@museedumasque.be & 064/33.57.41.
Le samedi 23 septembre, à 10h, atelier de sérigraphie à l’encre végétale, une initiation pour tous, à partir de 8 ans, menée par le « Laboratoire d’Arts textiles ». Lors de cet atelier, nous composerons notre motif à partir de plantes, cueillies sur place, et participerons à une réflexion autour du rituel de la cueillette de plantes et de leur préparation. Prix d’accès (incluant l’entrée au musée) : 12€ (8€, pour les enfants).
Ce même samedi 23 septembre, à 14h, en guise de clôture de la présente exposition temporaire, une conférence est programmée : « Regards croisés sur les Textiles rituels ». Entrée gratuite (réservations souhaitées).
Ouverture : jusqu’au dimanche 24 septembre, du mardi au vendredi, de 09h30 à 17h, samedi & dimanche, de 10h30 à 17h. Prix d’entrée (incluant l’accès aux collections permanentes) : 8€ (7€, pour les étudiants et seniors / 6€, pour les enfants / 1€25, pour les « Art. 27 » / 0€, pour les moins de 6 ans). Prix par personne, au sein d’un groupe : 7€ (6€, pour un groupe d’étudiants ou de seniors / 3€, pour un groupe d’enfants / 1€ , pour une groupe scolaire de la Fédération Wallonie Bruxelles). Catalogue : 40€. Contacts : accueil@museedumasque.be, 064/33.57.41 & 064/23.89.29. Site web : http://www.museedumasque.be.
Bien sûr, n’hésitons pas à (re)découvrir, sans supplément de prix d’entrée, la formidable collection permanente « Masques au cinq Coins du Monde ».
Notons que jusqu’au mercredi 08 novembre inclus, la section « Centre d’Interprétation du Carnaval de Binche » n’est pas accessible. Il en sera de même, du lundi 16 jusqu’au mardi 31 octobre inclus, pour les « Carnavals et Folklores de Wallonie ». Afin de compenser ces fermetures temporaires, du dimanche 24 septembre jusqu’au mercredi 08 novembre inclus, les tarifs seront adaptés.
Yves Calbert,
à partir des textes du « Musée international du Carnaval et du Masque ».