Le cimetière de Verviers, refuge de nombreuses personnalités

Le cimetière de la ville de Verviers se trouve à son emplacement actuel depuis 1831, sur une prairie en forte pente, si bien que sa configuration est fort originale, avec des allées en paliers, des murets, des terrasses et de nombreux escaliers qui confèrent à ce parc funéraire, riche de nombreux monuments, une atmosphère toute particulière. Ici, à travers sépultures, tombes et monuments funéraires – l’histoire et le passé de Verviers -  se trouvent réunis, industriels, poètes, compositeurs, musiciens, écrivains ou encore hommes politiques !

La découverte de la richesse des sculptures des tombes et monuments du 19ème siècle dévoilent les témoins de la mentalité et du style d’une autre époque. On y trouvera les deux grandes tendances philosophiques du moment : les catholiques et les libéraux (souvent anticléricaux mais non antireligieux), ces derniers étant représentés par les Francs-maçons. Ce musée lapidaire est porteur de souvenirs, lieu de mémoire et de réflexion.

Au départ de la grille magistrale, un long chemin pavé se dresse pour faciliter l’accès sur le haut avec un attelage. Ces défunts vous parlent un langage symbolique gravé dans la pierre bleue. Beaucoup de défunts vous regardent en souriant sur les médaillons  avec l’air de vous dire : « Nous avons été comme vous. Vous serez un jour comme nous » en vous invitant à la méditation. Saluez-les…

1) La sépulture du musicien - compositeur Jean-Michel d’Archambeau (1823-1899). Sa musique est aussi grande que sa modestie. A 10 ans, il est accepté comme violoniste à Verviers. Il compose une messe avec orchestre à 17 ans. La croix civique lui est attribuée à 19 ans. A 21 ans, il compose une messe en FA très célèbre. Il reçoit une médaille d’or pour composition d’un hymne au Pape Pie IX (1er prix sur 69). Au théâtre de Verviers, il est violon-solo pendant 27 ans. Ce sont les symboles qui attirent le regard. Quelle délicatesse dans la sculpture qui exprime la fin de la partition, la fin d’une vie.

2) La tombe du célèbre compositeur-violoniste Henry Vieuxtemps (1820-1881) . Virtuose à 6 ans, il se produit partout dans le monde et devint fondateur de l’Académie de musique de Saint - Pétersbourg. Il fut également le professeur d’Eugène Isaïe, initiateur du Concours Reine Elisabeth.

3)  Sculptée par Clément Vivroux ( Verviétois disciple de Violet-le-Duc à Paris ), une autre sépulture d’un Verviétois célèbre, médecin comme son père : Alexandre Louis Simon Lejeune (1779-1858). Après un séjour dans les armées de Napoléon, il est désigné pour inventorier l’herboristerie régionale. Son herbier est toujours à la disposition des étudiants au Jardin Botanique de Meise.

4) Bienvenue dans le quartier des Bourgmestres, regroupant environ 120 ans de mandats. Une colonne cannelée, surmontée du buste de Pierre David (1771-1839)  qui connut quatre régimes politiques successifs : l’Ancien Régime, la domination française jusqu’en 1815, le régime hollandais et le gouvernement belge de 1830. Ce monument dévoile son opinion philosophique : la Franc - maçonnerie ! ( Son coeur, enfermé dans un coffret, était enfermé dans la colonne de la fontaine de la Place Verte ).

5) Une dalle plate en marbre blanc signale la tombe de Jean-François Ortmans (1807-1882), Industriel teinturier, bourgmestre et principal initiateur du Barrage de la Gileppe. Sur la dalle, on peut lire : Membre de la Chambre des Représentants, décoré de la croix civique de 1ère classe et Commandeur de l’Ordre de François-Joseph (empereur d’Autriche et roi de Hongrie)

6) A côté de la tombe de J.F.Ortmans, deux obélisques se dressent, l’une de Simon Lobet (1815-1891), Conseiller communal pendant 5 ans et ensuite Echevin pendant 25 ans. Il est élu Bourgmestre jusqu’en 1848.

7) L'autre est celle de son voisin d’infortune, Eugène Mullendorff (1835-1920).

8) L’imposant mausolée de  la Famille des vicomtes de Biolley.Tout a commencé en 1725 avec Jean Biolley, originaire de Haute-Savoie. La famille s’agrandit. Sa descendance en la personne de Raymond Biolley, patron d’une usine de draps, se réserve en 1833 une concession de 8,60 x 8,60 m pour le bâti et 6 m x 8,60 pour le jardinet. Ce mausolée ne comporte pas moins de 56 loges ! C’est grâce aux services de William Cockerill que l’entreprise Biolley a prospéré. Outre une usine de draps, les Biolley possédaient aussi une usine de teinture et des fouleries. Formant une oligarchie, la puissance industrielle et commerciale de la famille a assuré sa fortune et l’influence dans le cité.

9) Deux grandes cryptes sans épitaphes. Il s’agit de la Famille Simonis, alliée à la Famille de Biolley. A la seconde « chapelle », les deux visages féminins en larmes. La représentation de tristesse est très belle et pas courant.

10) Un bel obélisque est élevé à la mémoire de la Famille Edouard Herla, Bourgmestre de 1849 à 1854, avocat-avoué, Vénérable à la loge maçonnique « Les Philadelphes ».

11) Le monument de l’architecte Charles Thirion  et sa famille n’a pas la place bien en vue eu égard de l’importance du personnage, lui qui a doté la Ville de Verviers de beaux immeubles. A remarquer :  les symboles précisant les loges occupées ou libres.

12) Ce mausolée blanc appartient à la Famille de Bonvoisin, industriels dont l’habitation abrite actuellement « la Maison de l’Eau », rue Jules Cerexhe.

13) Une délicate pleureuse ne cache pas sa mélancolie. Le sculpteur-bronzier Sylvain Norga excelle dans son art de couler des silhouettes féminines et gracieuses. A remarquer : la prestance des commanditaires du monument (médaillons).

 14) Un double cénotaphe présente la sépulture du Bourgmestre Jules Spinhayer, successeur en 1851 d’Eugène Mullendorff.

15) Une grande Dame orne la sépulture de la Famille Dewaide-Rensonnet. Son visage grave et ses genoux fléchis expriment la désolation. Ce monolithe est un des fleurons du savoir-faire des sculpteurs verviétois.

16 ) Le monument d’ Edouard Deru, illustre violoniste verviétois. A remarquer l’épitaphe coulée dans le bronze et accrochée à la stèle.

17) Un médaillon représentant le sosie verviétois d’un personnage américain célèbre. Ce faciès, très sérieux, nous replonge au temps d’Al Capone !

18) Les tombes entourant le monument « Aux Victimes du Devoir 1914-1918 ».

19) Une jeune dame, Madame Sauvage-Renard , se cache et semble poser au soleil. Sans indication de date, le style Art Déco de ce monument suggère la période de l’entre-deux-guerres.

20) Un athlète profondément désolé. Le détail de la sculpture est précis et la représentation masculine de la tristesse peu courante.

21) Un monument commémoratif « Verviers à ses Artistes ». Les artistes vivants fleurissaient leurs amis défunts. À l’occasion des commémorations des Journées de septembre, l’association « Pré-Javais Attractions » organisa à partir du 20ème siècle un hommage sur les tombes des principaux artistes enterrés au cimetière de Verviers. Elle fut ensuite l’initiatrice d’un monument à ces derniers, finalement élevé en 1949 par l’association « Le Souvenir wallon » et son fondateur Joseph Defaaz (1894-1968). Oeuvre de Pierre Pirenne, ce monument a la forme d’une assez grande colonnade entourant une pelouse où se trouve une plaque en hommage à Defaaz ; la partie inférieure de la colonnade comporte un coq wallon.

22) Les stèles d’anciens combattants décédés après la guerre.

23) Le monument de la Famille Beaupain-Goube. L’imposant entablement monolithe, la coupole et les 4 moyens-ducs méritent un arrêt !

24) La sépulture d’un membre de la Famille de Biolley porte des armoiries, symboles de lignée.

25) Léopoldine Otten (1877-1912), gracieuse pleureuse vêtue à la romaine et décédée à 35 ans.

26) Le médaillon sur lequel les ouvriers remercient leur patron, décédé trop tôt. Ce fait est plutôt rare !

27) Le rocher de Léopold Mallar, industriel ( savonnerie ) qui fut aussi avocat et bâtonnier de l’Ordre, Conseiller Communal, Officier de l’Ordre de Léopold et Franc-maçon.

28) Le discret monument commémoratif de la Révolution brabançonne de 1830, érigé à l’initiative de la Société royale des Vétérans du roi Léopold I, en 1905 pour les 75 ans de la Belgique. Fort abîmé, ce monument en forme d’obélisque comporte les noms des Verviétois ayant pris part aux combats de septembre 1830. L’association verviétoise du « Souvenir wallon » se rendit chaque année devant cette pierre, à partir de septembre 1958, ainsi que devant les monuments aux morts des deux guerres, et celui aux artistes verviétois.

29) Le mausolée de la Famille Eugène Marcotte. Aucune inscription n’apparait excepté la provenance : Ecaussines.

30) Un opulent monument d’une riche famille au nom surprenant de Laruine.

31) Une jolie pleureuse, sculptée dans un seul bloc et unique en Wallonie, qui fut probablement commandée par la Famille Hardy, célèbres chocolatiers verviétois du début du 20ème siècle ( la Ville comptait alors une douzaine de chocolateries ).

32) La sépulture de la Famille Oscar Lange est la manifestation d’une certaine aisance de la bourgeoisie verviétoise. Le travail du sculpteur est superbe !

33) Une rangée de croix portant toutes la même date, nous rappelle le lâcher de bombes larguées par un avion allemand sur le quartier des « Prés Javais ».

34) La rangée des sépultures de riches familles d’industriels ( Melen, Sirtaine, Hauzeur de Simony,…), affichant des symboles intéressants, montrant leurs convictions religieuses ou philosophiques (sablier ailé, calices de pavot,...).

35) Un petit cénotaphe (cercueil en pierre) qui est la sépulture d’Eugène Melen, industriel et conseiller communal. Inventeur de la laveuse de laine ( dont un modèle est exposé près de la Maison de l’Eau rue Jules Cerexhe ) qui est nommée « Léviathan » ( nom du plus grand navire de l’époque ) et qui eut le triste privilège de remplacer 200 emplois !

36) Le grand mausolée de la Famille Henrion dont Jacques Henrion, industriel libéral, en est le commanditaire. Il ne cache pas ses convictions car ce monument est un livre de symboles maçonniques. A remarquer que le volume de son mausolée supplante la chapelle funéraire de style gothique ( catholique ) de la Famille Peltzer, sa voisine de gauche.

37)  Une simple stèle avec un médaillon annonce que Thil Lorrain ( 1826-1893 ) a été longtemps le directeur de l’Ecole Moyenne de Verviers ( de 1871 à 1889 ). Dans la suite, le Conseil Communal eut l’autorisation de donner son nom à l’Athénée et aussi à une rue.

38) L’obélisque de Jean Ambroise. Les symboles sont à lire en contournant la colonne pour connaître sa fonction exacte et la raison de son décès ! Les symboles servent en effet à mieux comprendre la personnalité du défunt.

39) Une étrange stèle ancienne, sculptée avec une étoile à 5 branches déposée sur une colonne égyptisante annonce que Karl Grün est Franc-maçon. D’origine allemande, il a été successivement chimiste, pharmacien, botaniste, écrivain et poète. Sa raison de vivre était la lutte contre la superstition héritée de « vieilles religions » ( selon son point de vue )…

40) La tombe de Corneil Gomzé, militant démocrate dès 1848, correspondant de Victor Hugo. Le poète Corneil Gomzé (1829-1901) fut un des premiers écrivains en wallon verviétois. , Corneil Gomzé prend part en 1848 aux activités du club républicain La Société des droits et des devoirs de l’homme. II anime en 1865-1866 le cercle La Réforme par l’action qui organise les premiers meetings ouvriers verviétois. Il contribue aux premiers pas des Francs-ouvriers, future section verviétoise de l’Association internationale des travailleurs. Il trouve notamment le titre de leur journal, Le Mirabeau.

Corneil Gomzé est l’auteur de nombreux poèmes wallons réunis après sa mort dans une brochure, Avaû les Champs, et du texte de la Barcarolle vervîtwesse qu’Albert Ernotte met en musique.Sa tombe fut érigée à l’initiative du cercle littéraire « L’Élan wallon » créé en 1893, à une époque où quatre autres sociétés wallonnes virent le jour à Verviers entre 1890 (« Les Wallons ») et 1903 (« Lu Steûle wallonne »).

41) Jean - Simon Renier , peintre et professeur de dessin, s’adonne aussi à l’archéologie et à l’histoire locale. Il préside d’ailleurs la Société verviétois d’archéologie et d’histoire fondée en 1897. Son œuvre capitale reste, bien sûr, la création d’un musée à Verviers. Renier, le premier conservateur, est aussi le fournisseur principal du musée. Il le reste vingt ans. Et quand il disparaît, le 15 février 1907, une foule considérable l’accompagne vers sa dernière demeure au cimetière de Verviers, des bourgeois, des notables mais aussi des ouvriers et des pauvres qui pleurent un homme d’une inaltérable bonté et d’une exquise politesse.                                                                                                     

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Pour la visite du cimetière :

Point de départ : le cimetière de Verviers, rue de la Cité (entrée par la rue de Limbourg)

 • Distance : 2,5 km

• Durée : 1 heure 30

• Difficulté : terrain en légère pente et escaliers

• Ouverture du cimetière : de 8h à 16h30

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© François DETRY