Dimitri Pichelle, à la « Tour d’Anhaive », à Jambes, jusqu’au 30 Avril
Le 14 septembre 1291, Jean de Flandre, demi frère du Comte de Namur et Prince-Evêque de la Principauté de Liège, décède en sa résidence favorite, la « Tour d’Anhaive », connue, à l’époque, sous le nom de « Tour de l’Evêque », tour carrée en calcaire de Meuse, sise au sein d’une terre épiscopale, celle de Jambes, faisant face, au-delà du fleuve, au Comté de Namur.
726 ans plus tard, en ce 21ème siècle, jusqu’au 30 avril, la place est offerte, en ce lieu chargé d’histoire, à l’art contemporain, avec Dimitri Pichelle (°Namur/1975), formé à l’ « Académie des Beaux-Arts » de Bruxelles, et, désormais, présent dans de nombreuses galeries belges, françaises et néerlandaises. Jeune artiste namurois, il aime s’affranchir des règles, bousculant les habitudes et les conventions, avec la volonté d’avoir une communication dynamique avec son public. A mi-chemin entre la peinture et la sculpture, il aime pousser les arts plastiques dans leur retranchement.
A la fois peintre et sculpteur, il provoque l’interaction entre tactile, image et matière, proposant, au regard et au touché, une émotion qui s’inscrit dans une démarche où la réflexion est au rendez-vous. Son imagination donnant mille formes à la matière, il précise, auprès de chacune de ses oeuvres, sa composition: « bois composite, résine, peinture acrylique et ‘secrets d’atelier’ … »
Parmi ses derniers, nous découvrons des crayons de couleurs intégrés à deux de ses créations en trois dimensions, où, pour « I believe I can fly » (« Je crois pouvoir voler »), ils soutiennent les ailes de l’oiseau, alors que pour « Freedom of Speech » (« Liberté de la Parole »), ils constituent les barreaux d’une cellule de prison, … où, encore actuellement, pour avoir écrit ce qui ne convenait pas aux autorités en place, dans certains pays totalitaires, trop de journalistes et d’auteurs se retrouvent… En quelque sorte, ces écrivains sont prisonniers derrière leurs… crayons…
Ayant exposé, du 04 au 16 avril, au « Palais des Beaux-Arts » de Bruxelles (« BOZAR »), au sein de l’expo collective de l’ « ArtBIFFF », du 35ème « Brussels International Fantastic Film Festival », il expose actuellement, jusqu’au 28 mai, sous le titre collectif « Le beau bizarre », avec 59 autres créateurs belges, membres du « Conseil National Belge des Arts Plastiques », au « Château de Waroux », à Alleur, passant ainsi du thème du fantastique à celui de la beauté.
De retour en terres provinciales namuroises, il exposera, en novembre/décembre de cette année, à Dinant, au « Centre culturel », sous l’appellation « Coups de Crayons ».
A Anhaive, actuellement, dans une première salle, sise, à côté de l’accueil, nous découvrons ses créations de la « Geek Generation », des sculptures récentes qui ne sont pas sans nous rappeler celle de l’un de ses amis artistes, Stéphane Halleux (°Chênée/1972), le créateur du personnage « Mr. Hulot », qui, héros d’un court métrage homonyme (Laurent Witz & Alexandre Espigares/Fra.-Lux./2013/11′), fut récompensé, en 2014, de l’ « Oscar du meilleur Court-Métrage d’Animation ».
Comme nous le confie Dimitri Pichelle: « au même titre que beaucoup d’autres artistes contemporains de notre génération, nous évoluons dans une des nombreuses sphères de l’art actuel, influencées par la pop culture , le mouvement « steampunk » , …, appréciant mutuellement nos productions artistiques ».
Et si de Stéphane, nul ne pourra oublier l’ « Oscar » remporté, à Hollywood, par un court-métrage d’animation, utilisant l’un de ses personnages, de Dimitri, nous nous souviendrons toujours, en terres wallonnes, de son oeuvre « Le Joyau », exposé au rez de chaussée de la « Tour d’Anhaive », ce motif étant repris par la Ville de Namur, pour ses différentes publications, avec les mentions « Namur Capitale » et « Le Coeur des Wallons ».
Cette création, avec en son centre un coeur flamboyant, les deux anneaux l’entourant symbolisant le double écrin fluvial – Sambre et Meuse – de la capitale wallonne, il souhaita la réaliser, en 2016, à l’occasion des 30 ans du décret « Namur Capitale », cette oeuvre dynamique étant le fruit de sa collaboration avec la « Commission Namur Capitale ».
Pour nous conduire à cette seconde salle, de la première, en passant par l’accueil et le couloir vitré, notre chemin est bordé d’une dizaine de ses totems, dont il nous dit qu’ils constituent: « une étape dans (son) évolution vers la sculpture, ayant à la base, une formation de peinture académique. » Il poursuit: « Les influences, elles ne sont pas clairement définies. C’est plutôt une convergence entre mes recherches de forme, couleur et matière sur des supports en trois dimensions. »
Empruntant l’escalier à vis d’origine, au premier étage de la « Tour d’Anhaive », des bas reliefs de « protection » aux teintes vives, compositions finement ciselées, nous attendent. posés sur des structures en acier.
A leur sujet, Dimitri Pichelle écrit: « Ces œuvres sont mises en place par superposition, compression et juxtaposition de séquences. Il y a une volonté de pénétrer l’œuvre, de percer ses couches successives, jusqu’à la trouée du support. Les variations de dimensions des séquences impriment une rythmique propre à l’œuvre. »
Certains de ces bas reliefs sont conçus comme des boucliers qui: « Partant de l’idée que l’art protège l’artiste, (ils) sont des carapaces,
armures nécessaire à son équilibre. Les boucliers font œuvre de parures de guerre. Finement travaillés, ils affichent la valeur de leur peuple, de leur cause. »
Dans deux vitrines, nous découvrons des oeuvres de formats nettement plus réduits, que l’artiste nomme « haptiques » , du grec ἅπτομαι (« haptomai »), qui signifie « je touche », étant, pour « Larousse », une « étude scientifique du toucher », ce qui pousse Dimitri Pichelle à écrire: « La possibilité d’interaction physique sur l’oeuvre par le biais du toucher en augmente sa perception. Cela contribue à une meilleure compréhension du langage plastique, du message inhérent à l’oeuvre et précise davantage le ressenti émotionnel… » Avec lui, donc, contrairement aux oeuvres exposées dans nos musées, il est recommandé de toucher ses créations…
Par contre, au second étage, abandonnant le 21ème siècle, nous nous retrouvons au 2ème et 3ème siècles, avec quatre vitrines présentant une sélection de la collection muséale du « Centre d’Archéologie, d’Art et d’Histoire de Jambes ». Ses assiettes, cruches, écuelles, gobelets, vases, ainsi que son unique petite bouteille balsamaire en verre, reposant sur du sable fin, ces 31 objets ayant été trouvés en 1934, lors de fouilles, qui mirent à jour d’anciennes tombes, du cimetière de Béronvaux, précédant la construction d’un Couvent de Pères Scheuts.
Remontant dans le temps, sur un côté de ce même étage, nous découvrons deux sièges médiévaux, en pierre, jouxtant une fenêtre, aux côtés d’une latrine en encorbellement, qui, autrefois, surplombait une douve, approvisionnée par l’eau de la Meuse.
Plus proches de nous, dans la première salle, entre les créations de notre artiste namurois, des vitrines évoquent le riche passé industriel jambois, ses verreries (les pièces exposées provenant du « Musée Groesbeeck de Croix », actuellement en rénovation); sa moutarderie (créée en 1930, par François Bister, un ancien torréfacteur) et sa bière à la moutarde « La Jamboise » (brassée depuis 1997), parties s’implanter à Achêne, près de Ciney; sans oublier la présence, dans la première moitié du 20ème siècle, de la « Société belge de Porcelaine » (des pièces d’une collection privée étant exposées).
Concernant les deux bâtiments, propriétés du « Prince-Evêque de Liège », jusqu’au 14ème siècle, signalons que, classés, respectivement, en 1943 et en 1981, la tour (13ème-14ème siècles) et le corps des logis (vers 1535) furent restaurés sous la direction de la « Fondation Roi Baudouin », la Ville de Namur lui ayant cédé la propriété du lieu, en 1995, celui-ci étant mis partiellement à la disposition du « Syndicat d’Initiative de Jambes » et de son « Centre d’Archéologie, d’Art et d’Histoire », qui y organisent régulièrement d’intéressantes expositions aux thèmes les plus variés, des trains électriques à la bande dessinée, de la phaléristique (décorations et médailles) à la « Grande Guerre », en passant par des collections archéologiques ou de l’art contemporain.
En ce qui concerne la présente exposition, chacun peut acquérir une oeuvre de Dimitri Pichelle, les prix variant entre 250€, pour ses petits « coeurs », et 3.500€ pour certaines de ses sculptures.
Ouverture du mardi au vendredi, de 13h30 à 17h30, ainsi que le samedi et le dimanche, de 14h à 18h. Entréegratuite. Site: www.anhaive.be.
Yves Calbert (avec extraits de textes de Serge Bonhomme, « L’Avenir », « Télévesdre ») / Photos, sauf deux indications contraires: (c) Richard Frippiat.