Tonnerre de Brest, au Musée Hergé
Prolongation de "Tonnerre de Brest", au "Musée Hergé", jusqu'au 06 Juillet
"Tonnerre de Brest", une excellente nouvelle, l'exposition du même nom est prolongée, au "Musée Hergé" (qui vient de recevoir son 5ème "Soleil", un label de qualité décerné par le "Commissariat Général au Tourisme de la Région Wallonne), à Louvain-la-Neuve, jusqu'au mercredi 06 juillet, à 18h., sans oublier que ce dimanche 03 juillet, l'entrée est gratuite, comme chaque 1er dimanche du mois.
Nous y découvrons 2 autres visages d' "Hergé" (Georges Remy/1907-1983), l'un de l'artiste peintre et l'autre du collectionneur d'art moderne, ... mais pas seulement.
De fait, en entrant au sein de l'exposition temporaire "Tonnerre de Brest", face à l'accueillant restaurant-brasserie "Le Petit-Vingtième" (lunch 2 services, en semaine: 16€50), nous découvrons, à main gauche, 3 masques africains, dont le dessinateur s'inspira pour réaliser plusieurs cases de "Tintin au Congo", comme en témoignent les pages correspondantes de cet album, présentées aux côtés de chacun des masques.
... Mais de l'art primitif et du mythique 2ème album des "Aventures de Tintin", passons à l'art moderne et au dernier album achevé, publié en couleurs, avec, sous une vitre, une petite sculpture de sa collection, qu' "Hergé" transforma en un tout grand monument décorant une case de "Tintin et les Picaros", celle-ci se retrouvant aux côtés la dite sculpture.
Quant à l'ultime album, le 24ème, resté inachevé (3 planches crayonnées, 42 esquissées) et exclusivement publié en noir-et-blanc (incluant le scénario et la reproduction de quelques croquis et notes manuscrites), à titre posthume (1986), "Tintin et l'Alph Art", il est particulièrement mis en valeur sur tout un mur, du côté de la façade extérieure du Musée, nombre de pages originales, la plupart exposées en Belgique pour la 1ère fois, y étant présentées. A les admirer, nous ne pouvons qu'admirer la finesse des traits, rendant un bel hommage à la "ligne claire" et à son principal représentant, le père de "Tintin", constatant à quel point "Hergé" nous promettait une aventure particulière de son héros, dont les horizons, narratifs et graphiques, étaient plus que prometteurs, et ce en relation avec ce monde de l'art contemporain, de l'avant-garde, qu'il appréciait tant.
... Un monde que l'on découvre tout au long de cette exposition que tout "tintinophile" et, plus largement, que tout amateur de bandes dessinées, voire même d'art moderne, se doit de visiter, ne fusse que pour découvrir 9 toiles abstraites que Georges Remy réalisa, avec une vingtaine d'autres, en 1963 et 1964, sous la conduite du peintre bruxellois Louis Van Lint (1909-1986), 1er artiste belge de sa génération à explorer une abstraction de caractère lyrique, 2 de ses peintures étant exposées aux côtés de celles de son brillant élève, « Hergé ».
Sur le travail abstrait de ce dernier, le critique d’art Pierre Sterckx (1936-2015) a écrit: « Ce sont vraiment des tableaux où il n’y a pas de fautes. Ils fonctionnent admirablement au niveau du dessin, de la lumière, de la couleur, de la composition. Ce sont de très beaux tableaux abstraits, tous sous l'influence de Miro, Devan, Poliakoff, Klee ou Van Lint. Il faisait ses classes. Eut-il été persévérant et entêté, peut-être que 10 ans plus tard, comme tous les peintres, il serait sorti de sa chrysalide. Mais il a arrêté »… Dans un "Spécial Hergé" du magazine "A suivre" (Ed. "Casterman"), Pierre Sterckx écrivit encore: "L'expressionnisme a, très rapidement, déçu 'Hergé'. Il lui fallait quelque chose de plus médité. Tout ce qui fait la part belle aux défoulements gestuels lui fait horreur"!
A l’intérieur de la petite salle cubique, interne à l'exposition, nous lisons sa lettre (1971) à Numa Sadoul (°1947): "La BD est mon unique moyen d'expression. Qui y a-t-il d'autre à ma disposition? La peinture? Il faut y consacrer sa vie. Et comme je n'ai qu'une vie (et déjà largement entamée), je dois choisir la peinture ou 'Tintin', pas les deux! Je ne peux pas être peintre du dimanche ou du samedi après-midi, c'est impossible".
En ce même lieu, nous découvrons, outre une quinzaine de photos de sa rencontre, en 1972, avec Andy Warhol (1928-1987) – l’un des principaux représentants du « pop art », qui réalisa une superbe série de 4 portraits d’ « Hergé » (3 d’entre eux étant visibles au sein de la collection permanente du Musée), comme il le fit avec Jackie Kennedy, Marylin Monroe, Liz Taylor et Mao Tsé-toung -, l’original d’une lettre qu’il expédia à Sanghaï à son ami chinois Tchang Tchong -Jen (1907-1998), lui confiant: « Je viens de faire l’acquisition d’un mobile d’Alexandre Calder (1898-1976, ndlr)… Cela s’accroche au plafond et cela évolue au moindre courant d’air. C’est d’une grâce, d’une légèreté, d’une poésie extraordinaire. Il mesure 1m60 », … un module que nous découvrons, suspendu dans la salle principale, à quelques mètres de la tête d’ « Hergé », sculptée, en 1981, par Tchang Tchong-Jen.
Notons que cette correspondance avec son ami chinois "semble conférer à 'Hergé' une nouvelle jeunesse. Il a retrouvé le feu sacré de l'époque du 'Petit Vingtième' et des 1ers 'Tintin', quand une aventure en amenait automatiquement une autre, sans temps mort pour la publication" (in "Goddin-Hergé" N° 7).
Mais qui est donc l'auteur de l'expression, aujourd'hui de notoriété mondiale « Tonnerre de Brest », reprise si souvent par le "Capitaine Haddock"? C'est en posant une question à « Hergé »: « 'Tonnerre de Brest', t'ai-je raconté la scène à laquelle j'ai assisté ... », que Marcel Stal, responsable de la « Galerie Carrefour » (qui jouxtait les « Studios Hergé », situés Avenue Louise), créa cette expression, alors qu'« Hergé » consommait, comme chaque midi, son cocktail favori, un "French" (2/3 "Noilly Prat" et 1/3 gin, inventé, en Inde, par un officier de l'armée britannique), dans cette Galerie d’Art, tout en s’initiant à la peinture abstraite, au contact de collectionneurs, artistes et autres critiques d’art.
A ce sujet, Fany Rodwell, écrit: "Il interrogeait, écoutait et comparait. C'est ainsi qu'il s'est progressivement initié aux mouvements d'avant-garde et qu'il est entré en contact personnel avec de nombreux artistes... Il ne pouvait vivre sans être entouré d'objets et d'images de qualité. En ce domaine, aussi, il avait pour critère primordial la clarté, une certaine évidence linéaire qui correspondait bien à sa propre vision".
Dépassant le cadre d'une simple exposition sur "Hergé", "Tonnerre de Brest", telle une Galerie d'Art, "Tonnerre de Brest" nous permet de découvrir des oeuvres originales, peintures et sculptures de sa collection privée, signées Pierre Alechinsky, Miguel Ortiz Berrocal, Jean Dubuffet, Paul Klee, Roy Fox Lichtenstein, Joan Miro, Manuel Hernández Mompó, Serge Poliakoff, Frank Stella, Tonning Rasmussen, Jean-Pierre Raynaud, ce dernier ayant placé une planche originale, en noir et blanc, sans texte, de 'L'Affaire Tournesol', au sein de son oeuvre 'Container Zéro', faisant entrer la BD à 'Beaubourg'-Paris, le 9è art accédant, ainsi, en 1988, à la reconnaissance des Institutions françaises.
Bien avant, "Hergé" avait acheté plusieurs oeuvres à Jean-Pierre Raynaud, dont une série de panneaux de "sens interdits", exposés à Louvain-la-Neuve, devenus oeuvres d'art par la variation de couleurs utilisées. "L'extrême économie de moyens dont Raynaud fait preuve, qui vise à susciter l'émotion du spectateur, correspond assez bien à celle que le créateur de 'Tintin' utilise dans sa recherche d'une ligne épurée, directement lisible. Il n'est donc pas étonnant que, d'emblée, les 2 hommes se comprennent et s'apprécient. Le dessinateur sage se délecte de la manière dont Raynaud côtoie et, souvent, transgresse l'interdit" (in "Goddin-Hergé").
Ayant évoqué Paris, et cette reconnaissance officielle de la BD, signalons enfin que le "Grand Palais", nous attend entre le 28 septembre 2016 et le 15 janvier 2017, pour la plus grande exposition jamais organisée sur le "Maître de la Ligne claire", simplement intitulée "Hergé"!
... En attendant ce grand moment, revenons à Louvain-la-Neuve, au "Musée Hergé" - qui fête ses 7 ans d'existence, l'âge requis pour lire "Tintin" -, pour une exposition qui, elle aussi, vaut le détour, jusqu'au mercredi 06 juillet. Musée et exposition temporaire ouverts de 10h.30 à 17h.30, du mardi au vendredi inclus, et de 10h.30 à 18h., les samedis et dimanches. Prix d'entrée unique pour l'exposition temporaire: 2€. Prix combinant Musée et exposition, audio-guide en 5 langues inclus: 9€50 (étudiants, membres d'une famille nombreuse et seniors: 7€ / enfants de 7 à 14 ans et étudiants locaux: 5€ / "Article 27": 1€25) / enfants jusqu'à 6 ans inclus et, pour tous, le 1er dimanche du mois: 0€). En outre, le Musée organise des visites guidées pour des groupes de malentendants (langue des signes française de Belgique), d'une part, et déficients visuels,d'autre part: 75€ par guide, sur base de groupes de 10 à 25 personnes (via une réservation téléphonique préalable, au N° 010/48.84.21). Site: www.museeherge.com.
A noter que tous les mardis, jeudis et samedis, à 14h., une navette de "Brussel City Tour" relie le centre de Bruxelles (point de départ: rue du Marché aux Herbes, 82) au "Musée Hergé", par ailleurs situé à 400 m de la garde ferroviaire, desservie plusieurs fois par heure, au départ de la gare "SNCB" d'Ottignies, le parcours de Bruxelles-Luxembourg à Louvain-la-Neuve Université, incluant un changement de train à Ottignies, prenant 34'.
Deux dates à retenir: une journée famille autour de l'ancien "Journal Tintin", avec l'organisation d'un "Quiz" familial, le samedi 24 septembre (prix unique d'entrée: 5€), et une journée "Halloween", le samedi 29 octobre.
© Yves Calbert.