Le télescope Einstein : un « CERN » en Eurégio ? A Plombières ?
Le futur télescope européen Einstein pourrait traverser le Pays de Herve, à 300 mètres de profondeur. Avec d’énormes retombées.
Le Pays de Herve pourrait accueillir, dans plusieurs années, un des trois points d’entrée d’un télescope souterrain destiné à étudier la fusion des trous noirs et donc l’Univers, depuis sa naissance (le «Big Bang»). En gestation depuis quelques années, le projet de ce télescope, qui constitue un investissement de 2 milliards d’euros, vient d’être officiellement déposé au niveau européen, par un consortium d’universités, entre autres toutes celles de Belgique et donc notamment celle de Liège, qui est à la pointe en la matière.
Il s’agit du projet Einstein Telescope, en référence au célèbre physicien auteur des théories de la relativité. La localisation de son implantation fait l’objet de deux candidatures, l’une en Sardaigne, l’autre dans l’Euregio Meuse-Rhin, une zone géographique à cheval sur les Pays-Bas, la Belgique et l’Allemagne. Il consiste à installer, à 300 mètres de profondeur, un télescope constitué, en schématisant, de trois tunnels de 10 km chacun, reliés sous forme d’un triangle, qui seraient parcourus par un faisceau laser et des miroirs aux performances et à la précision jusqu’à présent jamais atteintes. Comme il y aurait trois points d’entrée, avec chaque fois une station de mesure des ondes gravitationnelles présentes dans l’Univers, il y en aurait un dans chaque pays de l’Euregio. Celui en Belgique pourrait se situer dans le Limbourg (du côté des Fourons) ou dans le Pays de Herve, du côté de Plombières ou ses environs (Aubel, etc.).
Ce projet gigantesque au niveau de la recherche scientifique, avec des retombées qui ne le seraient pas moins au niveau économique, l’est aussi au niveau de l’investissement. Pas moins de «deux milliards d’euros», selon Christophe Collette, professeur à l’université de Liège, qui est en charge d’une partie du projet, pour lequel le Centre spatial de Liège (CSL) va d’ailleurs construire un prototype.
Le choix de la localisation par l’Union européenne, entre la Sardaigne et l’Euregio Meuse-Rhin, devrait intervenir «dans les cinq prochaines années» et il faudra ensuite compter 10 ans pour construire le futur télescope Einstein. Mais l’ULiège n’attendra pas la décision finale pour déjà sonder la géologie de différents lieux dans le Pays de Herve, afin de peaufiner l’étude du projet.
Retombées technologiques et économiques
Trois autres sites sont en lice en Espagne, en Hongrie et en Sardaigne. Implanté dans un de ces sites ou dans l’Euregio Meuse-Rhin ( et donc en partie dans notre région ), le futur télescope servira à détecter les ondes gravitationnelles et donc les déformations de l’espace.
Il s’agit d’informations extrêmement précieuses sur la nature de ces objets qui se trouvent dans l’Univers, en particulier quand des objets très lourds comme des trous noirs s’approchent l’un de l’autre et fusionnent entre eux, explique le professeur Christophe Collette, chercheur au sein de l’Unité de recherche aérospatiale et mécanique de la Faculté des sciences appliquées de l’université de Liège. Jusqu’en 2015, on n’avait pas su observer ces ondes et donc ces déformations de l’espace. Les télescopes classiques récoltent les ondes électromagnétiques. Or les trous noirs sont une catégorie particulière puisque, comme leur nom l’indique, même la lumière ne s’en échappe pas. Comme elles n’émettent rien du tout, on ne savait pas les mesurer, ce qui sera possible avec la mesure des ondes gravitationnelles (des mouvements infimes). Cette nouvelle technologie du télescope Einstein sera une version super-sophistiquée des télescopes actuels, avec au moins 1 000 fois plus de détections. Cela permettra d’explorer et de comprendre l’Univers, depuis sa création et aussi son évolution, de remonter le temps, de comprendre l’origine et l’évolution de l’Univers depuis des milliards d’années».
Les retombées de la construction puis de l’exploitation d’un tel outil de recherche sont énormes, de «la même envergure que celles du tunnel du CERN, en Suisse, qui guide d’innombrables développements technologiques depuis des dizaines d’années. Rien que la construction de cette infrastructure jamais réalisée impliquera des disciplines de directions diverses (géologie, instrumentations avec des lasers ultra-puissants) et amènera des développements technologiques qui seront de véritables défis et qui pourront ensuite être transposés dans des domaines tout aussi diversifiés, comme l’imagerie médicale par exemple».
C’est tout le développement économique d’une région qui pourrait profiter des retombées d’un tel outil, qui «attirerait des chercheurs, bénéficierait au milieu académique et aux entreprises avec un saut technologique et ce label de qualité, et même jusqu’à l’horeca.».
( Franck DESTREBECQ - L'Avenir )
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Le télescope Einstein : un « CERN » en Eurégio ?
Le projet de télescope européen baptisé “Einstein” ambitionne de détecter les ondes gravitationnelles pour observer l’univers…et tenter de comprendre le fameux “Big bang”.
Ce futur télescope constitue la troisième génération des interféromètres terrestres permettant de détecter directement les ondes gravitationnelles en plus grandes quantités que les ondes actuellement observées avec les quatre interféromètres terrestres de deuxième génération (deux Advanced LIGO aux USA, un Advanced VIRGO en Italie et GEO-HF en Allemagne).
Dès 1916, en partant de sa théorie de la relativité générale, Albert Einstein avait prédit l’existence de ces ondes gravitationnelles, produites par la coalescence (tendance naturelle de substances identiques à se réunir) de trous noirs situés à 1,3 milliard d’années-lumière. Une intuition confirmée en 2015 lorsque les chercheurs du LIGO détectèrent pour la première fois ces ondes gravitationnelles. Les résultats, publiés en 2016 dans la revue Physical Review Letters, ont valu le Prix Nobel de Physique à Kip Thorne, Rainer Weiss et Barry Barish. Pour certains il s’agit, ni plus ni moins de la preuve de l’existence de ces fameux “trous noirs”.
L’Europe a maintenant l’ambition de construire un site de recherches souterrain, équivalent en quelque sorte du Centre européen de physique des particules (CERN) de Genève. Le télescope Einstein est un projet d’infrastructure d’envergure (sa construction est évaluée à plus d’un milliard d’euros). Il s’agit de construire, à 200 m sous terre, trois tunnels formant un triangle de 10 km de côté. Six tubes à vide seront installés dans ces tunnels, où circuleront des faisceaux lasers. Des miroirs de très haute précision et un système d’amortissement des vibrations complèteront le dispositif nourri par l’utilisation de techniques quantiques de pointe.
Le sud-Limbourg néerlandais, dans la région des Trois Frontières, offre un site d’implantation idéal pour le futur télescope Einstein.
S’il s’inscrit dans la lignée des interféromètres terrestres américain, italien et allemand déjà opérationnels, le télescope Einstein permettra cependant de faire un saut technologique : il pourra sonder un volume mille fois plus important et offrira la possibilité de détecter un million d’ondes gravitationnelles par an. Il est clair que cette infrastructure ouvrira un nouveau domaine scientifique passionnant et stimulera l’innovation technique et industrielle dans la région d’implantation, avec une répercussion très positive sur l’emploi.
A l’heure actuelle, l’Institut Nikhef d’Amsterdam et l’Institut Albert Einstein de Hanovre proposent un site au sous-sol particulièrement stable, à la frontière germano-hollando-belge (entre Maastricht, Aix-la-Chapelle et Liège) pour établir cette gigantesque infrastructure de pointe.*
L’Université de Liège soutient également cette candidature qui devra être déposée en 2019, le choix final intervenant en 2020. Les rencontres organisées ces 30 et 31 janvier 2018 à l’Université de Liège visent précisément à sensibiliser le monde scientifique et industriel, et à élargir l’éventail des partenaires.
* Trois autres sites sont en lice en Espagne, en Hongrie et en Sardaigne.
Pr Christophe Collette ( Univ. Liège ) 30 janvier 2018