"Les Mondes de Paul Delvaux", à "La Boverie", à Liège, jusqu'au 16 Mars

« Je crois que notre démarche est très voisine. Je peins toujours le même sujet et sa peinture est surréaliste, d’une certaine manière, comme la mienne » (Andy Warhol/1928-1987).
A Liège, dans le cadre du 100è anniversaire du surréalisme, en 2024, « La Boverie » accueille, jusqu’au dimanche 16 mars 2025, l’exposition « Les Mondes de Paul Delvaux ».
Suivant une approche inédite, cette rétrospective à trois parcours – thématique, dialogique et multimédia – permet d’embrasser l’ensemble de l’œuvre du peintre belge Paul Delvaux (1897-1999) et de comprendre la place qu’il occupe dans le surréalisme et, plus largement, dans l’histoire de l’art.
A peine entrés dans l’exposition que nous découvrons une petite oeuvre intitulée « Jeune-Fille à la Fenêtre » (1920) , première peinture à l’huile recensée de l’artiste, ici, sur bois de chêne.
Quelques mètres plus loin, 4 portraits colorés de Paul Delvaux, issus d’une série de dix sérigraphies, réalisées par Andy Warhol, le maître du Pop Art, qui rencontra l’artiste belge, en 1981, à Bruxelles.
En fin de parcours, après une série de tableaux, présentée au sein d’une section intitulée « Un Soir, un Train », nous confirmant tout l’intérêt que Paul Delvaux portait aux chemins de fer – une vitrine nous présentant des maquettes de wagons, des lampes de cheminots, des isolateurs en porcelaine, …, que Paul Delvaux collectionnait dans son atelier de Watermael-Boitsfort, lui qui, enfant, aimait regarder passer les trams d’une fenêtre de la maison familiale – nous trouvons une ultime oeuvre exposée, toute en bleu et gris : « Calypso » (1986), la toute dernière peinture à l’huile créée par l’artiste, âgé de près de 90 ans, alors qu’il commençait à connaître des troubles de la vision.
Une des principales caractéristiques de cette très intéressante rétrospective est de présenter, côtes à côtes, des peintures de Paul Delvaux et celles d’autres peintres renommés, tels Giorgio De Chirico (1888-1978), Gustave
De Smet (1877-1943), James Ensor (1860-1949), René Magritte (1898-1967), Amedeo Modigliani (1884-1920), Constant Permeke (1886-1952), Pablo Picasso (1881-1973) ou encore Félicien Rops (1833-1898), notre attention étant, ainsi, attirée par les parentés ou les divergences entre le travail de Paul Delvaux et ceux de ses collègues.
Découvrant, à la « Foire du Midi », la baraque foraine « Musée Spitzer » – une attraction, populaire à cette époque, dévoilant des curiosités médicales – Paul Delvaux y trouve son inspiration pour différentes études à l’encre de chine et son huile sur toile, « La Venus endormie » (1944), qui, à « La Boverie », bénéficie d’une mise en scène originale, la société forestoise « Tempora » nous présentant un mannequin en cire d’une femme allongée, nous rappelant ce que l’artiste avait pu voir au sein du « Musée Spitzer ».
Ayant signé, entre autres, les scénographies, à « Brussels-Expo », en 2022, d’ « Antoine de Saint Exupéry. Le Petit Prince parmi les Hommes » et, en 2023, « Johnny Hallyday. L’Exposition », ou à « La Boverie », déjà, en 2021, « Andy Warhol – The American Dream Factory », « Tempora » nous présente également, ici, à Liège, une reconstitution de l’atelier de Paul Delvaux, à Watermael-Boitsfort.
Notons la présence, dans « La Venus endormie », d’un squelette, Paul Delvaux donnant vie, comme le fit James Ensor, à des squelettes, dans de nombreuses peintures, comme s’il s’agissait d’êtres en chair, lui qui avait été fasciné, dans la classe de biologie de son école primaire, par un squelette qui y était exposé, le squelette qu’il possédait, dans son atelier de Watermael-Boitsfort nous étant, aussi, présenté à « La Boverie ».
Autres originalités de la scénographie, la présence de nombreux portraits muraux, de grands formats, du peintre ; la reconstitution de son atelier de Watermael-Boitsfort ; la présence de banquettes en bois d’anciens trains, qui nous permettent de prendre mieux le temps d’admirer les oeuvres exposées ; sans oublier, celle de son képi noir et rouge, avec liseré doré, de chef de gare honoraire de la gare de Louvain-la-Neuve, qui lui fut remis, photo à l’appui, par le ministre belge des Transports, Herman De Croo (°Opbrakel/1937).
Sous une ligne du temps détaillée, deux visionneuses 3D, dont l’une adaptée pour les plus petits, nous permettent de nous rendre compte de tout le relief qui se dégage de certaines créations de Paul Delvaux. Aussi, nous pouvons regarder un clip vidéo d’une chanson de Serge Gainsbourg (1928-1991), lui-même, habillé en noir, et Jane Birkin, en mini-robe blanche, se promenant parmi des reproductions de tableaux de Paul Delvaux.
Grâce à un second petit écran, nous découvrons un bref extrait du court métrage documentaire « Le Monde de Paul Delvaux » (Belgique/1944/ noir et blanc/11′), réalisé par le cinéaste belge Henri Storck (1907-1999). A l’époque, un journaliste-critique de cinéma écrivit : « Comble d’audace, le film est en noir et blanc et cette perte de la couleur, qui devrait être la mort du tableau, lui donne une dimension à côté, secrète, celle d’une lecture où le sens est aussi important que le pictural. »
Si la bande son de ce film nous permet d’écouter un poème de Paul Eluard (Eugène Grindel/1895-1952), notons que la présente exposition nous dévoile un dessin de Paul Delvaux, illustrant un poème de Paul Eluard, plusieurs pages d’un portfolio avec dessins et poèmes nous étant présentés dans une vitrine.
Passionné par l’ « Iliade et l’Odyssée », d’ Homère (vers 800-vers 740 avant notre ère), ayant étudié en section gréco-latine, les temples grecs et romains l’avaient impressionné, d’où leur présence dans nombre de ses oeuvres. S’il voyagea peu, il se rendit à Rome et Florence, en 1938. En 1956, il prit le bateau, depuis Venise, pour se rendre à Athènes et entreprendre un long périple, au départ du Pirée. Ayant conservé de ces voyages des souvenirs mémorables, imprégné des tableaux de Giorgio De Chirico, il réalisa des séries de croquis des sites visités. Ainsi, tout au long de sa carrière, légendes grecques et romaines ne cessèrent d’être des sources d’inspiration pour Paul Delvaux.
Bien sûr, impossible d’écrire sur le travail de cet artiste sans évoquer son admiration pour la beauté féminine, une inspiration qui lui vint de ses contacts avec Amedeo Modigliani, qui l’aida à assumer pleinement la nudité.
A noter que certaines de ses peintures firent scandale, à l’époque de leur création, telle « La Visite », en 1939, cette oeuvre ayant dû être retirée d’un Salon, à Oostende. A nouveau présentée dans ce Salon, elle n’était plus accessible qu’aux visiteurs âgés d’au moins 21 ans, alors qu’à l’opposé de certaines oeuvres de Félicien Rops, la nudité – des hommes, également – nous est présentée, par Paul Delvaux, sans la moindre provocation.
Outre le train et la femme, qui habitent, avec constance, l’œuvre de Paul Delvaux, d’autres personnages récurrents peuplent son univers dont certains savants, qui l’impressionnèrent durant sa jeunesse. Avide d’évasion, il se plongea dans la lecture des aventures de Jules Verne (1828-1905), dont des éditions d’époque de plusieurs ouvrages, illustrés de dessins d’Édouard Riou (1833-1900), dont il s’inspira, ces livres provenant d’une collection privée, nous étant présentés au sein d’une vitrine.
De ses lectures, Paul Delvaux retint deux scientifiques : le géologue Otto Lidenbrock, personnage principal de « Voyage au Centre de la Terre » (1864) et le professeur Palmyrin Rosette, un physicien présent dans « Hector Servadac » (1877). Evoluant dans la galaxie de Paul Delvaux, ils furent réunis dans « Hommage à Jules Verne ».
Ouverture : jusqu’au dimanche 16 mars, du mardi au dimanche, de 10h à 18h. Prix d’entrée : 20€, de 26 à 64 ans (18€, dès 65 ans / 16€, pour les enseignants / 12€, de 6 à 25 ans & personnes porteuses d’un handicap / 10€, pour tous, les mercredis / 8€, par membre d’un groupe scolaire / 1€25, pour les « Art. 27 » / 0€, pour les moins de 6 ans & une personne accompagnant une personne porteuse d’un handicap / 54€, pour 2 personnes dès 26 ans & de 2 de 6 à 25 ans). Catalogue : en vente dans la boutique du musée. Contacts : info@expo-pauldelvaux.com & 0488/35.50.77. Site web : https://expo-pauldelvaux.com/.
Géré par la « Fondation Paul Delvaux », fondée en 1972, le « Musée Paul Delvaux » – ouvert en 1982, du vivant de Paul Delvaux – est à découvrir, à Saint-Idesbald/Coxyde. Site web : https://www.delvauxmuseum.be/.
Yves Calbert.