"Le Chat est parmi nous" (Philippe Geluck / "Casterman") et Présentation de son Auteur
« Il vaut mieux être un confiné, plutôt qu’un con », dit « Le Chat », ce sympathique personnage créé par Philippe Geluck, au sein de son 23è tome, « Le Chat est parmi nous » (Ed. « Casterman »/14 octobre 2020/cartonné/48 p./22,6 x 30,5 cm/ 11€95).
Sans confinement, cet album n’aurait pas vu le jour. Confiné dès la mi-mars, son exposition à Paris étant reportée d’un an, Philippe Geluck décida de maintenir le contact avec ses lecteurs en concoctant de nouveaux gags de son « Chat », créant des dessins, parfois politiquement incorrect, en vue de signer ce 23è album de son célèbre personnage. Au moins, pour son éditeur et pour les aficionados du « Chat », ce maudit virus aura eu un avantage.
Chaque week-end d’avril, France 2″ invitait un artiste pour qu’il évoque son quotidien confiné. Ainsi, le dimanche 26, Philippe Geluck (°Bruxelles/1954) déclarait, avec ironie :« Vous savez, les chats se sentent bien à l’intérieur, quant à moi, je n’ai pas vu de changement parce que je me rends compte que cela fait 40 ans que je suis confiné dans mon atelier. »
De son côté, Daniel Couvreur, pour « Le Soir », nous rapporte ce que Philippe Geluck lui avait éclaré : « Je ne suis ni en vacances ni à la retraite. Je continue à travailler sans plus être dans l’urgence absolue du chaudronnier ! J’en profite pour chercher un nouvel équilibre. Je fais enfin de la gymnastique le matin. Je dessine. J’écris. Je peins. Je tente de remettre en cause le rythme de dingue que je m’impose d’ordinaire… Au moment où le virus a débarqué, je me suis un peu senti dans la peau de l’athlète privé de Jeux Olympiques. J’œuvrais depuis un an et demi avec 60 personnes en vue de l’exposition des vingt bronzes du ‘Chat’ sur les Champs-Elysées de Paris et voilà que tout était brutalement annulé ! Mais rien de tout cela n’est grave. Il faut que la tempête de l’épidémie se calme dans nos têtes. J’entends un peu partout des initiatives merveilleuses de solidarité. Je vois des gens applaudir et chanter à leurs balcons. On est peut-être en train de retrouver le sens vertueux du vivre ensemble… L’humanité aura-t-elle la sagesse de profiter de cette pandémie pour repenser son avenir pour le bien de tous et surtout des plus faibles ? Quand l’autobus est en panne, tout le monde doit descendre pour le pousser ! »
A l’occasion de l’exposition « Le Chat déambule », à Paris, notre collègue Daniel Couvreur écrivait : « Auteur de bande dessinée, peintre, sculpteur, acteur, humoriste, Philippe Geluck menait quatre vies de concert jusqu’à ce que le temps du corona virus l’immobilise. Comme figé dans le bronze, il se retrouve seul avec ‘Le Chat’, dans un atelier vidé de sa famille de collaborateurs. Il devait poser vingt statues de l’animal (créées en situations humoristiques, hautes de 2 m à 2,70 m/ndlr), sur les Champs-Elysées de Paris, le jeudi 9 avril. L’événement est reporté à une date moins contagieuse. Entre-temps, le maître du ‘Chat’ médite, comme tous les Belges, sur les plaisirs simples de se retrouver chez soi. »
« Quel bonheur et quel honneur pour un artiste d’être exposé dans un espace public aussi prestigieux que les Champs-Élysées... À travers ces 20 pièces, j’espère apporter au public de la joie, du rire et une certaine poésie surréaliste que nous affectionnons tant en Belgique », déclara l’artiste, qui s’adonne à la sculpture depuis 1987, cette exposition devant, ensuite, faire escale à Bordeaux, Caen, Mulhouse, Marseille, Luxembourg, avec une dernière présentation dans le Parc Royal, à Bruxelles, à l’occasion de l’ouverture du « Chat Cartoon Museum ».
Après ses études artistiques à l’ « INSAS », entammées en 1972, Philippe Geluck, en 1974, monte sur les planches du « Théâtre national de Belgique ». Il y interprète, à 100 repries, « Werther 75 », d’Ulrich Plenzdorf. Viendront ensuite, « Roméo et Juliette », de William Shakespeare ; « L’Opéra de quat’Sous », de Berthold Brecht et Kurt Waill ; ou encore « Faust », de Johann Wolfgang von Goethe. En deux ans, son éphémère troupe du « Théâtre Hypocrite » présente trois pièces, certaines étant jouées à Paris et Lausanne. En 1982, il interprête, seul en scène, « Un certain Plume », d’Henri Michaux.
L’année suivante, en 1983, on le retrouve au cinéma, aux côtés de Fanny Ardand, dans un film d’André Delvaux, « Benvenuta » (Bel.-Fra.-Ita/105′). Il faut dire que, durant son enfance, son père étant distributeur de films d’Europe de l’Est, il eut l’occasion de côtoyer, à la maison, Milos Forman, Roman Polanski, Andreï Tarkovski et autres réalisateurs talentueux.
Au « Magic Land Theatre », en 2010, il crée son second seul en scène : « Je vais le dire à ma Mère ». Entretemps, en 1977, à la « RTBF », il anime « 1, 2, 3, j’ai vu », puis dès 1978, « Lollipop », avec la marionnette « Malvira », avant de créer le « Docteur G », en 1987, qui sera publié en albums, par les Ed.« Casterman », dès 1990. Entre 1987 et 1999, il devient le partenaire de Jacques Mercier, dans « Le Jeu des Dictionnaires », puis dans « Monsieur Dictionnaire », dans les années 2010. 1991 Son émission « Un peu de tout » bat des records d’audience, remportant, en 1991, le « Prix de l’Emission la plus drôle », à la « Rose d’Or de Montreux ». Plus tard, sur « France 2 », il est l’un des chroniqueurs de « Vivement Dimanche », sur le divan de Michel Drucker, épaulant Laurent Ruquier, de 2000 à 2007, dans « On a tout essayé », qu’il rejoint, en radio, sur« Europe 1 », dans « On va s’gêner ».
Quant à ses débuts dans le dessin, il n’avait que 14 ans lorsqu’il publie ses premières illustrations dans « Azimut », une brochure de la « Régie Renault ». En 1971, Bob De Groot, rédacteur en chef d’un mensuel destiné au corps médical,« L’Oeuf », publie ses dessins humoristiques. En 1980, il illustre le carton de remerciements, suite à son mariage avec Dany , qu’il avait rencontré sur le tournage d’un court-métrage intitulé « Le Coq mouillé » : « J’ai dessiné une Madame Chat tout sourire, et à l’intérieur, on voyait Monsieur Chat qui était monté dessus, ce qui n’a pas plus à deux vielles tantes, à l’époque ! C’est comme ça que tout a commencé ! Plus tard quand ‘Le Soir’ m’a demandé d’inventer un personnage, je me suis souvenu du carton. La bestiole est devenue mon interprète, comme un acteur pour qui j’écris des sketches ! En fait, c’est un autre moi-même. À travers lui, je me libère. Je joue parfois avec le feu, mais c’est le rôle de l’humoriste ! ». Le mardi 22 mars 1983, dans « Le Soir », « Le Chat » venait de naître !
Pour l’anecdote, Philippe Geluck signale que « Le Chat » a été dessiné, pour la 1ère fois, le 03 mars 1983, vers 22h30, au moment même où un maître absolu de la BD, « Hergé » (George Remi/°Etterbeek-1907) rendait son dernier souffle… Le père de « Tintin » nous quittait lorsque « Le Chat » naissait…
Le succès ne fut pas direct. Ainsi après ce 1er strip, Philippe Geluck reçut une 1ère lettre, anonyme, qui disait, évoquant « Le Chat » : « Votre ours ne me fait pas rire ». En 1985, pour le magazine « A suivre », « Le Chat » prend des couleurs, alors qu’en 1986, son 1er album est publié aux Ed. « Casterman ». Le 23 mars 2003, pour le 20è anniversaire du « Chat », « Le Soir » publie son quotidien sans une seule photo, mais avec 80 dessins de Philippe Geluck. En 2008, « Le Chat » a 25 ans et « Télérama » lui dédie un « Hors Série » de 100 pages. Vient 2013, les 30 ans du « Chat » et sa décision, le vendredi 22 Mars, d’abandonner ses publications dans « Le Soir », l’occasion d’un hommage dessiné, offert par 40 collègues , ce brillant auteur écrivant : « Après 1.560 semaines de publications assidues, je me dis que j’aimerais parfois prendre le temps de partir huit jours par-ci ou dix jours par là, que j’aimerais me consacrer à certains projets différents sans être astreint à cette échéance hebdomadaire de devoir remettre mes dessins au journal. »
« Je crois que ‘Le Chat’ tire son succès de ce qu’il est sympathique et gros, un bon gros. Ce côté nounours plaît aux enfants, même si ce n’est pas à eux que je m’adresse. Il est aussi insolent et ne ménage parfois pas le lecteur. Il a tendance à exprimer ce que les gens n’arrivent pas toujours à formuler. Il est gros et lourd, mais aussi drôle et léger. J’aime cet oxymore du gros léger », déclara Philippe Geluck.
Aujourd’hui, « Le Chat » est de retour dans la presse belge, étant aussi présent dans ses médias allemands, américains, espagnols, français, italiens, iraniens, néerlandais, portugais et suisses, ses albums étant également édités en anglais et néerlandais, ainsi que dans les dialectes breton, bruxellois et ch’ti… Notons enfin, des timbres-poste « Le Chat », édités en France et en Belgique ; une façade peinte à l’effigie du « Chat », à Bruxelles ; ainsi que la production, en 2011, de « La Minute du Chat », des séquences animées de 48″, diffusées avant le « J.T. » de la « RTBF » et de « France 2 ».
Mais revenons au présent album, « Le Chat est parmi nous », édité par « Casterman », avec ce qu’il déclara au micro de Mathieu Charrier, pour « Europe 1 », alors qu’il dessinait, seul dans son atelier, durant le confinement du printemps :« L’humanité aura-t-elle la sagesse de profiter de cette pandémie pour repenser son avenir pour le bien de tous et surtout des plus faibles ?…« J’ai besoin de faire rire, d’apaiser ».
Ainsi, si le 1er dessin de ce tome 23, nous montre« Zorro », masqué depuis toujours, faisant ainsi référence à la crise sanitaire, l’auteur, voulant divertir, n'a pas souhaité consacrer tout cet album a évoquer ce que nous vivons depuis la mi-mars, nous confiant : « Je me suis dit qu’à un moment, tous les couillons que je connais allaient s’empresser de le faire. »
A nous de nous réjouir d’y découvrir « Le Chat » dans des thèmes des plus divers, plaisantant sur le naufrage du « Titanic » aussi bien que sur l’utilisation des vélos d’appartement…
Le présent du « Chat » se vit aussi en région Auvergne-Rhône-Alpes, dans le Cantal, à Rodez, un village de… 80 habitants, alors qu’il n’a jamais été peuplé de plus de 374 habitants. C’était en 1836. Aujourd’hui, l’on y trouve l’église Saint-Michel et le… « Musée Soulages », où « Le Chat » a pris ses quartiers, jusqu’au dimanche 9 mai 2021, ce lieu ayant été conçu, en 2005, grâce à un don exceptionnel de 250 oeuvres fait à la Communauté d’Agglomération du Grand Rodez, par l’artiste peintre, primé à Tokyo, Sao Paulo, ausi bien qu’en Europe, Pierre Soulages (°Rodez/1919), ayant été exposé, cette année, au Louvre, alors que ses oeuvres figurent dans les collections permanentes de la « Tate Modern », à Londres, du« MoMa », à New York et de la « National Gallery », à Washington.
Ainsi « Le Chat » ne se contentant plus de sa présence dans la presse ou en albums, est donc en bonne compagnie artistique dans ce Musée, lui qui est régulièrement présent, en peintures et en scultures, à la « BRAFA », sur le stand de la « Galerie Huberty & Breyne » (présente sur la Place du Châtelain, à Bruxelles, et avenue Matignon, à Paris), le prochain rendez-vous, sur le site de « Tour & Taxis », à Bruxelles, étant fixé du 23 au 30 janvier 2022, l’édition 2021 étant annulée.
En rapport avec l’art, notons que Philippe Geluck a dessiné et scénarisé l’album hors série « L’Art et le Chat » (Ed. « Casterman »/cartonné/80 p./22,6 x 30,4 cm/dossier de Sylvie Girardet/2016/14€95), présentant une trentaine d’interprétations du « Chat » d’oeuvres emblématiques de l’histoire de l’art (César Baldaccini/Gustave Courbet / Léonard de Vinci/Lucio Fontana/Yves Klein/Roy Lichtenstein/Piet Mondrian/Edvard Munch/ Jackson Pollock/…).
Aussi, « Le Chat » ne se contente plus de sa présence dans la presse ou en albums, sera donc en bonne compagnie artistique dans ce Musée, lui qui est régulièrement présent, en peintures et en scultures, à la « BRAFA », sur le stand de la « Galerie Huberty & Breyne », le prochain rendez-vous étant fixé du 23 au 30 janvier 2022, l’édition 2021 étant annulée.
Autre actualité, merchandising oblige, notons que 4 modèles de masques sanitaires, de qualité polyester, à l’effigie du chat on été créés, conçus au Portugal, par la firme belge« Kowi » (13 x 22 cm/25 lavages à 60°C/ 18€95). Comme chaque année« Casterman » édite un calendrier (souple/24 p./29 x 21 cm/10€) et un agenda (cartonné/128 p./18,5 x 22,7 cm/15€) illustrés par Phlippe Gelluck, afin que« Le Chat » soit présent à nos côtés, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, en espérant qu’après ce que nous venons de vivre, et ce n’est malheureusement pas terminé, que pourrons rejoindre ce que dit « Le Chat » en couverture :« Nous nous accordons une année bien sympathique »,… en 2021.
Pour le futur, suite à l’immense succès des expositions du« Chat », à Paris, puis à Bruxelles, dès 2008, Philippe Geluck a rêvé d’implanter, dans notre capitale fédérale, son « Chat Cartoon Museum ». Si la construction, tout en courbes et contre-courbes, de ce futur musée est confiée à l’architecte Pierre Hebbelinck, le lieu retenu pour réaliser ce beau projet, nous paraît tout indiqué, puisque, sis à la rue Royale, il voisinera les« Musées Royaux des Beaux-Arts » et le« Musée Magritte ». Sur plus de 3.000 m2, édifié tout en courbes et contre-courbes il sera divisé en trois parties : un espace dédié à la représentation historique des chats dans l’art ; un autre offert au dessin de presse et d’humour, ayant des chats pour thème ; et un troisième à la célèbre création féline chère à Philippe Geluck.
Quelques citations – © Philippe Geluck – du « Chat », dans différents albums :
– « Etre vieux, c’est être jeune depuis plus longtemps que les autres »
– « Je n’aime pas beaucoup qu’on partage mon opinion, j’ai l’impression de n’avoir plus qu’une demi opinion »
– « Dans ce mon égoïste, qui est le nôtre, on se demande parfois si on ne devrait pas se déguiser en miroir pour que les autres nous accordent un regard »
– « Ce que je n’aime pas dans la Joconde, c’est que la bonne femme empêche de voir le paysage derrière »
– « A ma droite un faucon avec un Nikon, à ma gauche un vrai con avec un canon » –
– « Il m’arrive de me parler à moi-même, pour être certain que quelqu’un m’écoute »
– « Depuis que je dessine en couleurs, je n’ai plus l’angoisse de la plage blanche »
– « Boire un café empêche de dormir, par contre dormir empêche de boire un café »
– « La cerise sur le gâteau passe un peu inaperçue lorsqu’elle est posée sur un gâteau aux cerises »
– « Si on y réfléchit bien, le Titanic a été plus longtemps un sous marin qu’un paquebot »
– « Si je devais me suicider un jour, je me pendrais à un noyer, ce serait mon dernier jeu de mots »
Fait « Officier des Arts et des Lettres », en 2017, recevant les insignes des mains de l’Ambassadrice de France en Belgique, Claude-France Arnould, il était, déjà,« Commandeur dans l’Ordre de la Couronne », en Belgique, en 2009, année durant laquelle il reçoit le « Globe de Cristal de la meilleure BD », pour « Une Vie de Chat », le 15è tome de cette série, édité par « Casterman », en 2008. En 2013, à Bruxelles, Le « Grand-Prix Saint-Michel » lui est décerné, alors qu’en 2017, à Louvain-la-Neuve, il est le lauréat du « Prix Diagonale spécial 10 Ans », alors qu’en 2006, il avait gagné le ciel, l’astéroïde 181627 ayant été baptisée « Philgeluck ». Plus près de nous, en 2008, à Hotton, dont il est devenu citoyen d’honneur, l’on inaugurait la Place du Chat, avant qu’une école primaire ne soit baptisée « Ecole Philippe Geluck », en 2009, à Herseaux, son nom étant repris dans le« Petit Larousse », depuis 2011.
En juin 2017, lors de sa réception à l’Ambassade de France, à Bruxelles, face à sa famille et autres invités, Philippe Geluck déclara : «J’ai l’impression d’être récompensé pour m’être follement amusé au cours de toutes ces années… Alors si on commence comme ça, sachez mes chers amis et mes chéris, qu’à mon tour je voudrais vous élever au plus haut rang de l’Ordre de l’amour et de l’amitié! Car ce que j’ai vécu avec vous tous en rigolade, en tendresse et en moments partagés mérite les plus hautes distinctions»… Qu’écrire de plus !
Et surtout, n’oublions pas que «priver les gens de Culture est une bombe à retardement» (Estelle Dumas).
Yves Calbert.