"Europalia" : "Géorgie - Une Histoire de Rencontres", au "Musée Art & Histoire", jusqu'au 18 février
Plus qu’une semaine pour découvrir, jusqu’au dimanche 18 février, dans le cadre d’ « Europalia Georgia », l’exposition « Géorgie – Une Histoire de Rencontres », nous présentant un patrimoine, depuis le néolithique, d’une richesse inouïe, au « Musée Art & Histoire », au « Cinquantenaire ».
« Grâce à sa position entre deux continents, la Géorgie constitue traditionnellement un pont entre l’Est et l’Ouest. Une histoire de rencontres reflète l’art, la culture et l’histoire exceptionnelles du pays, du néolithique jusqu’au XVIIIé siècle. C’est notamment au cours de de l’ ‘âge d’or’ de la Géorgie unifiée, entre le XIè et le XIIIè siècle, que le pays a connu un essor culturel et économique sans précédent » (livre-catalogue/4è page de couverture).
De nombreuses cultures se sont succédées dans le Caucase : Romains, Perses, Arabes, Mongols et Ottomans, qui tous laissèrent une trace de leur passage. Par ailleurs, le christianisme, dès le IVè siècle, nous présenta sa propre culture, plusieurs maquettes étant exposées, de même qu’une superbe porte d’église.
En autres, nous découvrons une magnifique plaque d’émail et de cuivre (XIIè siècle), dédiée à Rukn al-Dawla Dawud, la seule œuvre d’émail médiévale de la tradition byzantine à porter le nom d’un souverain musulman, célèbrant, aussi, l’ascension du roi macédonien Alexandre le Grand (356-323 avant notre ère).
A noter l’importance de la religion, force unificatrice, qui conduisit au développement du dialecte géorgien en une langue officielle distincte. Des exemples de son alphabet unique apparaissent dans des textes écrits dans des manuscrits et sur la pierre, ce qui nous est présenté au « Musée Art & Histoire ».
De même, nombre d’objets révèlent l’influence des différents empires, déjà cités, sur une Géorgie féodale, divisée en deux royaumes, Colchide & Ibérie, des médaillons, panneaux et objets divers nous présentent des symboles contradictoires de ces différents pouvoirs.
De tous temps, la Géorgie lutta, afin de pouvoir s’affirmer au milieu des importantes puissances qui l’entouraient. Elle y parviendra, à l’époque, rayonnant alors économiquement et culturellement, dans tout le Moyen-Orient, sous le règne de son emblématique Reine Tamar, qui régna de 1184 à 1213.
A souligner, la production du vin en Géorgie, depuis au moins 8.000 ans, lui qui, ayant dominé la vie sociale et économique, est largement présenté sur des objets usuels et de prestige. Comme le démontre une peinture de Niko Pirosmani (Nikolos Pirosmanachvili/1862-1918), le vin accompagne fort bien un art de la table ritualisé, à la cuisine raffinée, faisant partie, à part entière, du patrimoine géorgien.
Le travail du métal – or et bronze – occupe également une place cruciale dans le parcours. Dès l’âge du bronze, sur les terres géorgiennes, nous trouvions des pièces d’orfèvrerie, d’une délicatesse et d’une somptuosité inouïes, suggérant un niveau exceptionnel de technicité. C’est, d’ailleurs en Géorgie que le mythe de la « Toison d’Or » trouve ses racines, alors que la région était connue des Grecs , pour sa grande richesse en or.
Après les Grecs, qui y installèrent des comptoirs commerciaux, de nombreuses puissances se croiseront et s’affronteront sur ce petit territoire tant convoité du Caucase, contribuant, ainsi, au métissage si particulier de la culture, y ayant, parfois, semé la destruction.
Dès le XVIIè siècle, le monde arabe commence à remplacer la puissance iranienne, la survie de la Géorgie dépendant de sa capacité à conclure des accords avec ses voisins, fussent-ils en guerre. Ainsi, sur un triptyque en pierre, nous trouvons la représentation l’un des princes du pays en costume iranien, tandis que des symboles grecs apparaissent dans d’autres éléments.
Notons qu’anciennement, pour être acceptée sur le marché international, la monnaie géorgienne devait porter la langue du monde islamique. Aussi, nous trouvons des petites pièces de monnaie, avec, d’un côté, la représentation d’un roi géorgien chrétien du Moyen Âge, et, de l’autre, une écriture arabe, propre au monde musulman.
C’est cette capacité à assimiler les influences étrangères qui contribua à forger la créativité et les prouesses techniques de la culture géorgienne.
Aujourd’hui, alors que le pays se remet de l’invasion soviétique, en 1921, et de l’occupation continue de ses régions d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, la Géorgie est fière de son passé, de son ingéniosité et de son histoire singulière.
Soucieux de voir le présent rejoindre ce riche passé, les commissaires, Bernard Coulie et Nino Simonishvili, nous proposent, en fin d’exposition, de découvrir, sur un grand écran, un film documentaire expérimental, réalisé à la demande d’ « Europalia Georgia » : « Thousand Times they say » (Sakis Brönnimann & Ingel Vaikla/Géorgie/2023/ 29′).
Ce film nous emmène dans tout le pays, des rues de Tbilissi jusqu’au couvent de Shuamta, de l’ensemble monastique troglodytique, à Vardzia jusqu’au monastère d’Alaverdi, et des tours Svaneti jusqu’au village reculé d’Ushguli, nous permettant de pénétrer aussi bien dans des cathédrales majeures que dans des chapelles intimes, anciennes comme contemporaines, le tout, sans dialogue, mais accompagné de chants orthodoxes traditionnels, nous offrant une polyphonie visuelle contemporaine de la Géorgie, une authentique expérience sensorielle.
Dans cette même idée de nous ouvrir, également, à l’art contemporain, après avoir regardé le film de Sakis Brönnimann (°Zomergem/1992 ) & Ingel Vaikla (°Tallinn/1992), dirigeons-nous vers un espace annexe, afin de découvrir « Stranger in Paradise », qui nous propose les oeuvres d’Andro Wekua (°1977), né à Soukhoumi, une ancienne station balnéaire soviétique, laissée à l’abandon.
Formé à l’ « École internationale d’Art », à Soukhoumi (1991), à l’ « Institut Gogebashivili », à Tbislissi (1994) et à l’ « Ecole d’Arts visuels », à Bâle (1999), Andro Wekua a déjà exposé à Athènes, Grenoble, Haarlem, Kassel, Londres, Moscou, Rotterdam, Saint-Gall, Shanghaï, Turin, Zurich, Vienne, ainsi qu’à Forest, au « Centre d’Art contemporain Wiels ».
Quel choc se fut, pour lui – qui travaille à Berlin & à New York – de subir l’émigration, avant de grandir au sein d'une culture « pop » globalisée. A Bruxelles, il nous présente un élément architectural surmonté d’un néon, évoquant son lieu de naissance, sur les rives de la mer Noire ; une figure androgyne de conte de fées, flanquée d’un dauphin et de végétation marine, dans un style manga animé ; ainsi qu’un relief au sol, évoquant le reflet du soleil sur des vagues ondulantes ; ces trois installations explorant le caractère insaisissable de l’expérience migrante de sa famille, aussi bien que la nostalgie de cet artiste, qui, trop tôt orphelin de son père, est issu de la diaspora culturelle géorgienne.
Une Géorgie, sise au carrefour de l’Asie et de l’Europe, qui se trouve, à nouveau, à un moment critique de son histoire. Après avoir défendu, des siècles durant, ses intérêts face aux puissances mondiales successives, la nation du Caucase du Sud se tourne désormais résolument vers l’Occident, ayant même obtenu le statut de candidat à pouvoir rejoindre l’Union européenne.
Cette double exposition se doit d’être visitée, elle qui est la première grande expo organisée en dehors de la Géorgie, … depuis un siècle.
Ouverture : jusqu’au dimanche 18 février, du mardi au vendredi, de 09h30 à 17h, le samedi & le dimanche de 10h à 17h (dernière entrée à 16h). Prix d’entrée : 18€ (12€, dès 65 ans / 4€, pour les étudiants, dès 19 ans, pour toute personne porteuse d’un handicap et son accompagnateur.trice, pour les demandeurs d’emploi & pour les enseignants belges / 1€25, pour les « Art. 27 » / 0€, jusqu’à 18 ans inclus & sur présentation d’un museumpassmusée). Livre-Catalogue (« Une histoire de Rencontres. Patrimoine culturel, artistique et historique de la Géorgie »/Bernard Coulie et Nino Simonishvili/Ed. « Hannibal »/broché/2023/192p.) : en vente dans la boutique . Prix combiné (valable 3 mois, incluant « Autoworld » & le « Musée de l’Armée ») : 25€. Contacts : 02/741.73.02 & reservations@mrah.be. Site web : https://www.artandhistory.museum/.
YvesCalbert, avec l’appui de Sarah Crew (« The Bulletin »).