« Le Serpent à deux têtes » : dualités et antagonismes
Librement inspiré d'événements réels survenus dans le Sud-Est de l'Australie, Le Serpent à deux têtes, signé Gani Jakupi, brille par son intelligence d'approche ainsi que par les thèmes soulevés.
À l'aube de la fondation de ce qu'on appellera l'Australie, tandis que Sidney n'est encore qu'un village, les destins de M'rrangoureuk, guerrier aborigène revenu d'entre les morts, et de William Buckley, fugitif britannique, se croisent et se confondent. Cette double trajectoire fait écho aux interrogations contemporaines sur l'identité et les mélanges culturels dans notre monde globalisé.
Les éditions Soleil publient, dans la collection « Noctambule », Le Serpent à deux têtes, du scénariste et dessinateur Gani Jakupi. Le récit s’appuie sur des événements réels : le bagnard britannique William Buckley s’est évadé au début des années 1800 d’un camp de prisonniers installé en Australie et a fini son périple en intégrant une communauté aborigène qui l’a amalgamé à un héros local disparu.
Les éditions Soleil publient, dans la collection « Noctambule », Le Serpent à deux têtes, du scénariste et dessinateur Gani Jakupi. Le récit s’appuie sur des événements réels : le bagnard britannique William Buckley s’est évadé au début des années 1800 d’un camp de prisonniers installé en Australie et a fini son périple en intégrant une communauté aborigène qui l’a amalgamé à un héros local disparu.
Dans Le Serpent à deux têtes, tout est une question de point de vue. Les quatre parties composant l’album présentent toutes une vision fractionnée et subjective d’une même histoire : celle d’un forçat victime d’une peine disproportionnée le condamnant à un exil éprouvant sur une terre sauvage à peupler. C’est ainsi que le héros aborigène qui ressuscite d’entre les morts dans le premier chapitre se confond ensuite avec un prisonnier britannique fugitif, lassé de subir les mauvais traitements de ses bourreaux. Profondément dual, William Buckley est le point de jonction entre deux civilisations, deux cultures. La première, l’originelle, l’a criminalisé, marginalisé et mis au supplice ; la seconde, celle d’adoption, l’a érigé en roi, couvert de faveurs et chaleureusement adoubé. Dans des planches d’une grande poésie, habillées de couleurs douces et/ou sépia, le continent australien se fait le cadre d’un éveil à l’altérité.
La double page 74-75 nous montre des contrées sauvages vierges de toute trace d’activité humaine. William Buckley y apparaît à l’avant-plan, dans un coin, sur la gauche, le regard tourné vers une étendue sans fin de plaines et d’arbustes. Cette allégorie de l’homme blanc s’aventurant dans des territoires exotiques encore inconnus irrigue en réalité Le Serpent à deux têtes de bout en bout. Car en s’appuyant sur un destin exceptionnel, Gani Jakupi va également y puiser de quoi conter à la marge l’aventure coloniale. Ce personnage qui « continuait à préférer une chimère aux chaînes » n’est autre que la pointe avancée d’une civilisation occidentale rêvant d’étendre son influence par-delà les continents et les mers. Si les chaînes de William Buckley sont réelles et tangibles, celles des colons sont conditionnées par la géographie et les moyens de locomotion.
L’auteur : Gani Jakupi
Originaire du Kosovo, Gani Jakupi fait son début dans la BD en 1991, comme scénariste de la série Matador (dessinée par Hugues Labiano). Il s’installe en Espagne et change de registre : illustrateur, designer, journaliste, photographe, écrivain (le roman Jour de grâce, des histoires courtes, des recueils de textes d’analyse politique), traducteur, compositeur (un album de jazz en cours d’enregistrement)… En 2005, il crée Music Collection pour l’éditeur barcelonais DiscMedi, des livres-disques consacrés aux grands de tous les genres de musiques. Il se réserve des personnages oubliés ou méconnus par le public européen (Tete Montoliu, Vinícius de Moraes, Pete Seeger, Benny Moré). Armé de cette expérience, il revient à son premier amour, la bande dessinée, avec Le roi invisible réalisé pour Futuropolis. Actuellement, il adapte en bande dessinée, pour Dupuis, son roman Jour de grâce (avec Marc N’Guessan au dessin). Texte © Futuropolis
Collection Noctambule aux éditions Soleil
Cartonné – 152 pages
Format : 20 x 28 cm
EAN : 9782302090927
Prix : 18,95 €