Malmedy: la papeterie du Pont de Warche double de capacité !!

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, au cœur de la Wallonie prussienne, une papeterie assure la prospérité de Malmedy et de ses alentours. Plus de 500 personnes y travaillent sous la direction de Jules Steinbach. Au fil des années, déjà réputée pour la qualité de son papier dessin, la gamme des produits Steinbach s’élargit, dès 1870, à la fabrication de papiers photographiques. En 1909, deux industriels verviétois installeront une nouvelle papeterie à l’ouest de Malmedy dénommé Pont-de-Warche. Les deux activités seront réunies au sein du groupe Intermills. Mais en 1992, ce groupe est déclaré en faillite, signifiant la séparation des deux sites et la reprise de Steinbach par Ahlstrom. Quant au site de Steinbach, il  tombait en faillite définitive en 2009, laissant une seule papeterie à Malmedy.

La papeterie survivante vient à nouveau de se moderniser, avec un investissement de 10 millions d’euros qui va permettre de quasi doubler la production, avec 50% de volume d’emploi en plus.

Les travaux de modernisation de la papeterie Pont de Warche, à l’entrée de Malmedy, sont terminés depuis le mois de septembre.

Grâce à un investissement de 10 millions d’euros consenti par le groupe scandinave Ahlstrom-Munksjö dont elle est une des 45 usines à travers le monde, la dernière papeterie qui subsiste à Malmedy (qui en a jadis compté jusqu’à 16) voit "sa pérennité assurée pour les années à venir", a souligné le directeur de l’usine, Yves Mélotte, lors d’une conférence de presse organisée ce lundi avec des autorités communales, fières de la persistance et de l’innovation de cette activité industrielle séculaire, et en présence du top management du groupe scandinave.

Une activité qui ne se cantonne plus, loin de là, à la production de "simple" papier mais se diversifie vers des produits innovants. Le groupe Ahlstrom-Munksjö est en effet leader mondial des produits à base de fibres, majoritairement naturelles (dont le papier) mixées avec des fibres synthétiques pour des applications plus techniques.

 Innovations continues

Depuis 2000, Pont de Warche ( dont nous retraçons l’histoire plus que centenaire ci-dessous ) était dédiée à la production de papier non tissé pour la fabrication de revêtements muraux intissés ( papiers peints haut de gamme ). La nouvelle ligne de production lui permet de se diversifier, avec des produits innovants, notamment vers la fabrication de filtres à air pour le secteur automobile.

D’autres produits sont également en développement à Malmedy, pour l’ensemble du groupe Ahlstrom-Munksjö ( l’usine de Pont de Warche fait partie de sa division "filtration et performance solutions" ): supports pour plaques de plâtre ou pour revêtements de façades, placages de bois (supports pour enduction de panneaux stratifiés pour parquets et ameublement), support de revêtements muraux pour l’impression digitale.

 A la recherche de travailleurs

 Ce nouvel investissement de 10 millions d’euros s’accompagne de "la montée en puissance de la production et de l’embauche de personnel ".

Progressivement, "dans les mois qui viennent, nous allons quasi doubler la production (de 7 500 à 14 500 tonnes par an), en passant d’un régime de travail en 3 pauses avec 81 personnes à un régime en 5 pauses (non-stop) avec environ 120 personnes", a détaillé le directeur de l’usine, en précisant être à la recherche de nouveaux travailleurs, avec possibilité de formation par tutorat au métier de la papeterie puis un contrat à durée indéterminée (ouvriers de production, laborantins, caristes, ingénieur industriel, ingénieur qualité, assistant commercial, responsable de planning).

Un nouveau plan d’investissement, dont le montant n’a pas été dévoilé, est également prévu en 2022, pour la modernisation du département finition de l’usine.

Don et collaboration avec le Malmundarium

L’usine Pont de Warche a offert une pièce de l’ancienne machine 1 à l’atelier papier du Malmundarium.

L’usine de Pont de Warche souhaite intensifier sa collaboration avec l’atelier papier du Malmundarium, qui amplifiera sa présentation de l’histoire et de la fabrication de ce qui a fait entre autres la richesse économique de Malmedy. L’atelier papier proposera donc davantage d’informations sur l’activité de ce qui est devenu la dernière papeterie de la cité des bords de Warche. En n’omettant évidemment pas le passé. Grâce notamment à une pièce qui lui a été remise ce lundi par les responsables de Pont de Warche et qui sera donc exposée au Malmundarium: un rouleau filigraneur octogone et carré, qui était jadis utilisé dans la machine 1 (arrêtée en 1993) pour la fabrication de papier pour les actions (de sociétés).

 Un don pour les écoles sinistrées de la Vesdre.

La papeterie du Pont de Warche a profité de la conférence de presse de ce lundi, le jour de la Saint-Nicolas, pour remettre un don au service-club féminin du Soroptimist Fagnes. Il s’agit d’un bon pour une tonne de papier-peint intissé à peindre fabriqué à Malmedy et destiné aux écoles sinistrées dans le bassin de la Vesdre. C’est un peu "un clin d’œil à l’histoire, puisque l’usine de Pont de Warche a été fondée par des Verviétois", a rappelé le bourgmestre de Malmedy, Jean-Paul Bastin.

Précédemment, au début de la pandémie de Covid-19, le groupe Ahlstrom-Munksjö avait fait un don de masques chirurgicaux, fabriqués dans une autre de ses usines, à l’hôpital de Malmedy.

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L’histoire de la papeterie Pont de Warche, depuis … Verviers jusqu’à Helsinki

La dernière papeterie survivante à Malmedy a eu une destinée parfois chahutée, depuis Ensival à la Finlande, en passant par USA, Espagne et France.

1906: début de la trame, à Ensival

L’origine de la papeterie Pont de Warche remonte à 1906 et à la création des Papeteries Duesberg-Swagemakers, à… Ensival. Avec l’essor rapide de l’activité, les industriels verviétois Henri Duesberg et Victor Antoine décident de construire une nouvelle usine, à Malmedy.

1910: construction de la papeterie Pont de Warche

La nouvelle papeterie, au pont de Warche, est construite en 1910, avec une production de 5 tonnes de carton par jour. Elle sera mise à l’arrêt durant la Première Guerre mondiale (Malmedy était encore alors en Prusse).

1920: rachat par des industriels malmédiens

Au lendemain du conflit mondial, en 1920, l’usine est rachetée par le trio d’industriels malmédiens Steisel-Blaise-Lang, qui crée la société anonyme Papeteries du Pont de Warche et lance une seconde machine à papier, pour la fabrication d’enveloppes, cartes postales, etc.

1965: Intermills

Alors que les différentes sociétés collaboraient déjà, en 1965, les papeteries wallonnes fusionnent au sein du groupe Intermills. Pont de Warche en fait partie, de même que les papeteries de Saint-Servais, Andenne, La Hulpe, Mont-Saint-Guibert, etc., ainsi que l’autre papeterie malmédienne, Steinbach, qui avait été fondée sous les auspices des moines en 1750 sous le nom de Papeterie Cartonnerie de l’Abbaye Impériale de Malmedy (après la fin de la principauté abbatiale de Stavelot-Malmedy, elle avait été reprise le trio malmédien constitué par Hubert Neuray, François Darimont et Henri Steinbach, ce dernier et sa famille restant vite seuls aux commandes).

Dans les années 1970 et 1980, le groupe Intermills fermera les portes de plusieurs de ses papeteries, seules les deux usines malmédiennes subsistant alors. Et ce, au fil de ses changements d’actionnaire principal, avec l’arrivée du groupe américain Champion International en 1974 puis la reprise en mains par l’État belge en 1977 (pour le franc symbolique), auquel succédera la Région wallonne, et ensuite le groupe espagnol Torras Papel (avec des fonds kowétiens) en 1990.

1992-1993: faillite d’Intermills, reprise par Sibille-Dalle

Toute l’industrie papetière wallonne pâtira, en 1992, de la déglingue internationale de Torras Papel, les deux usines de Steinbach et Pont de Warche, à Malmedy, ainsi que la Cellulose des Ardennes (fabrique de pâte à papier), à Harnoncourt-Virton.

C’est la faillite pour Intermills et les deux papeteries malmédiennes voient leurs destinées séparées. Connue internationalement pour ses papiers graphiques (à dessin) puis photographiques (elle en avait été le premier fabricant en Europe), Steinbach continuera à porter le nom d’Intermills et produira surtout des étiquettes, en passant sous le giron d’un financier allemand (Kiefer) puis du groupe papetier italien Cordenons (famille Gilberti), qui fermera en 2008 ce fleuron industriel local qui avait jadis employé plus d’un demi-miller de personnes (les espoirs nourris par un repreneur canadien, Robert Roche, via la société GC Paper, se révéleront funestes). Depuis lors, le site en bord de Warchenne, a conservé le nom d’Intermills mais a été reconverti par le groupe Gehlen en complexe économique et de loisirs (cinéma, hôtel, salle de spectacles, business-center…).

Après la faillite du groupe Intermills en 1992, l’usine de Pont-de-Warche, elle, est reprise en 1993 par le groupe papetier français Sibille-Dalle, qui arrête la machine 1, et conserve la moitié du personnel (une centaine au moment de la faillite) pour la production d’étiquettes pour bouteilles de boissons.

1997: Ahlstrom

Déjà actionnaire minoritaire de Sibille-Dalle, le groupe finlandais Ahlstrom en prend le contrôle en 1997.

2000: reconversion dans le papier-peint non-tissé

Ahlstrom convertit l’usine de Pont de Warche de la fabrication d’étiquettes vers la production de papier non-tissé (avec des fibres de papier combinée à des fibres synthétiques) pour les fabricants de papiers peints intissés haut de gamme. L’unité malmédienne est le leader du groupe pour ce marché spécifique.

2007: fusion Ahlstrom-Munksjö

Jusque-là sociétés sœurs, avec les mêmes actionnaires, la finlandaise Ahlstrom et et la finlando-suédoise Munksjö fusionnent, pour constituer de nos jours un géant pas uniquement du papier mais de produits à base de fibres (principalement naturelles), qui compte 45 usines dans 14 pays à travers le monde, 7 850 emplois, pour un chiffre d’affaires annuel de 3 milliards d’euros, avec son siège social à Helsinki, la capitale de la Finlande.

2021: 10 millions € investis

Ahlstrom-Munksjö investit 10 millions d’euros dans son usine de Pont de Warche, avec une nouvelle ligne de production de filtres à air pour les voitures. La production totale va quasi doubler, l’emploi aussi.

L’année 2021 est également marquée, pour le groupe scandinave, par la prise de contrôle par Bain Capital, une société américaine (de Boston) qui gère des actifs à hauteur de 120 milliards de dollars.