Décès d’André Haudestaine, greffier provincial de la Province de Liège
André Haudestaine est décédé samedi après-midi à la clinique André Renard à Herstal. Il y avait été admis mardi dernier car il avait été testé positif au coronavirus il y a trois semaines dans sa maison de repos de Blegny et ses symptômes empiraient pour une issue fatale ce samedi. Agé de 87 ans, André Haudestaine était bien connu à la Province de Liège car il y avait été receveur régional durant neuf ans, puis il avait été nommé greffier provincial en 1974. Durant 20 ans, jusqu’à sa retraite en 1993, il avait donc été à la tête administrative des 6000 agents provinciaux.
Mais ce jeune retraité (à 60 ans) allait ensuite mettre toute son énergie au service du circuit de Spa-Francorchamps dont il assuma la présidence de l’intercommunale. Et il parvint à obtenir le retour de la Formule 1 sur le plus beau circuit du monde avec l’aide de son ami et directeur, le Flémallois André Maes. ( La Meuse).
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André Haudestaine a aussi un lien avec l'histoire fouronnaise, outre le fait qu'un fouronnais, Jean-Marie Happart, fut un de ses successeurs à la présidence de l'intercommunale du circuit de Spa-Francorchamps, qu'il convient de rappeler aujourd'hui.
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( Vincent Delcorps raconte dans LA REVUE GENERALE d'octobre 2012 ) :
Le dimanche 28 janvier 1979 se déroule une « promenade » flamande dans les Fourons. Des contre-manifestants francophones sont aussi présents. Une altercation survient entre ceux-ci et la gendarmerie. Des chiens sont lâchés. Des coups de matraque se perdent ; certains témoins font état de l’acharnement des gendarmes sur les manifestants. L’incident est sérieux : un jeune homme est grièvement blessé au visage par un chien. Dans les jours qui suivent, chacun livre sa version des faits dans la presse. Si les manifestants prétendent que la gendarmerie a lâché cinq chiens à leurs trousses, les gendarmes affirment quant à eux que le chien a mordu un manifestant uniquement pour défendre son maitre attaqué. Les politiques s’en mêlent et Henri Boel, ministre de l’Intérieur, s’emmêle lorsqu’il affirme que ledit chien se trouvait en situation de légitime défense. La formule passe mal. Plusieurs membres francophones du cabinet ministériel désapprouvent leur patron et présentent leur démission. C’est le cas d’André Haudestaine, le chef de cabinet, évoquant une « boutade », de « l’humour flamand et de l’ironie », Henri Boel se défend, ajoutant que ses propos n’ont pas été entièrement reproduits.
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SE PROMENER DANS LES FOURONS : Cinquante kilomètres carrés et des images qui ont fait le tour du monde. À partir de 1962, ce petit bout de territoire constituera l’un des fardeaux les plus lourds de la scène politique belge, la pierre d’achoppement sur laquelle viendront trébucher les ministres et les gouvernements. Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, à l’initiative de Pierre Harmel, un groupe de parlementaires est chargé de l’étude des problèmes dans les régions flamande et wallonne. Dans ses conclusions, le centre Harmel évoque, parmi les points délicats, le « secteur d’Outre-Meuse ». Pour les communes des Fourons, un statut particulier est proposé : un régime linguistique spécial établi par le ministre de l’Intérieur « après consultation des administrations communales intéressées. » Le point est déjà au cœur des difficultés. Au début des années soixante, la suppression du recensement linguistique s’accompagne de la fixation définitive de la frontière linguistique. Le 31 octobre 1962, avec l’appui de près de 40 % des élus wallons, la Chambre adopte la loi fixant définitivement la frontière linguistique. Les six communes fouronnaises tombent dans la province du Limbourg, définitivement. Le problème : une importante frange de la population refuse ce régime. Et le fera savoir, longtemps. Le lendemain du vote, le socialiste liégeois Joseph-Jean Merlot, ministre des Travaux publics, exprime, au conseil des ministres, son intention de démissionner. Le bureau de son parti lui avait demandé d’être solidaire du gouvernement et de voter la loi. Mais alors que la fédération socialiste de Liège – sa propre fédération – s’est prononcée contre le texte, Merlot se retrouve dans une position intenable. « (...) les Fourons sont pour Liège un symbole qui incarne les aspirations et les craintes de la région », relève-t-il. Ses collègues tentent de le faire changer d’avis. En vain. Pendant ce temps, dans les Fourons et les alentours, l’opposition s’organise sous de multiples formes. Le 15 avril 1962 déjà, 15 000 personnes défilaient à Liège à l’appel du Mouvement populaire wallon. En octobre, une consultation populaire est organisée. Après le vote à la Chambre, la contestation prend de l’ampleur. Dans les communes concernées, quatre des six bourgmestres présentent leur démission. Durant des années, l’opposition au rattachement à la province du Limbourg se manifeste aussi dans les urnes. Entre 1964 et 1977, une liste intitulée « Retour à Liège » obtient systématiquement plus de 50 % des voix. Du côté flamand, on réagit aussi, notamment par le biais du « Bond der Vlamingen van Oost-België ». Indicatif : cette ligue, qui avait son siège à Verviers, le transfère bientôt à Tongres, par mesure de prudence. Très vite, le territoire des Fourons devient un terrain d’expression privilégié de la colère et de la violence. Au fil des années, la valeur symbolique des six communes croît. Certes, on se bat pour leur statut et pour l’emploi des langues. Mais de plus en plus, on se bat surtout pour un symbole. C’est à la fin des années septante que la situation des Fourons devient le plus critique. Les incidents se déroulent à un rythme très soutenu. Nous n’en donnerons pas ici le compte rendu exhaustif, mais évoquerons quelques cas parmi les plus fameux. Le dimanche 28 janvier 1979 se déroule une « promenade » flamande dans les Fourons. Des contre-manifestants francophones sont aussi présents. Une altercation survient entre ceux-ci et la gendarmerie. Des chiens sont lâchés. Des coups de matraque se perdent ; certains témoins font état de l’acharnement des gendarmes sur les manifestants. L’incident est sérieux : un jeune homme est grièvement blessé au visage par un chien. Dans les jours qui suivent, chacun livre sa version des faits dans la presse. Si les manifestants prétendent que la gendarmerie a lâché cinq chiens à leurs trousses, les gendarmes affirment quant à eux que le chien a mordu un manifestant uniquement pour défendre son maitre attaqué. Les politiques s’en mêlent et Henri Boel, ministre de l’Intérieur, s’emmêle lorsqu’il affirme que ledit chien se trouvait en situation de légitime défense. La formule passe mal. Plusieurs membres francophones du cabinet ministériel désapprouvent leur patron et présentent leur démission. C’est le cas d’André Haudestaine, le chef de cabinet. évoquant une « boutade », de « l’humour flamand et de l’ironie », Henri Boel se défend, ajoutant que ses propos n’ont pas été entièrement reproduits. En mai, cela chauffe à nouveau. À l’occasion d’une fête flamande, de nouveaux affrontements ont lieu entre manifestants des deux communautés. Quels sont les responsables des troubles ? Pour De Standaard, c’est clair : ce sont les Wallons. Ce sont ces derniers qui, armés de pierres, de bâtons et de fourches, ont transformé la fête en champ de bataille, à l’image d’un José Happart, dont la seule présence est vue comme un geste de provocation. En fin de journée, c’est un chien wallon qui mord un Flamand et ce sont les hommes d’Happart qui attaquent le néerlandophone Vroonen. Le Soir propose une lecture très différente des événements. Les provocateurs ne sont plus cette fois les Wallons, mais bien les Flamands. Ce sont eux qui injurient les « Franse raten ». Ce sont eux qui frappent Happart « de plusieurs coups de poing » devant des francophones présentés comme passifs et médusés. En soirée, ce sont des militants du TAK et du VMO qui s’attaquent à la voiture de Happart. Et c’est un Flamand qui sort de sa maison armé d’une carabine. Qui croire ? Pas simple, d’autant que les politiques usent de la même stratégie. En atteste le communiqué du parti socialiste : « Au moment où les socialistes francophones déploient de considérables efforts en vue de réaliser l’apaisement communautaire, le bureau du PS condamne les provocations flamingantes du dimanche 20 mai, dans les Fourons ». Hugo Schiltz, le leader de la Volksunie, constate quant à lui que « les francophones ne peuvent s’empêcher de devenir agressifs lorsque des Flamands déploient des activités sur leur propre territoire ». Dans le même temps, le Rassemblement wallon s’indigne du comportement des gendarmes, qui auraient « favorisé » le déploiement de « milices para-militaires flamingantes ». En septembre, la température monte encore d’un cran. « La tension entre communautés dans ce « si joli petit champ clos » laissait prévoir depuis des mois un incident grave », lit-on dans Le Soir du 25 septembre. Il faut dire que, la veille au soir, la carabine était de sortie à Fourons. René Grosjean, le tenancier du café des Sports, a tiré sur des militants flamingants. Aucune victime à signaler : un vrai miracle. À nouveau, l’incident suscite la polémique. Pour José Happart, Grosjean était en état de légitime défense : « Il a protégé sa femme, son fils de 7 ans et ses clients », lâche le leader wallon. Autre son de cloche dans le camp flamand, où l’on précise que « M. Grosjean a commencé à tirer avant que les vitres de son établissement ne soient brisées ». La polémique atteint aussi la gendarmerie et la justice. Pour Henri Mordant, président du Rassemblement wallon, les forces de l’ordre portent une lourde responsabilité dans le déroulement des évènements. Dans le même ordre d’idées, il faut souligner qu’un habitant de Visé dépose une plainte contre la gendarmerie, prétendant avoir été frappé et volé. Du côté de la Volksunie, où l’on rejette la responsabilité des violences sur « Happart et sa bande », on s’étonne aussi du fait que le tireur ait été relâché quelques heures à peine après son arrestation. Les propos les plus vifs proviennent toutefois du Vlaams Blok : « Les terroristes fransquillons et wallons doivent être éliminés. Et Happart, le Wallon immigré, doit disparaitre des Fourons comme danger indésirable », lâche Karel Dillen, le président du parti séparatiste. La violence n’a pas encore atteint son sommet. Selon Daniel Conraads, c’est en mars 1980 qu’elle est à son paroxysme. « Ce jour-là, le déchainement de brutalité fut tel que l’on compta une quinzaine de blessés et d’importants dégâts matériels », écrit-il. La scène est classique et les acteurs sont toujours les mêmes : « promeneurs » flamands, contre-manifestants wallons et forces de l’ordre. Parmi les manifestants, on retrouve les principaux leaders de la VU, du Vlaams Blok, du FDF et du Rassemblement wallon. Les pierres volent, les balles sifflent. Le pisciculteur wallon Joseph Snoeck fait feu sur des manifestants qui passent devant sa maison. On frôle la mort ; par miracle, il n’y a que trois blessés. Au lendemain de la manifestation, on s’interroge plus que jamais sur l’efficacité – et la neutralité – des forces de l’ordre. Le Premier ministre, Wilfried Martens, s’empare personnellement de l’affaire et ordonne l’interdiction, pour une durée indéterminée, de tout rassemblement de plus de cinq personnes dans les Fourons. Le FDF et le Vlaams Blok, tous deux dans l’opposition, réclament quant à eux la démission du PSC Georges Gramme, ministre de l’Intérieur. Le Vlaams Blok va même plus loin : pour lui, il est de plus en plus évident pour les Flamands qu’ils ne peuvent plus vivre dans le même état que les Wallons. Le problème des Fourons dépasse largement le périmètre des Fourons. Ce ne sont pas tant des enjeux internes qui sont en jeu que des symboles et des représentations. Pour les francophones, les Fouronnais wallons constituent le symbole de la Wallonie qui a perdu sa puissance. En face, l’on se bat contre les « fransquillons », avec, en mémoire, le souvenir d’une lutte passée : celle de la lente émancipation du peuple flamand. Il n’est dès lors guère surprenant de fréquemment retrouver, à côté des organisations locales, des groupes venus de l’extérieur. Sans doute faut-il y voir l’expression d’une solidarité et le souci d’apporter un réconfort moral. Il n’empêche, la pratique a pour effet d’envenimer le conflit et d’en rendre plus malaisée la solution. Parmi les groupes représentés lors des incidents fouronnais, il faut citer, côté flamand, le Taal Aktie Komittee et le Vlaamse Militanten Orde. Ce dernier sera à l’origine de nombreux débordements. « (…) les militants du VMO sont devenus intenables. Pour leurs chefs, le sort des Fourons passait au second plan. Ces balades constituaient d’abord une occasion de propager leurs idées racistes d’extrême droite. D’ailleurs parmi les troupes du VMO qui venaient chez nous on trouvait aussi des francophones », raconte Huub Broers, conseiller communal à Fourons. Le 21 octobre 1979, à l’issue de nouveaux incidents, Bert Erikson, le chef du VMO est arrêté. Il restera en prison une dizaine de jours pour infraction à la loi du 29 juillet 1934 interdisant les milices privées136. Du côté francophone, des mouvements fédéralistes tels que le Mouvement populaire wallon ou Wallonie libre sont fréquemment sur les lieux. À relever également, le rôle joué par le monde politique dans le développement de la violence dans la région. Du côté flamand, c’est la Volksunie et le Vlaams Blok que l’on retrouve sur place lors des « promenades ». Du côté francophone, ce sont essentiellement les partis fédéralistes – FDF et RW – qui sont présents, mais des personnalités libérales et socialistes se trouvent aussi régulièrement dans la région. Certes, l’on ne voit sans doute jamais Vic Anciaux ou Antoinette Spaak armés de carabines et de gourdins. Certes, les hommes et les femmes politiques sont-ils systématiquement les premiers à regretter et à condamner les violences. Mais leur présence ne contribue sans doute pas à l’apaisement des esprits. Tout comme les propos tenus au lendemain des bagarres : systématiquement reporter la faute sur l’autre n’a jamais favorisé la concorde. Deux autres acteurs méritent encore d’être mentionnés : la presse et les forces de l’ordre. Nous l’avons suffisamment constaté, lecteurs flamands et francophones ne lisent pas la même chose et ne peuvent dès lors partager une vision commune des évènements de Fourons. Le réflexe des politiques est généralement aussi celui des journalistes : le provocateur, c’est l’autre. Ou la gendarmerie ! Pratiquement chaque nouvel incident est l’occasion de faire son procès. Régulièrement, on dénonce la passivité ou les excès des gendarmes. « Ils avaient reçu, au début des années septante, quantité de matériel nouveau et venaient le roder lors des manifestations fouronnaises », écrit Guido Fonteyn.
François DETRY