GRENZELOOS VERZET = RÉSISTANCE SANS FRONTIÈRES
Ce 21 octobre 2018, a été célébré le 75ème anniversaire de l’exécution de neuf fusillés hollandais et belges. ( Commémorations à l’Abbaye de Val-Dieu )
Le 9 octobre 1943, neuf membres de la résistance belge et néerlandaise étaient exécutés à Rhijnauwen (près d'Utrecht). Parmi eux, Jules Goffin de Fouron le Comte et deux moines de l'abbaye du Val Dieu : Hugo Jacobs d'Anvers et Stephanus Muhren de Bergen op Zoom ( voir http://www.maisondusouvenir.be/resistance_40_45_leonard.php ).
En suivant le parcours de ces deux ecclésiastiques, le livre retrace de façon précise l'histoire des groupes d'espionnage et des lignes d'évasion. Ces lignes de secours étaient utilisées par des prisonniers de guerre évadés, par des pilotes alliés abattus, par des personnes d’origine juive et des ressortissants néerlandais en fuite vers l’Angleterre. La ligne d’évasion partait d'Allemagne et des Pays-Bas pour rejoindre Eijsden (NL) puis Mouland (B) et Visé. Une fois arrivés au pays de Herve ou de Liège, les réfugiés étaient conduits à Givet ou à Bruxelles, où d'autres groupes de résistance les prenaient en charge. L'ouvrage explore avec soin l’émergence des groupes de résistance et leur développement, la coopération entre les réseaux belges et néerlandais, le Hannibalspiel ( l'infiltration des réseaux par l'Abwehr depuis Groningue et Liège ), mais aussi les circonstances entourant les arrestations et les procès de ces résistants. En cherchant à comprendre pourquoi, dans la région de Liège, ces deux moines d’Anvers et de Bergen op Zoom se décident à entrer en résistance, l’enquête met en lumière le rôle joué par l’Eglise et par l’abbaye du Val-Dieu ( dont l’abbé était allemand ) mais aussi par leurs familles.
En effet, au sein d'une même famille, le père Hugo paya de sa vie son rôle dans la résistance alors que son frère fut reconnu coupable de collaboration. Grâce aux recherches biographiques fournies et à l’examen de leur correspondance depuis la prison, l’auteur nous les présente comme des êtres de chair et de sang. Cette histoire aborde plusieurs problèmes qui caractérisent ces mouvements de résistance qui venaient de voir le jour: problèmes d'organisation, problèmes financiers, problèmes dans l’acheminement de rapports d'espionnage vers Londres, conflit de caractères et d’égos ... On y évoque aussi d’autres épisodes relatifs à la campagne des 18 jours de l’armée belge à Bruges et en France, aux évènements du fort d’Aubin - Neufchâteau, au NSKK, aux abbayes de Mariënkroon et de Val-Dieu, au camp de Haaren, à l'attitude de l'Eglise ou encore à un émetteur radio à Val-Dieu.
Le livre contient 182 illustrations qui, au propre comme au figuré, offrent un visage aux protagonistes. Huit cartes d’ensemble et une carte de Haaren nous permettent de mieux situer les choses. Dans les annexes, le lecteur trouvera un aperçu pratique des institutions allemandes, belges, néerlandaises et britanniques, ainsi qu'un aperçu des groupes de résistance et de leurs membres clés. Il trouvera également un glossaire de la terminologie religieuse et des extraits des lettres écrites par les deux pères pendant leur séjour en prison. Un index complet des personnes et de noms de lieux simplifie les recherches dans le livre.
L'importance du livre
Les témoignages sur la résistance sont plutôt rares. À l’aube du spectacle musical 40- 45 présenté en Flandre par Studio 100 au mois d’octobre sur le thème de la résistance, il semble utile d’offrir un exemple ancré dans la réalité des faits. Trop souvent, la façon dont la résistance est dépeinte est incomplète, voire correspond à un cliché erroné. On imagine que la résistance était quasi exclusivement active dans la capitale ou dans les centres industriels, sans parler de la coopération avec d’autres pays. Certains pensent que la résistance n'est réellement devenue active qu'à la fin de la guerre. Ou que les survivants ou leurs héritiers ont probablement étoffé les faits. D'autres sont convaincus que le rôle de l'Eglise se limitait à recruter des jeunes pour le front de l'Est. D’autres encore que les groupes de résistance ont agi motivés seulement par conviction politique extrême. A tout point de vue, ce travail démontre que la réalité était différente. Il s’agit ici de groupes devenus actifs dès le début de la guerre et ayant coopéré au-delà des frontières nationales et linguistiques. Le rejet d’un régime totalitaire fondé sur le pouvoir, la conviction profonde que l'occupation était violente et injuste, la confiance en ce que leur patrie permettrait de restaurer l'état de droit et la liberté de culte et, enfin, les concepts même d’humanité et d’empathie, ont poussé ces personnes à résister dès le début du conflit. Tous les témoignages ont été vérifiés au moyen des archives afin que le récit soit le plus fidèle possible aux évènements.
La pertinence sociale
Notre société est aujourd’hui confrontée à l’accueil de réfugiés, à des dirigeants autocratiques qui s'appuient sur un nationalisme étroit et accordent peu d'importance à la primauté du droit et à des groupes qui reprennent des idées d'extrême droite. Des livres comme celui-ci rappellent les dangers de telles idées. Cet ouvrage n’adopte pourtant pas un ton moralisateur mais s’efforce de témoigner des efforts déployés par nos concitoyens il y a 75 ans pour défendre nos libertés. Inconsciemment, il amène le lecteur à se demander ce qu'il aurait fait dans cette situation ...
TITRE :
GRENZELOOS VERZET Over spionerende monniken, ontsnappingslijnen en het Hannibalspiel 1940-1943
AUTEUR : Paul De Jongh est juriste et chercheur associé au Centre d’Etudes et de Documentation Guerre et Sociétés contemporaines (CegeSoma) à Bruxelles.
Contact: paul.de.jongh@brepols.net +32 (14) 44 80 21
DISTRIBUTION CB Prix: € 24,90 tva incl.
© François DETRY
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