La loge de la Folie
XVIe chapitre de la Confrérie de la Chouffe, à l’Auberge du Vieil Engreux.
Samedi 17 mars 2012.
C’est le jour des adoubements, l’agrégation de misanthropes sympathiques et de rescapés de toutes les véroles. Avec ses gesticulations encéphalopathiques, ses paroles et ses jeux drôles, ses rites littéraires fuligineux. Un brassin des grandes gueules avec les petites. Une pastorale cacophonique. Une débâcle du quotidien. De l’amour à grandes poignées.
C’était la Saint-Patrick, qui tombe toujours en carême. Mais pas besoin de demander à Mgr Léonard une dérogation pour faire la fête : les catholiques irlandais l’ont obtenue depuis des siècles, et comme tout ce qui est catholique est universel…
Le Grand Maître de la Confrérie, Jacques Jaminon, se fit rassurant sur l’usure du temps, qui n’affecte pas les relations des nains unis dans le cul de sac d’Engreux, finistère enfoncé dans le lac des deux Ourthes.
Les intronisés
José Dehard. Il fait son entrée comme maître brasseur, succédant à un membre historique de la confrérie, Pierre Gobron.
On peut le dire sans gêne, c’est un indigène, il est de Nadrin.
Vingt-deux, vl’à l’indic-ation du nombre de ses années aux sources de la Chouffe, dont il a gravi un à un les échelons. Un fameuse vengeance sur le sort, quand on sait qu’il avait dû abandonner un métier, dans une autre vie, à cause d’une chute d’une échelle.
Michel Bockiau. Un godelureau septuagénaire.
Mais pourquoi les Liégeois, nombreux dans la salle, pouffent-ils de rire quand on dit qu’il a installé son commerce de « photo » dans la rue Vaudrée à Angleur ? De quoi donc est pavée cette rue, pour lever tous les doutes ?
Son rabatteur, Christian Michel, gonfla le cou de la confrérie en claironnant sans recours à l’hyperbole que toutes les photos d’art des prospectus, dépliants, catalogues, guides des musées liégeois, sont des prises de cet initié à la Confrérie.
Cet homme est un monument qui se met à parler, prodigieux, spectaculaire. Il déclame un wallon râpeux. Si l'on cherche de l'ADN de Sacha Guitry ou de Titine Badjawe, qu'on l'ampute d'un poil de sa barbe!
Luc-Henri Duchêne. Un talent venu d’Ougrée.
Il a fait les Antilles avant de faire les beaux-arts. Sa vie est un long voyage, à la recherche de l’art. C’est au bras d’Épicure qu’il l’a rencontré, comme une bouée dans les flots tumultueux de l’existence. Parole du Grand Maître. Enlevez l’échelle.
Précisons que ses pérégrinations en Ardenne ont fait chuter le nouvel intronisé sur le repaire des nains, à Achouffe. Le grand frisson du Graal conquis était atteint.
Patrick Hancké. Pour sa fête, Patrick était bien mal culotté.
Car il a osé : c’est vêtu d’un kilt irlandais qu’il a plié les genoux et d’une voix poignante prononça le pathétique serment de fidélité à la Chouffe.
De cet original indésinroriginalisable BCBG à la courtoisie de miroir, on a laissé entendre qu’il avait coiffé une cantatrice chauve. Mais faut-il croire tout ce que disent les nains ?
Il hante en toute saison le lac de Nisramont, rajouta le Grand Maître, et en pince particulièrement pour ses écrevisses.
Sur les pas de Frédéric Payen façonneur livreur de pâté de chevreuil à la Chouffe et qui a, espérons-le, créé une tradition, Patrick servit au break un « en-cas » de foie gras de sa terrine.
Yves Jacquemin. Le deuxième rabattu par Christian Michel.
Un homme qui ne sait pas se départir d’un sourire contagieux. Peut-être le benjamin de l’assemblée. Avec toutefois un passé à couper le souffle : plusieurs vies en une.
Il tient le Concorde à Nessonvaux. Pour ceux qui ne savent pas, c’est au grand carrefour à côté de Banneux. Un établissement qui apparaît déjà en 1921 dans le classement des meilleurs de Belgique.
Pierre-Paul Bertrand.
De Sainte-Rosalie.
Le plus cybercultivé de la Confrérie.
Pataphysicien d’obédience cistercienne : ça ne s’explique pas, mais il l’a fait.
Il porte d’ailleurs le titre d’abbé général de l’Ordre du Grand Lapin.
Trente-trois ans de Région wallonne : mystification du Grand Maître, car la Région n'existe que depuis 32 ans.
Milite aujourd’hui pour le droit à la paresse.
Une symbiose de Jacques Vergès et de l’abbé Pierre.
Oui, vraiment, au XVIe chapitre, on aura tout entendu!
René Dislaire