"Le Surréalisme : Bouleverser le Réel", au "CAP", à Mons, jusqu'au 16 Février
A Mons, ne dites plus « BAM », mais, désormais, « CAP » (« Culture Art et Patrimoine »), un lieu dont l’élément central reste bien le « Musée des Beaux-Arts », qui nous propose son exposition « Le Surréalisme : Bouleverser le Réel », jusqu’au dimanche 16 février, à l’occasion du centenaire du « Manifeste du surréalisme », rédigé, en 1924, par André Breton (1896-1966).
Peut-on encore, cent ans plus tard, percevoir les enjeux fondamentaux du mouvement surréaliste, toucher du doigt sa nature profondément subversive ? C’est la question que pose cette exposition, dont le commissariat est assuré par Marie Godet, docteure en histoire de l’art. « Le surréalisme : Bouleverser le réel » replace le mouvement surréaliste dans le positionnement spécifique qu’il a revendiqué : entre la sphère artistique et la société.
Lisons ce que nous confiaient les concepteurs de cette exposition, lors de la visite de presse : « Le surréalisme, en Belgique, naît avec la notion d’objet bouleversant, qui manifeste à la fois un refus de l’art et une recherche d’impact sur la réalité. En prenant ce point de départ, l’exposition déroule ensuite le fil de l’objet à travers les décennies. Elle offre ainsi une perspective novatrice sur la question de l’objet surréaliste, qui, en Belgique, n’a jamais été mise en lumière sous forme d’exposition. »
Le surréalisme, en Belgique, naquit avec la notion d’objet bouleversant, qui manifeste, à la fois, un refus de l’art et une recherche d’impact sur la réalité. A partir de ce point de départ, la présente exposition suit le fil de l’objet à travers les décennies. Elle offre ainsi une perspective novatrice sur la question de l’objet surréaliste, qu’aucune exposition n’avait jamais mit en lumière, dans notre pays.
Le poète bruxellois Paul Nougé (1895-1967) expliquait que, pour que l’objet puisse agir sur le public, il faut le montrer de manière efficace. Pour y parvenir, il conseillait de « s’adresser aux escrocs, aux coquettes, aux gens de foire et de commerce » (sic). Dès lors, l’exposition nous propose d’examiner la façon dont les surréalistes, des années 1920-1930, s’inspiraient, entrant en dialogue et subvertissant, à la fois, l’imagerie publicitaire, les affiches électorales et autres messages destinés au grand public.
Dans l’après-guerre, la situation changea radicalement : la société s’étant appropriée, désormais, le surréalisme, la figure du peintre belge René Magritte (1898-1965) en particulier, tandis que l’objet est au centre de la nouvelle scène artistique …
… Cette question de l’objet est au cœur de la définition même du surréalisme, étant directement liée à la recherche de l’impact social qui caractérise le mouvement. L’exposition retrace l’histoire de l’objet tridimensionnel, mais aussi du collage, du dessin, de la peinture, de la poésie, …, au sein du surréalisme, dans les années 1920 et 1930, puis dans la nouvelle société de consommation, qui se développa dans l’après-guerre. Elle met particulièrement en exergue les rapports pluriels entretenus par le surréalisme avec l’imagerie commerciale. Suivre le fil de l’objet offre ainsi une nouvelle perspective sur le mouvement surréaliste dans sa globalité.
Paul Nougé écrivit, dans « Les Images défendues » : « Que l’homme aille où il n’a jamais été, éprouve ce qu’il n’a jamais éprouvé, pense ce qu’il n’a jamais pensé, soit ce qu’il n’a jamais été. Il faut l’y aider, il nous faut provoquer ce transport et cette crise, créons des objets bouleversants. »
Les groupes surréalistes de Bruxelles et de Paris partagent une ambition : changer la vie, comme le préconisait le poète français Arthur Rimbaud {1854-1891} et transformer le monde, selon les mots du philosophe allemand Karl Marx {1818-1883}). À partir du début des années 1930, l’objet surréaliste aparut comme le moyen idéal pour y parvenir. Il possédait un double atout : contrairement à une peinture ou un poème, il est tridimensionnel, sa présence ayant contribué directement à modifier la réalité. Et pourtant, même exposé, il ne peut être confondu avec une œuvre d’art, manifestant donc cette distance que les surréalistes veulent maintenir avec l’institution artistique.
Toutefois, la différence entre les deux groupes est particulièrement sensible dans le domaine de l’objet : Paul Nougé privilégie les objets quotidiens alors qu’André Breton, chef de file du surréalisme, à Paris, préfère les objets étranges , inexplicables, trouvés au marché aux puces ou dans des instituts scientifiques.
Commentant l’objet « La Marque déposée », la commissaire, Marie Godet, docteure en histoire de l’art , nous confia : « Marcel Mariën, qui dénotait par son humour irrévérencieux et anticlérical, met en scène un Jésus Christ triomphant et fier de sa croix, ici détournée en produit dérivé très efficace. Il souligne la ‘commercialisation’ de la religion catholique, … mais aussi celle de son mouvement. En effet, au départ l’objet surréaliste n’est pas censé être de l’art, donc vendu. Pourtant dès les années 1930, ils sont achetés par les musées, ce qui cause son lot de tensions. Marcel Mariën a d’ailleurs lui aussi dû vendre des œuvres, et ce fut très douloureux … »
A travers un vaste panorama constitué de peintures, d’écrits, de photographies et d’objets de plus de trente artistes – dont Rachel Baes (1912-1983), Jane Graverol (1905-1984) & Marcel Mariën (1920-1993) -, cette exposition montre le surréalisme en Belgique, comme il ne l’a jamais été. Elle met au premier plan des questionnements déterminants dans l’histoire du mouvement, qui n’ont pas reçu l’attention qu’ils méritent, tels que les débats autour de la diffusion et de la commercialisation des créations surréalistes. Cette approche permet de relire, avec une perspective nouvelle, les périodes les plus connues du mouvement, des années ’20 et ’30, mais aussi de découvrir les créations des décennies suivantes, synonymes de remises en question, de confrontations et d’extraordinaires renouvellements.
Dans ses notes des années 1930, Paul Nougé esquisse une méthode permettant de donner de l’impact à un objet, ces principes correspondant à ceux que l’on retrouve dans la publicité de l’époque et sont encore appliqués aujourd’hui. Comme une salle de l’expo nous le prouve, la pratique publicitaire permet au peintre d’affûter un sens de l’efficacité de l'image, qui fait son succès. Dès cette époque, certaines peintures inspirent même la création d’objets destinés à être commercialisés.
L’objet surréaliste éveille depuis plusieurs années l’attention des institutions muséales internationales. De fait la question de l’objet est au cœur de la définition même du surréalisme. Elle est directement liée à la recherche d’impact social, qui caractérise le mouvement. Des rapports pluriels sont entretenus par le surréalisme avec l’imagerie commerciale. Suivre le fil de l’objet offre ainsi une nouvelle perspective sur le mouvement surréaliste dans sa globalité.
Lisons encore ce que l’artiste belge Pol Bury (1922-2005) écrivit, dans « Journal d’une Vacance » : « Si le Credo révolutionnaire des surréalistes n’a pas réussi à démocratiser l’art et sa création, le marché artistique et sa promotion ont fini par le rendre familier et le surréalisme est entré dans le patrimoine officiel et privé. Là où le matérialisme dialectique a échoué, le capitalisme a réussi. »
Concernant l’un des chapeaux melons de René Magritte, Marie Godet déclara : « Voici l’un des fameux chapeaux portés par Magritte. Ses initiales sont brodées à l’intérieur sous forme de deux pastilles métalliques. En 1987, à la mort de sa femme, Georgette, à Bruxelles, au ‘Palais des Beaux-Arts’, toute une série de ses tableaux fut mise en vente par ‘Sotheby’s’, … mais aussi le contenu de sa maison, ses effets personnels. Ainsi Jean-Michel Folon y acheta sa montre, pour ne pas la voir disparaître. On a donc assisté à un retournement de situation : René Magritte détourne l’objet quotidien, et, après son décès, les siens sont vendus comme des œuvres d’art. »
Profondément actuelle, cette exposition novatrice propose une réflexion sur le côté subversif, essence même du surréalisme, et sur la façon de le montrer aujourd’hui. Elle met en évidence le rapport de l’objet à l’art et à la commercialisation. Le lien entre l’objet et le corps ainsi que la place des femmes sont également interrogés.,
Pour Marie Godet, évoquant le surréalisme : « Il s’agit de provoquer un déclic, de nous amener à changer notre façon de voir les choses, de penser et d’agir. »
Notons que la présente exposition s’inscrit dans la lignée de trois grandes expositions que le « BAM » (devenu le « CAP ») consacra à ce mouvement : « Le Surréalisme en Belgique 1924-2000″, en 2006, « Giorgio De Chirico – Aux origines du Surréalisme belge », en 2019, et « Joan Miró », en 2022.
Carnets du visiteur : disponibles gracieusement à l’accueil.
Performance d’Amélie Van Liefferinge : dimanche 16 février, à 15h (inclus dans le prix d’entrée).
Médiateurs : présents dans l’exposition, les dimanches, de 14h30 à 17h30 (inclus dans le prix d’entrée).
Visite guidée, pour individuels : samedi 19 janvier, de 15h à 16h30. Prix : 11€ (8€, en prix réduit).
Animation, au « Dynamusée » :
Vendredi 07 février, de 19h à 21h30: Soirée « 100 chaussettes », pour 50 enfants de 3 à 12 ans. Prix d’accès par enfant : 6€ (les pyjamas et doudous seront les bienvenus). A 19h, les parents déposent leurs enfants, qui sont pris en charge par des animateurs. Au programme : écoute d’un conte, visite accompagnée de l’exposition et atelier créatif. Les parents sont attendus pour 21h30, afin de reprendre leurs progénitures. Réservations : 065/40.53.38.
Possibilité de nous attarder, à l’extérieur, dans le « Jardin du Poirier Beurré », et/ou de visiter la collection permanente de la « Maison des Collections », le nouveau musée d’histoire et du patrimoine de Mons.
Ouverture de l’exposition : jusqu’au jeudi 16 février, du mardi au dimanche, de 10h à 18h. Prix d’entrée : 9€ (6€, en prix réduit / 1€25, pour les « Art. 27 » / 0€, pour les moins de 12 ans & pour tous, le dimanche 02 février). Réservation pour les visites de groupes, libres ou guidées : 065/40.53.46 & groupes@ville.mons.be. Contacts : 065/33.55.80. Site web : http://www.cap.mons.be.
Possibilité de nous attarder, à l’extérieur, dans le « Jardin du Poirier Beurré », et/ou de visiter la collection permanente de la « Maison des Collections », le nouveau musée d’histoire et du patrimoine de Mons. Ouverture : du mardi au dimanche, de 10h à 18h. Prix d’entrée : 4€ (3€, en prix réduit / 1€25, pour les « Art.27 » / 0€, pour les moins de 12 ans & pour tous, les premiers dimanches du mois).
Cette « Maison des Collections » – l’ancienne « Maison Jean Lescarts » (édifiée en 1636), du nom d’un ancien bourgmestre (1851-1925) – souhaite nous conter l’histoire de Mons, en même temps que l’histoire qui est en train de s’écrire aujourd’hui, par le prisme des collections muséales de la Ville de Mons. Elle met en évidence l’importance de la mémoire et de la transmission patrimoniale montoise, pour façonner l’évolution de la Ville. Elle montre les filiations, rapproche les patrimoines, les cultures et les différentes strates de l’histoire, pour expliquer la Ville contemporaine et interroger son futur. Avec le « Jardin du Poirier Beurré » et le « Musée des Beaux-Arts », elle forme le « CAP » (« Culture, Art et Patrimoine »), inauguré en avril 2024.
Yves Calbert.