Les 80 Ans du « Journal de Spirou », ce 21 Avril
Ce samedi 21 avril, le « Journal de Spirou », devenu, plus simplement, « Spirou », fête ses 80 ans ! A cette occasion, depuis ce mercredi 18, un numéro spécial de 100 pages est vendu au prix de 2€90.
Nous y découvrons les 20 premières pages de « Spirou ou l’Espoir malgré tout », un premier épisode sur dix prévus, dessins et scénario d’Emile Bravo (°Paris/1964), avec une mise en couleurs de Fanny Benoit (°Hauts de Seine/1981).
Synopsis : « Nous sommes à Bruxelles, en 1940. Des enfants se lancent des boules de neige. Parmi eux, « Spirou », quelque peu rajeuni. Un policier est blessé et « Spirou » est emmené au commissariat de police. Rapidement libéré, il reprend ses fonctions de groom au « Moustic Hôtel ». « Fantasio » vient à sa rencontre. Ensemble, il vont boire un café au domicile d’un couple de peintres juifs. A l’aube d’un matin de mai, des avions allemands survolent la capitale… »
Ainsi débute la suite d’un « one shot » d’Emile Bravo, « Spirou, Journal d’un Ingénu », qui reçut le « Grand-Prix RTL de la Bande Dessinée », en 2008. nous présentant sa vision personnelle d’un « Spirou » adolescent, plein de questionnements : « Comment un adolescent qui tient les portes dans un hôtel peut-il se révéler et devenir le jeune aventurier que nous connaissons ? Pourquoi celui-ci choisira-t-il de garder sa livrée de groom ? A-t-il été amoureux ? A-t-il une conscience politique ? D’où vient son amitié indéfectible avec ‘Fantasio’ ? Et ‘Spip’ ? … »
Avec le « Spirou » du Parisien Emile Bravo, nous nous retrouvons bien éloignés de l’ambiance propre à celle proposée par « Jijé » (Joseph Gillain/1914-1980) ou André Franquin (1924-1997), qui nous présentaient, sans aucun contexte historique, aux limites, parfois, du fantastique, un « Spirou » aventurier, décidé, éloigné de toute vie sentimentale, … ce qui était la règle à l’époque, pour preuve l’absence de pratiquement toute présence féminine dans l’oeuvre d’ « Hergé » (Georges Remy/1907-1983), … dont Emile Bravo s’est inspiré pour un clin d’oeil au « Lotus bleu », publié dans le « Petit Vingtième », en 1934-1935…
Ainsi voit-on, dans « Spirou, Journal d’un Ingénu », le célèbre groom dans une position identique à celle de « Tintin », accroché à l’extérieur d’une voiture, ce qui nous permet d’évoquer la grande rivalité qui exista entre le « Journal de Spirou » et le « Journal de Tintin », qui fut publié, à Bruxelles, par les « Editions du Lombard », entre 1946 et 1988, même si certains auteurs travaillèrent pour les deux hebdomadaires, tels André Franquin, créateur de
« Modeste et Ponpon », pour le « Journal de Tintin », de même que Raymond Macherot, à l’origine de « Chlorophylle »,…
A noter, encore, que, de nos jours, les couvertures du « Journal de Spirou » se réfèrent, parfois, à la triste ou à la joyeuse actualité , de « Charlie Hebdo » aux « Diables Rouges » ! …
Vu le succès remporté par son « One Shot », Emile Bravo se lance, ici, dans la création d’une bande dessinée en quatre volumes… Une bonne raison, déjà, d’acquérir ce numéro spécial, au sein duquel nous découvrons, de la page 66 à la page 75, dix pages du premier épisode, sur dix, de l’ « Eruption », une aventure de « FNRCK », un autre adolescent, qui, à 13 ans, re retouve au contact de personnages préhistoriques, superbement dessinés par Brice Cossu (°1982), mis en couleurs par Yoann Guillo (°1980), sur un scénario d’Olivier Boquet (°1974), qui, eux aussi, sont les auteurs d’un « One Shot » de
« Spirou » : « Le Triomphe de Zorglub ».
Avec « Seuls », nous découvrons, de la page 40 à la page 51, les 12 premières pages du premier épisode, sur sept, des « Cloueurs de Nuit », dessiné par un Liégeois d’origine italienne, Bruno Gazzotti (°1970), mis en couleurs par « Usagi » (Patricia Tilkin/°1970), sur un scénario de Fabien Vehlmann (°1972), où nous retrouvons dans des décors féodaux et contemporains, de jeunes protagonistes, Camille, Terry, Yvan, avec un bus à impériale qu’on sort de l’eau ou les « magisters » ayant rejoint Néosalem… Comme le dit Yvan : « Nous avons l’éternité devant nous »…
Quant aux « Campbell », ils en sont au 7ème épisode, sur dix, des « Trois Malédictions », de la page 88 à la page 93, en six pages, avec en page 92, une case fantastique, remplissant une pleine page, digne d’un film du « BIFFF » (« Brussels International Fantastic Festival »), avec un crocodile géant évoluant entre des parois rocheuses décrites comme étant des « édifices monumentaux sculptés par les indigènes de la région »… La mise en couleurs est signée par l’Espagnol Sergio Sedyas, alors que les dessins et le scénario sont de son compatriote José Luis Munuera (°1972), traduit par Anne-Marie Ruiz (°1970)…
Alors, précipitons nous pour acquérir ce N° 4175, de la 81ème année de « Spirou » (ex « Journal de Spirou ») dans lequel nos retrouvons, également,
l’ « Agent 212 », « Nelson », « Dad », « Imbattable », « L’Atelier Mastodonde » et « Les Cavaliers de l’Apocadispe », sans oublier huit pages de « Colorine » – dessins et mise en couleurs de Lucy Mazel (°1986), sur un scénario de l’Anderlechtois « Zidrou » (Benoît Drouzie/°1962), – de la page 78 à la page 85, où un couple se couche « en imaginant comment le lendemain, redonner des couleurs à la vie de leur bel amour »…
… Ceci sans oublier la longue histoire du « Journal de Spirou », qui débuta le 21 avril 1938, autour de son personnage éponyme, créé – à la demande de Jean Dupuis, (1828-1912), fondateur, en 1898, des « Editions Dupuis » -, par le Français « Rob-Vel » (Robert Pierre Velter/(1909-1991), qui, militaire, en 1914, envoie ses planches de « Spirou » du front, afin que le rythme de publication d’une planche par semaine (un rythme bien différent des dix pages du 21 avril 2018, consacrées à l’actuelle aventure du célèbre groom), soit respecté.
Fait prisonnier de guerre et injoignable, c’est « Jijé » qui reprend les aventures de « Spirou »… Le « Journal de Spirou » étant interdit de publication, en 1943, par l’occupant allemand, « Rob-Vel » se décide à vendre son personnage aux « Editions Dupuis » qui confirme leur choix de confier ce dernier au Gedinois « Jijé », dont les personnages de « Jean Valhardi », « Jerry Spring », « Tif et Tondu » vinrent, peu après, égayer les pages du « Journal de
Spirou », un hebdomadaire, alors publié à Marcinelle, où « Lucky Luke« , créé par le Courtraisien « Morris » (Maurice de Bevere/ 1923), vécut ses aventures de 1947 à 1967, ce célèbre « lonesone » (solitaire) cow-boy ayant vécu sa première aventure, « Arizona », dans l’ « Almanach de Spirou » de 1947, publié fin 1946.
C’est en 1958 que le Bruxellois « Peyo » (Pierre Culliford/1928-1992) fit apparaître ses « Schtroumpfs » dans « Le Journal de Spirou », au sein d’une aventure féodale de « Johan et Pirlouit », « La Flûte à six Trous », devenue en album « La Flûte à six Schtroumpfs », qui connaissent leur propre série, dès 1959, « Johan et Pirlouit » ayant été créés, dans ce même hebdomadaire, avec le « Châtiment de Basenhau », le 11 septembre 1952. En outre, dans le n° 1183, en 1960, « Peyo » créa, aussi, un jeune personnage contemporain, à la force surhumaine, Benoît Brisefer, alors qu’il avait donné vie à « Poussy », dans le quotidien « Le Soir« , avant sa présence dans l’hebdomadaire de Marcinelle, de 1965 à 1977, deux séries qu’il dut abandonner vu l’immense succès de ces petits « Schtroumpfs »…
Et comment ne pas oublier, au sein de ce même « Journal de Spirou », « Gaston Lagaffe », un anti-héros créé par André Franquin, en février 1957, de même que son « Marsupilami », auquel il donna le nom scientifique de « Marsupilamus fantasii », apparu pour la première fois en 1952, au sein de l’aventure « Spirou et les Héritiers » avant de connaître sa propre série dès 1987, alors que dans les années ’90 le « Marsupilami » fut présent dans les parades des « Parcs Disney », la société hollywoodienne « Disney » ayant acquis, pour une courte période, l’indispensable licence d’exploitation, « Marsupilami » ayant ainsi vécu en dessins animés des « Studios Disney »…
De nombreux autres personnages firent les beaux jours de cet hebdomadaire, tels « Boule et Bill » (Jean Roba/1930 –2006) ; « Broussaille » et « Zoo » (Franl Pé/°1956/auteur, avec « Zidrou », au scénario, du « One Shot » de « Spirou » « La Lumière de Bornéo » ; Buck Dany » (Jean-Michel Charlier/1924-1989 & Victor Hubinon/1924-1979) ; « Gil Jourdan » (Maurice Tillieux/1921-1978) ; « La Patrouille des Castors » (« Mitacq »/Michel Tacq/1927-1994) ; « Les Timour », dès le N° 813, en 1953, et « L’Epervier bleu », dès le N° 30, en 1942 (« Sirius »/Max Mayeu/1911-1997) ; « Marc Dacier » (« Eddy » Paape/Edouard Paape/1920-2012) ; « Natacha » et « Jeannette Pointu » (François Walthéry/°1946) ; « Tif et Tondu » (Fernand Dineur/1904-1956/dont les personnages étaient présents dans le premier numéro du « Journal de Spirou », puis repris par « Will »/Willy Maltaide/1927-2000), ce dernier créant, en 1968, dans le N° 1654, « Isabelle », sur un scénario d’Yvan Delporte (1928-2007/rédacteur en chef du « Journal de Spirou », de 1956 à 1968) et Raymond Macherot (1924-2008/qui créa « Chaminou », en 1964, et « Sibylline », en 1965, pour le « Le Journal de Spirou »), …
N’oublions pas, non plus, dès 1951, « Les belles Histoires de l’Oncle Paul », mettant en scène diverses courtes biographies signées par différents auteurs, ni le « Trombone illustré« , un supplément agrafé à trente reprises au milieu du « Journal de Spirou », du 17 mars au 20 octobre 1977, publié sous l’impulsion d’André Franquin et d’Yvan Delporte, qui brisent, avec l’appui de nombreux auteurs, les conventions formelles du récit dessiné et les tabous d’un journal plutôt bien-pensant. Autre suppléments originaux, publiés en feuillet central, de quatre pages, les mini-récits, appréciés des enfants, qui découvrent, une fois quelques pliages effectués, en 48 petites pages, une histoire complète, comme « Les Schtroumpfs noirs », qui inaugura la série, le 2 juillet 1959, dans le numéro 1107, une aventure qui, en 1963, fut publiée en album, de format ordinaire, des « Editions Dupuis ».
… Alors, « schtroumpfons »-nous bien vite, pour « schtroumpfer » ce « schtroumpf » spécial N° 4175 de « Spirou », en nous rappelant que c’est en 1957, lors d’un repas, que « Peyo » demanda à André Franquin de lui passer une salière. Oubliant ce nom, à cet instant là, il s’exclama : « Passe-moi… le
'schtroumpf' » ! …
Yves Calbert.