"21, Rue de la Boétie", à Liège, au "Musée de la Boverie", jusqu'au 19 Février
Grâce à Anne Sinclair, auteure du livre « 21, rue de la Boétie » (Editions « Grasset ») et de son grand-père, Paul Rosenberg (1881-1959), l’un des grands marchands d’art de la première moitié du 20ème siècle, empruntons donc un parcours au croisement de l’histoire de l’art et de l’Histoire, avec un grand « H »..Dernier week-end, à Liège, ces 18 et 19 février, au« Musée de la Boverie », pour « 21, Rue de la Boétie », leur seconde expo temporaire depuis sa réouverture. Devant son immense succès, alors qu’elle devait se terminer le 29 janvier, elle a été prolongée de … 21 jours, … clin d’oeil au titre de cette intéressante exposition.
Agent et ami de Braque, Léger, Matisse, Picasso, …, Paul Rosenberg possédait sa renommée Galerie d’Art, fondée en 1910, à Paris, au 21, rue de la Boétie, d’où le titre du livre de sa petite-fille et de l’actuelle exposition, présentant, quant à elle, une soixantaine d’oeuvres d’art moderne, en provenance des plusgrands musées du monde et de collections privées,certaines exposées pour la première fois en Belgique, la plupart ayant appartenu à ce réputé galeriste parisien.
Ainsi, aux côtés depeintures et sculptures renommées, la présenteexposition temporairenous propose – dans une scénographie multimédia particulièrement réussie, réalisée par « Tempora » – une sélection de documents exceptionnels, jamais montrés auparavant, provenant d’archives européennes et américaines, nous permettant de comprendre les relations particulières qui unissaient ce marchand d’art à différents artistes, aussi bien que la construction du marché de l’art aux prémices de la modernité.De confession juive, Paul Rosenberg, fut victime des tourments de son époque. Déchu de sa nationalité française par le régime de Vichy, il se fait saisir une grande quantité d’œuvres par l’occupant, sa Galerie, par une cruelle ironie, devenant, en 1941, le siège de l’ « Institut d’Etude des Questions juives », une officine antisémite française, soutenue par la« Propagandastaffel », un service chargé par les autorités nazies de lapropagande, ainsi que du contrôle de la presse et l’édition françaises, pendant l’Occupation.
Conscient du danger de guerre, Paul Rosenberg, incitant ses amis artistes à faire de même, envoie un grande partie de sa collection à New York, lui même s’y rendant en 1940, grâce à un visa octroyé par le Consul Général du Portugal, à Bordeaux. L’occasion lui est ainsi offerte d’ y ouvrir une galerie, sur la 79e rue. Suite à son décès, la galerie et l’entreprise sont reprises par son fils Alexandre, jusqu’à sa mort, en 1987, l’épouse de ce dernier, Elaine, héritant de ce patrimoine, les précieuses archives du grand-père étant offertes, après le décès de Micheline Rosenberg, en 1997, au « MoMA », à New York.Comme le souligne Elie Barnavi, l’un des concepteurs de l’exposition, celle-ci est probablement la première à confronter des peintures d’avant-garde, nommées « dégénérées » par les Nazis, à des oeuvres « germaniques », sur de mêmes thèmes (la famille, la femme, la mythologie, …), mais avec une vue nettement plus austère. Aini, évoquant un repas familial, nous découvrons « La Famille Soler »(Pablo Picasso, 1903), confrontée à la« Bergbauern Familie » (Rudolf Otto, 1944).
Dans les dernières salles, des écrans nous révèlent desextraits du film « The Train » (John lmFrankenheimer/Fra.-USA/1964/133’/avec Burt Lancaster, Jeanne Moreau & Michel Simon), évoquant un transport d’oeuvres d’art par lesAllemands, le train étant stoppé par des résistants français, qui permirent à de nombreuses peintures etsculptures d’être préservées au sein du patrimoine français, certaines ne retrouvant leurs propriétaires ouhéritiers que près qu’en ce début du 21ème siècle.
Avant de quitter cette superbe exposition, une ligne du temps nous permet de voir comment une peinture, parmi bien d’autres, a pu voyager dans plusieurs pays européens et aux Etats-Unis, avant de retrouver son accrochage d’avant guerre.
Mais pour en revenir à la qualité des oeuvres exposées, comme le dit Elie Barnavi: « Il est très rare, à notre époque, de trouver un tel rassemblement d’œuvres d’art moderne, créées par de grands maîtres, concentrées en un même lieu » .
Prix d’Entrée: 17€ ( dès 65 ans: 14€ / de 06 à 18 ans, étudiants & membres d’un groupe de min. 20 personnes: 12€ / – de 6 ans: entrée gratuite / « Article 27: 1€25 / forfait familial, pour 2 adultes et 2 enfants: 48€). Catalogue disponible à la boutique du Musée.
Yves Calbert.