Pays de Forcalquier : la Haute-Provence au naturel

écrit par francois.detry
le 06/04/2021
1 Forcalquier

C’est le pays de Giono, la Provence rêvée, avec ses petits villages perchés coiffés de châteaux médiévaux, ses marchés colorés, ses champs de lavande, ses oliviers et ses collines baignées de soleil.

Pour le découvrir, on peut opter pour la thématique botanique, la Haute-Provence étant le premier producteur de plantes à parfum, aromatiques et médicinales de France.

Si on préfère la littérature, on marchera dans les pas de Jean Giono, de Manosque à la montagne de Lure, en passant par le village de Lurs. On pourra aussi aller de châteaux en abbayes, le patrimoine de la région étant particulièrement riche.

Enfin, on goûtera à la dolce vita provençale sur les petites places ombragées des villages, sans oublier de craquer pour tous les bons produits locaux.

Attention ! En raison de l'épidémie de Covid-19, certains sites et établissements peuvent être fermés et des activités peuvent être modifiées, voire suspendues.

Photos 1 à 3   Forcalquier, au cœur de la Provence

Forcalquier ? Une petite ville située à 20 km au nord de Manosque, au charme tout provençal, avec ses ruelles, son église, ses placettes et ses terrasses.

Pour monter en haut de la colline de la citadelle, c’est un peu raide, mais la vue à 360° vaut bien ce petit effort. De l’esplanade, le regard porte sur la vallée de la Durance, les premiers sommets des Alpes, la montagne de Lure et le Luberon.

Ici s’élevait autrefois le château des comtes de Forcalquier. À sa place, on a érigé au 19e s la chapelle Notre-Dame de Provence, octogonale et de style néo-byzantin.

En face, le carillon (2018), doté de 37 cloches, est unique en son genre. C’est le seul de la région à être exclusivement manuel, avec un jeu « à coups de poing », son autre originalité étant de ne pas se trouver au sommet d’un clocher ou d’un beffroi.

On peut l’entendre les dimanches et jours de fêtes religieuses, mais aussi le lundi matin, au moment du marché provençal (8 h-13 h), le plus grand du département. Le jeudi après-midi (15 h-19 h), se tient aussi un petit marché paysan, où agriculteurs et artisans locaux vendent leurs produits.

Au centre de Forcalquier, le musée Artemisia est une belle entrée en matière pour comprendre les paysages et l’identité du territoire.

Installé dans le couvent des Cordeliers, l’un des plus anciens monastères franciscains de Provence (1236), le musée propose, au fil des 8 espaces du parcours scénographique, une plongée dans l’histoire de l’exploitation des plantes à parfum, aromatiques et médicinales de la montagne de Lure depuis le 16e s (les chemins des colporteurs, la biodiversité locale, les distilleries de lavande et d’alcool…).

Une visite interactive et sensorielle, que l’on peut compléter, pourquoi pas, par un atelier de parfumerie ou de cosmétique (2 h).

Photo 4. Les rochers fantastiques des Mourres

Au nord de Forcalquier, sur le plateau des Mourres, on avance dans un paysage étonnant, au milieu de rochers aux formes étranges, qui font parfois penser à des têtes d’animaux ou d’hommes, d’où le nom de « mourres » qui signifie « figure », « museau », en provençal.

Ce caprice géologique est le résultat d’un lent travail d’érosion : il y a 25 millions d’années, les roches calcaires étaient enchâssées dans des marnes friables, qui, au fil du temps, ont disparu, dévoilant les rochers que l’on voit aujourd’hui. De là-haut, on a un joli panorama sur la région environnante.

On peut s’y rendre à pied depuis le centre de Forcalquier (la boucle fait 2 h 15, 6,6 km). Si vous êtes pressé ou n’avez pas envie de marcher, vous pouvez aussi y aller en voiture. Pensez à prendre chapeau et crème solaire : le soleil tape fort, dans ce milieu semi-désertique.

Photos 5 et 6   La montagne de Lure et son abbaye

Marquant la limite septentrionale du pays de Forcalquier, la montagne de Lure ( photo 5 ), que Giono surnommait la « montagne bleue », s’étire sur 48 km d’ouest en est, et culmine à 1 826 m.

Située à un carrefour bioclimatique, entre mondes méditerranéen et alpin, elle possède une biodiversité exceptionnelle (plus de 1 600 espèces végétales), qui lui ont valu d’être désignée Réserve de biosphère par l’Unesco et classée Natura 2000 et Espace naturel sensible.

Au 16e s, les villageois ont commencé à exploiter sa richesse botanique, cueillant des plantes sauvages à destination des herboristeries. Une activité qui a perduré jusqu’au début du 20e s. Puis, dans les années 1930, on y a ouvert une station de ski, dont il ne reste qu’un seul téléski.

Aujourd’hui, la montagne de Lure s’est tournée vers les activités de pleine nature. En été, on y pratique la rando, le trail, la trottinette sur herbe, le tubbing ou le VTT.

Parmi les randonnées possibles, on peut emprunter le GR6, surnommé le « sentier des naturalistes », depuis Saint-Etienne-les-Orgues, où un circuit permet de voir plusieurs maisons de colporteurs droguistes.

Puis, à 1 236 m d’altitude, on fait halte à l’abbaye Notre-Dame-de-Lure ( photo 6 ) , un endroit hors du temps, à l’atmosphère apaisante. Du monastère chalaisien édifié au 12e s, il ne subsiste aujourd’hui que l’église, qui sommeille à l’ombre d’arbres multicentenaires. Un ermite à la longue barbe blanche veille à ce que rien ne trouble l’harmonie des lieux.

Enfin, on arrive sur les crêtes de la montagne de Lure, où l’on profite d’un superbe panorama. En chemin, on collecte des infos sur les plantes (ancolie de Bertoli, panicaut blanche épine), les animaux (la vipère Orsini, endémique) et l’histoire des colporteurs droguistes, sur les panneaux et dans le petit livret « Les plantes aromatiques et médicinales » (vendu à l’office du tourisme et téléchargeable gratuitement). Il est aussi possible de suivre le Sentier des Crêtes de Lure au départ de la station (une boucle de 7 km).

Photos  7 et 8    Lurs, un village culturel

Le joli village de Lurs (photo 7 ) est riche d’un patrimoine remarquable. Après être passé sous la tour de l’horloge, couronnée d’un campanile abritant la plus ancienne cloche du département (1499), on arpente ses ruelles caladées, découvrant l’ancien château épiscopal (12e s), qui fut la résidence des évêques de Sisteron, le Prieuré et le Séminaire (16e-17e s), l’église Invention de la Sainte-Croix, dotée d’un beau clocher-peigne à trois cloches ( photo 8 )

À voir aussi : la chapelle des Pénitents blancs (17e s), aujourd’hui transformée en lieu d’exposition, et enfin la petite chapelle Notre-Dame-de-Vie (1552), située au bout de la promenade des Évêques, jalonnée de 15 oratoires.

Pour aborder le village de manière originale, suivez donc le Chemin des écritures, qui invite le promeneur à découvrir de manière ludique toutes les formes d’écriture depuis l’aube de l’humanité.

Ce parcours a été inauguré en 2010 par l’association des Rencontres internationales de Lure, créée par Jean Giono et Maximilien Vox en 1952, et qui rassemble chaque été la fine fleur des graphistes et des typographes.

Le théâtre Marius, à l’allure faussement antique, fut, lui, bâti dans les années 1960.

Le village compte aussi une galerie d’art contemporain (Pigments), un petit magasin de producteurs (Chez Justine) qui vend, entre autres produits locaux, l’huile d’olive fabriquée à l’ancienne au Moulin de la cascade, tout proche ; mais aussi un bistrot de pays et un café où l’on se pose en terrasse à l’ombre des arbres, en admirant la vue sur la vallée de la Durance et la « mer d’oliviers », comme l’écrivait si bien Giono.

Photo 9  Le plateau de Ganagobie, un lieu spirituel

C’est par une route en lacets serpentant au cœur d’une pinède que l’on accède au plateau de Ganagobie. Sitôt arrivé, on est envahi par l’atmosphère apaisante des lieux, habités depuis l’époque néolithique.

L’abbaye ( photo 9 ) date, elle, de l’époque romane. Après avoir restauré et agrandi le monastère, des moines venus de l’abbaye de Hautecombe se sont établis ici en 1992. Fidèles à la tradition bénédictine, ils accueillent dans l'hôtellerie ceux qui souhaitent y faire une retraite.

Les autres visiteurs peuvent entrer dans l’église (ouverte en dehors des offices), qui recèle un trésor : la plus grande mosaïque religieuse de France (72 m2), datant du 12e s et représentant un bestiaire fabuleux en lutte contre les forces du Mal. Impressionnant !

Puis, en empruntant l’allée des Moines jusqu’à une grande croix, on découvre un panorama superbe sur la vallée de la Durance. Enfin, en empruntant les petits chemins de traverse, au milieu des chênes verts côtoyant des rochers moussus aux formes fantastiques, on tombe sur un site d’extraction de meules, autrefois utilisées dans les moulins à grains, pour fabriquer la farine.

Photo 10  Autour de Mane, entre château, prieuré et jardins

À moins de 5 km au sud de Forcalquier, le village de Mane se blottit autour de sa colline, chapeautée par sa citadelle du 12e s, la seule fortification féodale de Haute-Provence à être restée intacte.

À la sortie sud du village, on découvre le prieuré bénédictin de Salagon, aujourd’hui classé Monument historique. L’église date du 12e s, mais ses vitraux sont signés d’une artiste contemporaine, Aurélie Nemours. Les autres bâtiments, eux, ont été construits entre le 15e s et le 19e s. Sous la cour, on peut aussi voir les vestiges d’une villa gallo-romaine.

Autour de l’édifice historique, on se promène dans les six jardins à thèmes, où près de 2 000 espèces et variétés de plantes indigènes et exotiques ont été plantées.

À 3 km plus au sud, on change d’atmosphère au château de Sauvan ( photo 11 ), surnommé le « Petit Trianon provençal ». Dans le pur style classique du 18e s, son architecture est unique en Provence, et les façades en pierre de taille et le perron à colonnes ne sont pas sans rappeler le palais de l’Élysée.

Dans les jardins, se pavanent une vingtaine de paons, tandis que des cygnes noirs glissent sur le miroir d’eau du bassin. C’est en 1981 que les deux frères Allibert ont acheté le château, qui tombait en ruine, et ont entrepris de le restaurer et de le remeubler avec des meubles d’époque. Il recèle aujourd’hui de nombreux objets rares et précieux, dont une chaise à porteur du 18e s, des lustres de Murano et de Baccarat, un encrier à l’effigie de Voltaire, un crucifix en argent massif ou encore l’éventail de Marie-Antoinette !

Photo 12  Belles découvertes à Simiane-la Rotonde

Stratégiquement perché au sommet du village, le château de Simiane-la-Rotonde ( photo 13 ) a certes subi les assauts du temps, mais il a de beaux restes ! Il fut construit au 11e s par les Agoult-Simiane, de puissants vassaux des comtes de Provence et de Forcalquier, puis remanié au fil des siècles, avant d’être abandonné pendant près de trois siècles.

Dans la salle du 14e s est présentée l’histoire des seigneurs d’Agoult, du village et du château, tandis que les appartements Renaissance accueillent des expos temporaires.

Mais le trésor est sans conteste la rotonde, au premier étage du donjon. Restaurée en 1875, cette vaste salle d’apparat est spectaculaire, avec sa voûte hélicoïdale et ses chapiteaux surmontés de masques expressifs. L’été, on y donne des concerts classiques pendant le festival « Les riches heures musicales de la Rotonde ».

À 5 km, on rejoint le jardin de l’abbaye de Valsaintes, un lieu à part. De l’ancienne abbaye cistercienne, habitée par les moines jusqu’à la Révolution, reste l’église du 17e s, dont le portail roman est classé.

Au solstice d’hiver, un disque de lumière solaire vient éclairer le centre de l’autel. Les propriétaires des lieux célèbrent l’événement avec des concerts et des chants grégoriens.

Dehors, au fil des restanques, on déambule dans le jardin sec (sans arrosage), sur la « voie des roses » (550 variétés) et dans le potager agroécologique. Ici, tout est naturel, et les plantes sont uniquement soignées par l’homéopathie et les huiles essentielles. Une philosophie qui s’applique également dans le restaurant.

Photos 14 et 15   Manosque, la cité de Jean Giono

Nichée entre cinq collines plantées d’oliviers, dans la vallée de le Durance, Manosque séduit avec les ruelles piétonnes de sa vieille ville, ses jolies églises et ses places agrémentées de terrasses.

Elle était autrefois entourée de remparts, percés de quatre portes monumentales, dont certaines sont toujours visibles, comme la porte de la Saunerie (14e s), au sud, et la porte de Soubeyran (13e s), au nord, qui a été surmontée d’une tour avec horloge et d’un campanile en fer forgé au 19e s.

C’est ici que naquit Jean Giono en 1895. Il ne quittera jamais sa ville natale, où son ombre plane encore. En 1992, le Centre Jean Giono ( photo 14 ) a pris ses quartiers dans l’hôtel Raffin, une belle bâtisse provençale du 18e s. On y découvre l’exposition permanente consacrée à l’écrivain, sa vie, ses inspirations livresques, ses rencontres, la manière dont son œuvre a traversé le temps et a été adaptée au cinéma.

On peut aussi visiter sa maison, le Paraïs, ( photo 15 ) située sur les flancs du Mont-d’Or, où Giono vécut et travailla pendant 40 ans, entouré des siens. On y découvre notamment la Remington Junior sur laquelle son épouse tapait ses manuscrits, sa riche bibliothèque, des lettres, des photos et son bureau de travail, qui semble attendre son retour imminent.

Pour aller plus loin, on peut participer à l’une des sorties organisées par le Centre Jean Giono (promenade littéraire dans Manosque ou rando littéraire autour de la ville). Ou alors se lancer en solo sur les traces de l’écrivain en suivant la Route Jean Giono, inaugurée l’année dernière, autour de la montagne de Lure.*

* L’ADT des Alpes-de-Haute-Provence et l’association « Route Jean Giono » ont publié un guide pratique et littéraire : « La Route Jean Giono » (10 €).

 

  • 1 Forcalquier
  • 2 Forcalquier
  • 3 Forcalquier - Couvent des Cordeliers
  • 4 Les rochers fantastiques des Mourres
  • 5 La montagne de Lure et son abbaye
  • 6 Abbaye Notre-Dame-de-Lure
  • 7 Lurs, un village culturel
  • 8 Tour de l'horloge de Lurs
  • 9 Le plateau de Ganagobie, un lieu spirituel
  • 10 Autour de Mane, entre château, prieuré et jardins
  • 11 Château de Sauvan
  • 12 Belles découvertes à Simiane-la Rotonde
  • 13 Donjon du château de Simiane-la-Rotonde
  • 14 Manosque, la cité de Jean Giono
  • 15 Maison de Jean Giono
Portrait de francois.detry
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