"Mathieu Pernot-Les Gorgan (1995-2015)", au "Delta", à Namur, jusqu'au 24 Octobre
"La photographie m'a permis de vivre toutes ces vies que je ne pouvais pas vivre parce qu'elle m'a mis au contact de gens, d'univers qui n'étaient pas les miens mais que je rêvais peut-être de rencontrer. Si je n'avais pas été photographe, je n'aurais peut-être eu qu'une seule vie. Là j'ai l'impression d'en avoir plusieurs", déclarait Mathieu Pernot, au micro d'Aurélie Charon.
Diplômé, en 1996, de l’ « Ecole nationale supérieure de la Photographie » d’Arles, il avait dit à ses examinateurs : « Ne regardez pas qui je suis, mais qui je vais devenir ». Ayant exposé, dès 1997, à Paris, au « Centre National de la Photographie », et à Arles, aux « Rencontres internationales de la Photographie », Mathieu Pernot (°Fréjus/ 1970) exposait, jusqu'au dimanche 19 septembre, au "Musée Juif de Belgique", à Bruxelles, ayant pris, également, la route de Namur, au confluent de la Sambre et de la Meuse, pour nous présenter, au "Delta", du samedi 28 août jusqu'à ce prochain dimanche 24 octobre, son expo : "Mathieu Pernot-Les Gorgan (1995-2015)".
Photographe de grand talent, il fut le lauréat du « Prix Cartier-Bresson » (2019), du « Prix Niepce » (2014), du « Prix Nadar » (2013), du « Prix Romanes » (2001, pour son livre « Un Camp pour les Bohémiens »), sans oublier l’obtention de deux Bourses, de la « Casa de Velazquez » (école française implantée à Madrid, pour un projet en Espagne, décernée en 2003) et de la « Villa Médicis hors les Murs » (1999, attribuée par l’ « AFAA » {« Association Française d’Action Artistique »}, pour son travail sur les Roms, en Roumanie).
De son exposition bruxelloise "Mathieu Pernot-Something is Happening", sur les migrants, de Dunkerque à Lesbos, en passant par les bancs de Paris, s'intéressant toujours aux populations défavorisées, il nous présente, ici, à Namur, une famille rom, les Gorgan.
Alors qu'il était âgé de 25 ans, il entra dans l’intimité de cette famille, entreprenant, durant une vingtaine d'années, un excellent travail documentaire, dont il tire cette sélection de photographies de tous formats, des clichés noir et blanc, pris au"Rolleiflex" aux agrandissements en couleurs, en passant par des portraits réalisés au "Polaroïd" ou dans un "Photomaton".
Accrochées aux murs du "Delta", nous découvrons, avec intérêt, aussi bien ses propres clichés que des photographies prises par des membres de cette famille, passant d'instantanés à des portraits posés, immortalisant des moments heureux aussi bien que des événements plus douloureux, liés à l’incarcération, à la mort.
Ainsi, nous voyons une caravane en feu, la tradition étant de brûler l'habitat d'un rom, après son décès, des portraits ayant été réalisés dans un pénitencier, en Avignon.
Cet ensemble de photographies nous est présenté sans hiérarchie aucune, ni distinction entre leurs auteurs, comme le souhaitait Mathieu Pernot, les Gorgan ne constituant plus un simple sujet d’études, étant devenus de véritables acteurs, impliqués à la fois dans la réalisation des images et le choix du contenu.
Lors du vernissage de son exposition namuroise, le vendredi 27 août, en présence de la députée provinciale à la Culture, Geneviève Lazaron, il nous confia : « J’ai rencontré la famille Gorgan, lorsque je faisais mes études. Je ne savais rien de cette communauté et ignorais alors que cette famille rom était installée en France depuis plus d’un siècle. J’ai réalisé mes premières images en noir et blanc, m’inscrivant dans une tradition documentaire face à ceux qui m’étaient encore étrangers. La découverte des quelques archives qu’ils possédaient m’ont rapidement fait comprendre que la diversité des formes et des points de vue était nécessaire pour rendre compte de la densité de la vie qui s’offrait à mon regard. C’est en 2013, plus de dix ans après avoir réalisé ces photographies, que nous nous sommes retrouvés, comme si l’on s’était quittés la veille. J’ai vécu en leur compagnie une expérience qui dépasse celle de la photographie. L’exposition reconstitue les destins individuels des membres de cette famille. Elle retrace l’histoire que nous avons construite ensemble. Face à face. Et désormais, côte à côte. »
A notre collègue Aurélie Charon, il déclara également : "J'ai d'abord photographié les enfants. On reconnaît dans le réel des choses qui nous parlent, leur force d'incarnation. J'ai fait des individus qui avaient une présence magnifique, une grâce, une brutalité en même temps. Mais il faut arriver à se comprendre, il faut qu'il y ait une symétrie. La relation s'invente constamment. La photographie n'est pas seulement le temps de la prise de vue. On essaie de faire au mieux, ensemble."
Avis à tous ceux qui s'intéresse à la potographie ou à l'ethnologie, mais aussi aux familles belges souhaitant se rendre compte comment les roms vivent au sein de leurs familles, Il ne nous reste qu'un week-end pour découvrir le vécu des Gorgan, vu par eux-mêmes et par Mathieu Pernod.
Ouverture : jusqu'au dimanche 24 octobre, de 11h à 18h, du mardi au vendredi, de 10h à 18h, le samedi et le dimnache.Prix d'entrée : 5€ (réduction avec le "Pass Delta"). Contacts : 081/77.67.73. Site web : www.ledelta.be.
Yves Calbert.