Historique de la randonnée et des sentiers de grande randonnée ( Jean Loiseau ) ( 1 L'enfance )
Aujourd’hui, l’Europe compte plus de 200 000 km de sentiers de randonnée européens G.R., dont beaucoup en France.
Les grandes randonnées, les sentiers des grands itinéraires, les sentiers LAW, les Gran Recorridos ou les Grande Rota... Saviez-vous que leurs origines remontent à une idée originaire des Ardennes luxembourgeoises et wallonnes ?
Le pionnier français de la randonnée Jean Loiseau (°1896 - †1982) a puisé son inspiration pour les itinéraires de randonnée balisés en blanc et rouge auprès de Maurice Cosyn de Bruxelles.
Sur cette page, nous vous raconterons tout sur le remarquable pionnier de la randonnée Jean Loiseau, comment l’idée des sentiers GR a germé et l’ouverture du tout premier sentier GR en France.
Un plan d’avant-guerre...
En 1945, immédiatement après la fin définitive des hostilités de guerre, des plans ont été élaborés en France pour l’ouverture de l’ensemble du pays avec de longs sentiers de randonnée récréative. C’est Jean (-Jacques) Loiseau (°1896 - †1982).
Ses projets de réseau national de sentiers français ne se sont pas concrétisés avec la liberté retrouvée après 5 ans de guerre. À la fin des années 1930, Loiseau avait déjà lâché un ballon pour un tel réseau de sentiers de randonnée balisés au niveau national. La montée des tensions guerrières a gâché, le plan a été contraint de disparaître dans le frigo... temporairement.
C’est l’histoire du déploiement naissant en réseau de dizaines de milliers de kilomètres de GR (Grandes Randonnées) en France et par extension dans d’autres pays européens. Mais surtout, l’histoire de Jean Loiseau, l’homme qui a allumé le feu ambulant blanc et rouge.
1. « Dès l’enfance »...
Le Parisien Jean Loiseau était déjà une légende vivante en France avant la période de guerre de la Seconde Guerre mondiale lorsqu’il s’agissait de « marcher sur plusieurs jours ». Professionnellement, il a été archiviste du patrimoine bâti de la prestigieuse Banque de France au cœur de Paris. Cependant, il a trouvé sa véritable vocation en publiant des livres de plein air et en écrivant des articles pour des magazines sur le camping et le trekking pendant l’entre-deux-guerres et au-delà. Il a hérité de cet amour de la « marche » dès son plus jeune âge.
Le Père Georges Loiseau-Bailly (°1858 - †1913), était un sculpteur professionnel, qui emmenait parfois son fils se promener dans sa région natale autour d’Avallon et lors de visites dominicales à la découverte des espaces verts en dehors de l’agitation du 15ème arrondissement du centre de Paris. Enfant de la ville, Jean appréciait le grand contraste des environs, loin des trottoirs et des vitrines parisiennes.
Jean Loiseau : « Enfant, j’étais déjà passionné par les fleurs, les arbres, les oiseaux et (en tant que citadin) les grands espaces libres. Mon père m’a formé à la marche parce qu’il pensait que c’était le sport idéal pour son fils. Pas tant à cause de l’aspect physique, mais comme un moyen de développer un amour pour la nature dans tout son équilibre, sa puissance créatrice et sa philosophie spontanée, que l’on pourrait appeler « l’esthétique par nature ».
Dès son plus jeune âge, il s’est familiarisé avec les paysages culturels historiques de l’ancienne Bourgogne et les périphéries verdoyantes de la métropole parisienne. En tant qu’artiste, le père Loiseau transfère le paysage à son fils lors de ces voyages avec l’analyse géologique, la connaissance de la nature, l’interprétation historique et les descriptions poétiques.
À l’âge de quatorze ans, Jean Loiseau participe à un camp de vacances de randonnée organisé par le Club Alpin Français à Fontainebleau. Un an plus tard (vers 1911), il devient chef de patrouille d’un groupe de scouts (EDF) dans le 5e arrondissement de Paris. Le scoutisme était une nouveauté en Europe à l’époque, Baden-Powell avait introduit le scoutisme seulement quelques années plus tôt. L’improvisation était encore à l’ordre du jour dans ces années pionnières des scouts.
Loiseau : « Je me souviens encore de mon premier voyage en tant que chef scout, où j’avais monté le programme moi-même à l’âge de 15 ans : dans le métro parisien, à pied à travers le bois de Boulogne, ascension du mont Valérien, cuisine au feu de bois dans une décharge publique et retour en tramway ! C’est un souvenir fantastique.
Ce que Jean Loiseau avait également hérité de son père, outre la transmission de connaissances par l’expérience du paysage en marchant, c’était son talent artistique. Dès son plus jeune âge, il réalise des croquis illustratifs et desdessins pratiques en noir et blanc qui égayent les articles des premières publications scoutes, dont le premier magazine scout français. Il a également trouvé beaucoup d’inspiration dans les applications ludiques et pratiques de l’artisanat du bois et de l’indianisme, des sagesses exotiques séculaires et des techniques venues d’Amérique et qui étaient à la mode à l’époque en raison de leur affinité avec le scoutisme. À ce jour, on trouve encore des traces d’indianisme dans le travail scout, comme le nom du totem. D’ailleurs, le totem de Jean Loiseau était « Le Renard »... Son approche intelligente et son opportunisme réfléchi y sont sans doute pour quelque chose...
Il n’est pas exagéré de dire que Jean Loiseau est également connu comme le pionnier du camping pédestre, du camping piéton ou du camping itinérant, un mode de voyage dans lequel les circuits trekking / nature sont combinés avec le bivouac. Étudiant à l’université parisienne, il devient également président du Camping Club Universitaire de Paris au début des années 1920.
C’est pourquoi notre fanatique de sports de plein air d’avant-guerre avait ses propres principes sur la bonne forme d’une longue randonnée entre deux nuits de camping :
« Vous ne devriez pas simplement marcher pour le plaisir de marcher. » ...) Chaque longue randonnée doit être entreprise comme une exploration, au cours de laquelle chaque membre du groupe doit apporter ses meilleures qualités à la table en matière d’évaluation et d’observation, et être capable de s’interroger encore et encore. (...) La nature est comme un immense musée non étiqueté.
Les campings officiels ont poussé comme des champignons dans les années 1930, mais vous pouviez également planter votre tente sans inscription dans de nombreux endroits. Le camping libre dans la nature était tout à fait normal à l’époque.
« Nous nous sommes arrêtés pour la nuit dans un endroit que nous avons trouvé agréable et beau, avec l’accord du propriétaire qui est rapidement devenu un ami. À l’époque du camping, nous étions libres de planter notre tente à peu près n’importe où... Ce ne devait pas être long ; La police et les règlements ont rapidement mis un frein à cette indépendance anarchiste », a déclaré Jean Loiseau plus tard dans sa vie. Ce dernier est vrai. En raison du grand succès des mouvements de jeunesse et des organisations de camping et de la reconnaissance légale du droit aux vacances, le camping a pris son envol. À la fin des années 1930, des réglementations plus strictes en matière de camping ont été imposées.
Nous remarquons que Loiseau s’éloigne également davantage du travail scout classique lorsqu’il En novembre 1929, une polémique éclate dans le journal Le Jour à propos du comportement des groupes de scouts sur les terrains de camping. Loiseau intervient dans la discussion :
« Malheureusement, il est vrai que dans pas mal de cas les camps scouts sont organisés 'anarchistes' et que leur passage est très proche de celui des armées d’Attila... Cependant, faire croire que le scoutisme est comparable au banditisme est injustifié... Combien de fois ai-je vu un camp scout admirablement organisé avec de bons leaders qui ont le sens des responsabilités... D’un autre côté, Loiseau est également très critique à l’égard de certaines activités scoutes :
« Parfois, les pratiques désuètes des groupes scouts font sourciller les amateurs de plein air sincères. J’étais parfois perplexe devant la façon dont le camping est parfois perçu à l’envers, comme si l’on campait comme à l’époque de Napoléon ou des Gaules... Aucune idée de la perfection matérielle, d’un bon endroit pour dormir ou des techniques de cuisson... Les garçons partent avec des sacs à dos surchargés et trop petits enroulés autour d’une couverture, ce qui peut les amener à arriver au camping trempés... Par exemple, Loiseau s’attarde un moment sur les techniques lamentables et les matériaux inappropriés utilisés par les groupes scouts. Ils devraient accorder beaucoup plus d’attention aux évolutions modernes lorsqu’ils entreprennent un voyage de camping.
En 1918, Loiseau écrit son premier livre, « Le Guide du Scoutmaster », un guide avec des conseils pour les chefs de patrouille. En 1922/23, Loiseau publia même à compte d’auteur un Manuel du scoutisme en deux volumes. En tant qu’autodidacte, il met ses connaissances au premier plan d’un large éventail de connaissances pratiques de la nature, des techniques d’observation au pistage en passant par l’astronomie. Le serment d’honneur et de chevalerie qu’un scout doit montrer ainsi que de nombreuses techniques pratiques sont également abordés, le tout illustré de dessins typiques de sa main et dans un style qui sonne très pédant aujourd’hui.
Curieusement, peu de temps avant la publication de ce livre en deux parties, il se retire des Éclaireurs de France, les Boy Scouts français en pleine croissance. La raison n’est pas si claire. On peut supposer qu’en tant que laïc, il avait des difficultés avec l’emprise que le pilier catholique essayait d’avoir sur les scouts. Les Boy Scouts sont-ils devenus trop paternalistes pour lui ou sa vision ne correspondait-elle plus à celle d’un nouveau conseil d’administration ?
Au cours des années 1920, le domaine d’intérêt de Loiseau se concentre également plus exclusivement sur le camping (sous la forme que l’on interprète aujourd’hui plus communément comme le « bivouac ») et les voyages. La préparation des randonnées et le choix soigneux des matériaux de trekking adaptés à la route sont d’une importance capitale. À l’époque de l’essor des sports récréatifs de plein air et du tourisme pour les jeunes (années 1915 à 1940) tels que la randonnée, les excursions à vélo de plusieurs jours et le canoë, Loiseau a tout mis en œuvre pour affiner et perfectionner l’équipement de trekking, tout à fait révolutionnaire pour l’époque.
( Recherche de Jean - Pierre Englebert )