Au "Musée de la Photographie", à Mont-sur-Marchienne, jusqu'au 26 Mai

écrit par YvesCalbert
le 05/05/2024

Inauguré en 1987, sis dans l’ancien carmel de Mont-sur-Marchienne, le « Musée de la Photographie » – qui, avec ses 6.000 m2, est le plus vaste musée européen de la photographie, possédant une collection de 100.000 photographies et plus d’1,5 million de négatifs – nous attend jusqu’au dimanche 27 Mai, pour découvrir ses 5 expositions temporaires :

*** "Peter Knapp. Mon Temps" :

« Ce qui me motive, c’est de transformer des idées en images. Je cherche à visualiser mes pensées, à exprimer en images mes fantasmes et histoires. Je ne prends pas de photos, je les fais », écrit le photographe et graphiste suisse Peter Knapp Bäretswil/1931).

Lorsqu’en 1959 Hélène Lazareff, fondatrice de "Elle", demande à Peter Knapp de créer la ligne éditoriale du magazine, souhaitant donner un nouvel élan à son média, voulant finir avec le chic glacé, les mannequins figés dans l’éclairage d’un studio ou sur les escaliers de marbre d’une maison de haute couture. Avec "Elle", pour André Courrèges, la mode doit faire place au prêt-à-porter décomplexé, qui doit triompher, libérant les formes, les femmes. L’époque est au changement, depuis que le droit de vote leur a été accordé et Helène Lazareff pressent qu’il faut accompagner cette mutation, offrant la parole à Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, Françoise Sagan, ..., l’émancipation de la femme passant, aussi, par le vêtement, "Elle" - dont il devient le directeur artistique, en 1959 - se devant d'être l'un des étendards.

Peter Knapp engage alors le magazine, dans une dynamique visuelle qui bouscule les grilles conventionnelles de la mise en page, mettant à profit sa formation de graphiste et de typographe, ainsi que sa pratique de la peinture. Il multiplie les diagonales – sa signature, avec sa double page –, les gros plans, les contre-plongées, les références géométrisantes auxquelles le portent les créations d'André Courrèges (1923-2016) ou d’Emmanuel Ungaro (1933-2019).

Ses mannequins flottent à l’aide de filins, ou glissent en apesanteur sur des tables lumineuses. Cette quête de mouvement, afin de choisir la pose dynamique idéale, en plein mouvement, le mènera à les filmer en 16 mm, pour en isoler ensuite quelques images, mariant les pratiques, ce qui ne s’était jamais vu. Quant à l'apport de la couleur, il nous apporte, aussi, une information essentielle sur le vêtement, le dessin de mode étant tombé en désuétude.

Peter Knapp transpose ensuite ses conceptions graphiques pour "Dim Dam Dom", l’émission mythique de l’ "ORTF" de Daisy de Galard (1929-2007), autre collaboratrice de "Elle". Avec Jean-Christophe Averty, il sera de ceux qui vont révolutionner la mise en image des émissions télévisées, au creux des années soixante, la photographie de mode ayant été longtemps tenue pour un genre mineur, une activité alimentaire pour les photographes. De grands auteurs s’y sont pourtant consacrés, de Man Ray (1890-1976) à Jeanloup Sieff (1933-2000), en passant par Maurice Tabard (1897-1984), Richard Avedon (1923-2004) ou Erwin Blumenfeld (1897-1969), pour n’en citer que quelques-uns.

Tous ont contribué à former le regard des contemporains, à les familiariser avec le langage photographique. Aujourd’hui exposée, collectionnée, la photo de mode est entrée dans les musées et fait régulièrement l’objet  d’expositions importantes, témoignant d’une époque, autant que de sa dimension artistique.

Présent au fond de la Salle principale du Musée, un écran TV nous permet d'apprécier, par la vision d'extraits de "Dim Dam Dom", tournant en boucle, la qualité de ce ces réalisations télévisuelles mettant en valeur la mode féminine du prêt à porter de l'époque, alors que nombre de pages d' "Elle" - voire de "Vogue", "Stern" ou "Sunday Times" - nous sont présentées dans des vitrines, nous révélant la qualité du travail de Peter Knapp, plus que jamais de « son temps » et aujourd’hui encore,

Avec ce brillant photographe, la femme est en mouvement, courant, sautant, donnant l’impression de voler ou de nager, projetée par un trampoline invisible ou couchée sur une table lumineuse transparente. Peter Knapp tourne autour de son sujet, l'image multipliant les diagonales, empruntant ainsi à la géométrie.

Après ses études dans l' "Ecole des Arts appliqués", à Zurich, dès 1947, il poursuit ses études, dès 1951, aux "Beaux-Arts", à Paris. Dans cette dernière ville, il devenait, en 1955, le directeur artistique des "Galeries Lafayette", y réorganisant la typographie et privilégiant la photographie, pour les annonces publicitaires.

Avec le décorateur français, d'origine russe, "Slavik" (Wiatscheslav Vassiliev/1920-2014), il assure, en 1958, la décoration de plusieurs pavillons de l' "Exposition universelle", à Bruxelles. Partageant, aujourd’hui, son temps entre New York, Paris et la Suisse, où il continue de peindre et de photographier, il avait enseigné la photographie, de 1983 à 1994, à l’ "Ecole Supérieure des Arts Graphiques", à Paris.

En l'absence de l'artiste lors de la visite de presse, c'est Xavier Canone, le conservateur carolorégien, qui présenta "Peter Knapp. Mon Temps", une exposition de la "Fotostiftung Schweiz", à Winterthur, en partenariat avec le "Musée de la Photographie", avec le soutien de "Pro Helvetia".

*** "Thomas Chable. Au dessus des nuages" :

Dans la salle voisine, le photographe belge de l’ici et de l’ailleurs, Thomas Chable (°Bruxelles/1962) nous présente ses photographies, qui, s’éloignant du pur reportage documentaire, nous révèle l’esprit ouvert, en général sans but précis, ni idée préconçue de l'artiste. Au gré de ses voyages, il fait la part belle au hasard des rencontres, même si la réalité est telle qu’il ne peut parfois s’en détourner. S’imprégnant des ambiances, lieux, lumières et matières, il nous dévoile un pays par petites touches, par fragments. Les signes de vie se font discrets, sans doute par pudeur, les sensations primant autant que les échanges.

Professeur en photographie à l’ "Académie des Beaux-Arts", à Liège, il aime dévoiler le caractère intime et profond de la vie simple, telle qu'il la rencontre durant ses voyages, depuis une bonne trentaine d'années, essentiellement en Afrique. Que ce soit là ou ailleurs, il écrit en images la traversée de la vie. La vie tout court, essentielle.

Soutenu par la "Galerie Le Réverbère", à Lyon, et une Galerie liégeoise, lauréat, en 1993, en Province du Hainaut, du "Prix national de portrait photographique Fernand-Dumeunier", Thomas Chable, nous présente, à Mont-sur-Marchienne, nombre de photographies issues de ses différentes séries, telles "Odeurs d’Afrique", le long du fleuve Niger, en Guinée, au Mali, au Niger, au Nigeria et dans le Sahara ; ou encore "Brûleur", réalisé en France, au Maroc, au Niger et en Belgique, sur ceux que l'on nomme "les clandestins" ; voire une série plus intime, proche du journal photographique, mettant en scène sa fille, Salomé, sa famille et ses ami.e.s. ; alors qu'une autre série nous emmène au Mexique.

Sur un cliché, une silhouette se détache sur un fond lumineux, avec, à l’avant-plan, quatre œufs, déposés sur une surface plane, une photo prise, en 1996, à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso. Autres photos : à Sekota, en Ethiopie, en 2018, une femme plie un drap blanc ; dans la brume d’un paysage marocain, une chaise, sur une terrasse, donnant sur un lac, attend d'être, enfin, utilisée. ... Des photos de voyages, bien éloignées d'images touristiques ...

Son travail, sensible à la grâce naturelle d’un geste anodin, se retrouve dans les paroles de celui qui fut professeur de photographie, à Liège, Hubert Grooteclaes (°Aubel/1927-1994), réputé pour ses flous artistiques : "Mon cours consiste en un travail jamais terminé : à la recherche de l'homme et de son quotidien."

*** "Elliot Ross. Seeing Animals"

Se demandant à quoi pense un animal lorsqu'on le photographie, Elliot Ross (°Chicago/1947) a retravaillé ses images, ayant volontairement ôté les traces de leur environnement, nous livrant des portraits puissants dénués d’artifices, offrant parfois un face à face déstabilisant.

Concernant ce travail particulier, Pascal Canonne nous confia : « Ce n’est pas une encyclopédie qu’Elliot Ross compose mais une galerie de portraits, les modèles semblant poser comme au studio, sur un fond noir. Le choix du noir et blanc, évitant le genre de la photographie animalière, discipline tout à fait honorable par ailleurs, et celui d’animaux non immédiatement identifiables pour le spectateur commun, mèneraient plutôt à les dévisager. Ses photographies ne viennent pas seulement magnifier les animaux dans le soin qu’il apporte à leur réalisation. Elles viennent aussi nous rappeler, à nous, autres animaux, qu’ils sont dotés d’autres performances, d’autres capacités que les nôtres, et que certains d’eux ne se soumettront jamais. »

*** "Natalie Malisse et Camille Seilles. Le Cœur à même la Peau", dans la "Galerie Soir" :

D'un photographe américain de longue expérience, nous passons à deux jeunes-filles belges, Natalie Malisse & Camille Seilles, sorties à deux ans d'écart, de l' "ESA" ("Écoles Supérieures des Arts Saint-Luc"), à Saint-Gilles, se livrent dans le dossier de presse : « 'Le Cœur à même la Peau' est une proposition photographique aux sensibilités multiples. Réalisé à quatre cœurs, ce récit aborde la santé mentale sous le prisme intime de Lola et Lou. De relation fusionnelle en déceptions, ces deux jeunes adultes écorché.e.s vives évoluent sur des chemins troublés par les réminiscences de traumatismes de l’enfance."

"Leurs portraits aux facettes changeantes reflètent leur faculté à se réinventer et à se nuancer sans cesse. Les masques qu’iels arborent dissimulent leurs personnalités autant qu’ils les révèlent. Entre obsession, fragilité, précarité, doute et résilience, Lola et Lou affrontent la vie en gardant 'Le Cœur à même la Peau'. »

*** "Ingel Vaikla. Papagalo, What’s The Time?", dans la "Boîte noire", à l'étage

Avec son court métrage, la réalisatrice estonienne Ingel Vaikla (°Tallinn/1992) explore l’architecture de l’ancien pavillon yougoslave de l’ "Exposition universelle de Bruxelles", en 1958, dans sa fonction actuelle du "Collège Saint-Paul", ce film suivant un groupe d’enfants jouant à d’anciens jeux yougoslaves dans le bâtiment.

- Activité, dès 18 ans : Formation aux appareils reflex numériques :

Le samedi 18 mai, de 10h à 16h, cette formation nous aidera à nous familiariser avec les différentes facettes de la prise de vue numérique. Nous aurons l’opportunité d’approfondir les connaissances théoriques autour de la manipulation de notre appareil reflex numérique et nous bénéficierons de trucs et astuces afin de réussir nos photos. Il sera ensuite temps de prolonger la théorie par un atelier pratique. Prix : 60€. Infos/Inscriptions : 071/43.58.10.

Ouverture : jusqu’au dimanche 27 mai, du mardi au dimanche, de 10h à 18h. Prix d’entrée (incluant la collection permanente) : 8€ (6€, pour les seniors et les membres d'un groupe de minimum 10 personnes / 4€, pour les étudiants, les enseignants, les PMR & le demandeurs d'emploi / 1€25, pour les "Art. 27" / 0€, pour les moins de 12 ans et les « Amis du Musée ». Contacts : 071/43.58.10. Site web :  http://www.museephoto.be.

Yves Calbert.

 

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