"Lines & Tracks", au "Centre de la Gravure et de l'Image imprimée", à La Louvière, jusqu'au 27 Février
Partenaire habituel d' "Europalia", le "Centre de la Gravure et de l'Image imprimée", nous propose, jusqu'au dimanche 27 février, sur deux étages, de découvrir les 150 affiches de son exposition temporaire "Lines & Tracks - Affiches ferroviaires et Design graphique en Belgique".
Au début du XXè siècle, la figure de la femme est mise en scène et apparaît dans les affiches de style "Art Nouveau". A l'époque le tourisme était peu développé et, faute de congés et de finanches, n'intéressant que les personnes appartenant à une classe aisée.
Aussi, les affiches d'alors mettent en valeur des représentations de bourgeoises, aux vêtements luxueux, participant, ainsi, à la diffusion d’une image idéalisée, jouant un rôle de promotion de lieux touristiques, essentiellement belges.
L'image de la femme, douce et sensuelle, présentait les plages belges , l’ "Exposition Universelle de Liège’’, les Ardennes, …, voire, de manière osée, pour l'époque, en maillots de bains, les stations balnéaires belges de Blankenberghe, Knokke, Ostende, ...
Après la "Grande Guerre", les femmes voient peu à peu le travail comme un moyen de s’émanciper … Le mariage n’apparaît alors plus comme l’unique modèle de vie, de nouvelles voies s’ouvrent et se traduisent, également, dans l’affiche ferroviaire.
Entre 1948 et 1951, Armand Massonet (1892-1979) réalise une série de 10 affiches, pour la "SNCB". Les archives de sa famille nous permettent de constater toute l'évolution de son affiche promotionant la Ville de Chaudfontaine, avec une femme peinte de dos, d'abord avec une serviette de bain, puis en maillot et enfin, version finale, totalement nue, au milieu de jets d'eau, une simple bande, sise sous ses jambes, mentionnant, en toutes lettres : "Société Nationale des Chemins de Fer Belges"
Une anecdote : le service publicité de la "SNCB" reçut une lettre d’un curé de Chaudfontaine qui se plaignait de la
manière immorale dont est faite la publicité de la Ville, cette affiche ayant, probablement, été commandée par la station thermale et le Casino de la Ville.
Dans cette mouvance, nous notons, aussi, l'affiche réalisée par René Miessen (1911-2000), pour la promotion de la mythique malle "Ostende-Douvres", à l'époque où le tunnel sous la Manche n'était encore qu'une utopie. Pour peu nous nous croierions face à la "Naissance de Vénus" (1484-1485) de Sandro Botticelli (1945-1510).
En 1927, la "CIWL" ("Compagnie Internationale des Wagons-Lits") reprit l'exploitation de "L"Etoile du Nord", un train reliant Paris à Amstrdam, via Bruxelles, une affiche de l'artiste gréco-britannique William Spencer Bagdatopoulos (1888-1965) nous dévoilant tout le luxe d'un wagon-restaurant.
A noter, évolution des moeurs, en 1961, sur l'affiche "Confort sur le Rail" - conçue par B.-M. Wirtz, pour la "SNCB", ventant les mérites des wagons-lits, l'homme étendu sous la couverture de sa couchette fume une cigarette. Impensable en 2022, alors que, depuis plusieurs années, il est interdit de fumer dans tous les trains de la "SNCB".
L’ "Orient-Express" - synonyme de voyages de luxe, d’aventures et de découvertes exotiques - fascinait toute personne qui souhaitait voyager. Arrivant aux portes de l'Asie, reliant Paris à Constantinople (Ville qui, en 1930, devint Istamboul), ce train mythique, fleuron de la "CIWL", fut créé en 1872, par un jeune ingénieur liégeois Georges Nagelmackers (1845-1905), 80 ans avant le premier vol commercial, qui se déroula le 05 mai 1952, avec, seulement, ... 37 passagers à bord.
Afin de compendre ce que fut ce train, "Europalia" nous propose, jusqu'au dimanche 17 avril, à"Train World", à Schaerbeek, sa superbe exposition, simplement dénommée "Orient Express", au sein de laquelle d'authentiques voitures lits et restaurant de ce train d'un grand confort, inégalé pour l'époque, sont exposées, de même que des affiches de films ayant l'un de ces trains pour cadre, comme "Le Crime de l'Orient Express" (Sidney Lumet/UK/ 1975/128'/avec Ingrid Bergman, Jean-Pierre Cassel, Sean Connery & Anthony Perkins/film lauréat, en 1975, d'un Oscar et de trois "British Academy Film ad Television Awards"), inspiré du roman éponyme d'Agatha Christie (1890-1976). Site web : www.trainworld.be/fr/expo-orient-express.
Par ailleurs, c'est, en forêt de Compiègne, dans le wagon-restaurant N° 2419 de l'"Orient Express" d'état-major du maréchal français Ferdinand Foch (1851-1929) que fut signé l'armistice de la "Grande Guerre", le 11 novembre 1918.
Mais revenons au "Centre de la Gravure et de l'Image imprimée", où des oeuvres d'artistes renommés sont exposées, comme celles de l'affichiste-peintre français "Cassandre" (Adolphe Jean Marie Mouron/1901-1968), dont le design graphique révolutionna l’affiche ferroviaire, faisant d'elle un média de communication.
Cet artiste brisa le côté statique de l’art de l’affiche, offrant une place décisive à la composition d'une affiche, parvenant, en un instant, à faire passer un message puissant, en utilisant des symboles et des métaphores, définissant lui-même sa manière de travailler, comme étant "géométrique et monumentale", son style reposant sur une simplification des formes, les perspectives accentuées soulignant l’aspect géométrique de ses sujets.
Notons sa création "L'Oiseau Bleu", une affiche évoquant un train Pulman, qui, de 1929 à 1980, relia Paris à Bruxelles, son nom évoquant la pièce de théâtre éponyme de l'écrivain belge Maurice Maeterlinck (Maurice Polydore Marie Bernard Maeterlinck/1862-1949).
En outre, "Cassandre" est l’un des premiers à utiliser les lettres comme étant des éléments graphiques essentiels à la composition, lui qui créa le logo d'Yves Saint-Laurent (1936-2008), ce dernier ayant déclaré : « 'Cassandre' était le plus grand, le meilleur graphiste de son temps ... Il avait dessiné le sigle de Christian Dior, il était oublié. C’était en 1961. Il nous a fait une seule proposition, celle des initiales entrelacées ; la rencontre a eu lieu au restaurant 'Le Débarcadère', à Paris. »
Certains artistes voient le train comme la source de tous les dangers, l'artiste britannique William Turner (Joseph Mallord William Turner/1775-1851) l'ayant dépeint, en 1844, comme étant un « monstre de fer », dans son oeuvre "Pluie, Vapeur et Vitesse, le grand Chemin de Fer de l’Ouest".
Le mouvement artistique "CoBrA" (1948-1951) - formé par des artistes de Copenhague (Asger Oluf Jørgensen/1914 -1973), Bruxelles (Pierre Alechinsky (°Saint-Gilles/1927) & Christian Dotremont/1922-1979) et Amsterdam (Karen Appel/1921-2006), Constant Anton Nieuwenhuys (1920-2005) & Guillaume Cornelis van Beverloo, dit "Corneille"/ 1922-2010) - créa, également, une série pour les wagons-lits, ce mot ne figurant, en petits caractères, qu'au bas des affiches.
Ayant évoqué une affiche de la malle "Ostende-Douvres", aujourd'hui disparue, découvrons, maintenant, l'affiche du tunnel sous la Manche, imaginé dès 1856, inauguré le 6 mai 1994, par le président Fançois Mitterand (1916-1996) et la reine Elisabeth II (°Londres/1926). Réalisée en 1996, cette affiche de l' "Eurostar", n'est pas l'oeuvre d'un graphiste réputé mais bien celle d'un anonyme.
Teminons notre évocation en passant de cet anonyme à l'un de plus grands artistes belges contemporains - membre du mouvement "CoBrA", déjà cité - Pierre Alechinsky, qui, lui aussi, réalisa une affiche ayant les chemins de fer pour thème.
Sur ce dernier, le théoricien français de l'art Michel Sicard (°Toulon/1950) écrivit : "Alechinsky peint sur de la vieille écriture dans une continuité de temps et d’espace, comme on prolonge ou on entretient une route », ... voire une voie ferrée.
Parmi les autres artistes, notons encore l'affichiste verviétois Paul Funken (1921-2013), dont plusieurs affiches sont exposées, l'une d'elle évoquant la plage, dans un graphisme tellement différent de celui du début du XXè sièclel, ou encore une autre mettant en évidence le vélo, un moyen de déplacement dans l'air du temps, désormais largement promotionné par la "SNCB".
Soulignons encore qu'une oeuvre d'envergure a été réalisée in situ, par Nayel Zeaiter, artiste plasticien formé aux "Arts décoratifs", à Paris, sur la proposition d' "Europalia" et du "Centre de la Gravure et de l'Image imprimée", lui qui avait créé, également en 2021, "L'Histoire du Grand Palais", une fresque de 750 mètres, entourant le "Grand Palais, à Paris, l'artiste français Arnaud Labelle-Rojoux (°Paris/1950) ayant conié : « Il tente de perpétuer et
d’entretenir le genre de la peinture d’histoire. »
Sur le thème du processus de production des rails de chemin de fer, à La Louvière, Nayel Zeaiter – en résidence, au« Musée Keramis », sis à La Louvière, sur l’ancien site de la faïencerie « Royal Boch » (1841-2011) – s’est emparé de ce sujet en abordant plusieurs étapes de leur fabrication : de l’extraction des minerais de fer et du charbon à l’activité ouvrière et au développement du réseau ferré. Au sein de son oeuvre, l’histoire locale, l’histoire des techniques et la révolution industrielle s’imbriquent ingénieusement dans l’histoire visuelle que cet artiste nous propose.
Cette exposition est conçue à partir des collections de la"SNCB – Train World Heritage" ; du "Flanders Fields Museum" (Ypres) ; du "Sincfala – Musée de la Région du Zwin" (Knokke-Heist) ; de l’ "Université de Gand" ; du "Mundaneum" (Mons) ; du "Musée des Beaux-Arts d’Ixelles" ; du "Musée de la Vie wallonne" (Liège) ; de "Ma Maison de Papier" (Bruxelles) ; des "Archives des Villes d’Anvers" et "de Gand" ; ainsi que des collections privées de J-C. Geluck, S. Massonet et P. Neirinckx.
Notons, pour clôturer cette exposition en beauté, le denier jour, le dimanche 27 février, le "Centre de la Gravure et de l'Image imprimée" organise deux activités (réservations obligatoires : 064/27.87.21 ou edu@centredelagravure.be).
** Conférence, de 15h à 16h, donnée par l'affichiste, graphiste, illustratrice et sérigraphe Teresa Sdralevich (°Milan/ 1969), licenciée en "Sciences politiques", à l' "Université de Bologne", ayant vécu à Paris, avant de s'insaller à Bruxelles, découvrant l'art de la conception d'affiches à l' "ENSAV"-La Cambre ("École Nationale Supérieure des Arts Visuels"), avant de poursuivre, à Ixelles, sa formation à l' "ERG" ("École de Recherche Graphique").
Elle nous décrira son itinéraire personnel et passionné à travers ses affiches préférées, évoquant des représentants de l’école polonaise, comme Jan Młodożeniec (1929-2000) et Henryk Tomaszewski (1914-2005), en passant par l'artiste italienne Alice Milani (°Pise/1986) ou l'biographie illustratrice belge Marie-Eve Wiame, tous nous permettant de découvrir un univers aux couleurs fortes et au graphisme radical.
Teresa Sdralevich , ayant travaillé pendant quelques années pour le bureau de Jean-Christophe Geluck (°Bruxelles/ 1947), elle enseigne le design graphique et l’illustration à l’ "Académie Beeldende Kunsten", à Anderlecht, son dernier livre paru étant "Poster Power ! Affiches à découvtir et à créer" (Ed. "Grandes Personnes").
** Atelier "Contes" des "Dimanches en Famille", de 11h à 12h, sur le thème du voyage, donné par Marianne Bougard, en collaboration avec "Hainaut Culture Tourisme". Prix d'accès : 5€, par personne (3€50, par participant.e, pour les familles de minimum 4 personnes.
Ouverture : jusqu'au dimanche 27 février, du mardi au dimanche, de 10h à 18h (pour les groupes scolaires, du lundi au vendredi, de 09h à 17h). Prix d'entrée : Réservations pour les groupes scolaires (min. 10 jours à l'avance) : edu@centredelagravure.be ou 064/27.87.21. Contacts : accueil@centredelagravure.be ou 064/27.87.27. Obligations sanitaires : port d'un macque buccal (dès 6 ans), présentation de son "Covid Safe Ticket" (dès 16 ans) & d'une pièce d'identité. Catalogue : "Lines & Tracks, Affiches ferroviaires & Design graphique en Belgique" (Pieter Neirincks/Ed. "Centre de la Gravure et de l'Image imprimée"/livret broché/64 pages).Site web : www.centredelagravure.be.
A noter, que, ce vendredi 04 février, succédant à Catherine de Braekeleer, retraitée, Christophe Veys vient d'être nommé comme troisième directeur du "Centre de la Gravure et de l'Image imprimée de la Fédération Wallonie-Bruxelles ". Historien de l’art, diplômé de l’ "Université Libre de Bruxelles" et de l’"Université de Lille", il est conférencier régulier à l' "ISELP" ("Institut Supérieur pour l'Etude du Langage Plastique") et pour les "Jeunesse et Arts plastiques", enseignant l‘histoire de l’art contemporain, la pratique de l'exposition et l‘histoire des institutions culturelles à l'"Ecole supérieure des Arts", à Mons, ayant été, en outre, en 2017, co-commissaire, avec Xavier Canonne, de l’exposition “Nouveaux Westerns”, au "BAM", à Mons.
Yves Calbert.