Underground - Haruki Murakami

écrit par RobertMARY
le 30/05/2022

Voici un livre de référence sur les attentats au gaz sarin peprétrés par la secte Aum dans le métro de Tokyo le 20 mars 1995. Le livre a été écrit par un auteur japonais: Haruki Murakami.

La secte Aum (de son nom complet "Aum Shinrikyō Shinsen no kai") comptait 10.000 membres au Japon et 50.000 membres à l'étranger (principalement en Russie). La secte Aum ou "école de la vérité suprême" fut créée en 1984 sous forme de club de yoga par Matsumo Chizuo qui se fera appeler plus tard Asahara shōkō, puis de mouvement religieux en 1986, elle ne devint un organisme religieux officiel qu'en 1989.

Le bilan de l'attentat : treize morts et six mille trois cents blessés. Le nombre de morts aurait été bien plus élevé si le produit utilisé avait été de meilleure qualité. Les treize auteurs appréhendés ont été condamnés à mort en juillet 2018, soit vingt-trois ans après l'attentat.

Le livre est passionnant à plus d'un titre. Contrairement à la majorité des oeuvres de l'auteur, il s'agit ici d'une enquête de type journalistique basée sur des interviews et non d'un roman.

Exceptionnellement non seulement les victimes, mais aussi des auteurs de l'attentat ont été interrogés (ces derniers ne remmettant d'ailleurs pas en cause leur engagement dans la secte). Un attentat de nature chimique est extrêmement rare. Les motivations de nature religieuse de la secte Aum sont nébuleuses ("la mort massive et indiscriminée des gens n'ayant pas atteint l'illumination, laissant ainsi place à un monde de spiritualité pure implanté d'abord au Japon, sera la seule solution possible pour sauver l'humanité de l'apocalypse prévue en novembre 1996"). L’attentat du métro de Tokyo du 20 mars 1995 concerne un radicalisme de type mystico-religieux bien antérieur au phénomène islamiste contemporain.

Le livre montre les dysfonctionnements des services de secours et spécialement des hôpitaux pris de court lors de l'évènement (qui renvoyaient des victimes chez elles sans les soigner ne comprenant pas de quoi il s'agissait...).

Pour une fois, la police japonaise, pourtant réputée être l'une des plus efficace dans le monde occidental, a commis des erreurs car elle avait les moyens d'arrêter les membres de la secte avant l'attentat. Il est certes toujours facile de critiquer après les faits, tel n'est pas le but de mon propos, mais les faits antérieurs et certains témoignages concernant la secte auraient du éveiller les soupçons (après tout l'attentat de Matsumoto en juin 1994 au gaz sarin perpétré à des fins de test, était déjà l'oeuvre de la secte Aum). C'est ce que démontre notamment ce livre. La police japonaise de nos jours, commettrait-elle les mêmes erreurs ? Le livre pose la question...

Le livre est émouvant car l'expérience des victimes est absolument bouleversante (en particulier celui d'une jeune fille handicapée à vie). Pensons aussi à "la double peine" de certaines victimes n’étant plus "compétitives" au niveau professionnel suite aux séquelles de l’attentat sur leur santé (par exemple le stress post-traumatique), qui se sont vues contraintes de démissionner après avoir subi un véritable harcèlement sur le lieu de travail. Au terme du procès qui se solda par la peine de mort des 18 auteurs incriminés, la secte Aum fut dissoute mais ne paya que 40% des sommes dues aux victimes, Aleph et Hikari no wa c.-à-d. les sectes dérivées de la secte Aum refusèrent de payer quoi que ce soit aux victimes! 

Ces sectes dérivées sont certes surveillées par l'état en vertu de la loi de 1999 de surveillance des sectes ayant commis un attentat, cependant la loi de corporation religieuse de 1952 protège toujours les organisations religieuses dûment enregistrées contre toute interférence de l'état, dès lors ces dernières ne sont pas surveillées alors que le risque théorique de terrorisme est pourtant présent. Aleph créée en 1999, compterait 1.600 membres de nos jours. Hikari no wa créée en 2007 aurait compté 106 membres à sa fondation.

Il montre aussi le fonctionnement interne de la secte (seul un petit nombre de personnes dispose d'un pouvoir réel) allant jusqu'à l'usage de la torture envers les adeptes récalcitrants (en proie au doute tout simplement ou refusant de se droguer), voire même dans certains cas, jusqu'à l'homicide volontaire. 

Une vision utopique, idéale d’Aum demeure, malgré l’attentat. En effet, l’attentat révèle surtout qu’une partie de la jeunesse japonaise se sentant écrasée par la pression sociale, est prête à suivre le premier Christ autoproclamé venu, et à mourir pour lui.

A défaut de s’interroger sur le bienfondé de nos valeurs  et surtout de nous remettre en question (la problématique sectaire est universelle et non limitée au Japon), à supposer donc que la société ne s’améliore pas, le risque de récidive est d’autant plus réel.

De manière paradoxale, les japonais vivent un sentiment d’insécurité dans un des pays les plus sûrs du monde (le taux de délinquance y est effectivement plus bas qu’en Occident). Le mythe de la sécurité s’est effondré depuis le séisme de Hanshin et Awaji le 7 janvier 1995 et l’attaque au gaz sarin dans le métro de Tokyo le 20 mars de la même année. Cet attentat a donc eu un effet sociétal majeur en termes de vulnérabilité qui perdure encore de nos jours au Japon.

C'est assurément un livre qui nous fait réfléchir, dès lors je ne peux que le recommander.

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