"L'envol de la BD coréenne, Manhwa et Webtoon", au "CBBD", jusqu'au 09 janvier 2022

écrit par YvesCalbert
le 26/11/2021

A l’occasion de la célébration du 120è anniversaire des relations diplomatiques entre la Corée du Sud et la Belgique, le « Musée de la Bande dessinée » (« CBBD ») organise, jusqu’au dimanche 09 janvier 2022, une  importante exposition intitulée « Manhwa & Webtoon-L’Envol de la Bande dessinée coréenne », réalisée en collaboration avec le « Centre Culturel Coréen »à Bruxelles, et le « Musée du Manhwa », en Corée du Sud.

Des premiers dessins parus dans la presse aux « webtoons » les plus récents, en passant par les personnages populaires et les séries majeures, l’exposition nous invite à découvrir toute la dynamique et diversité de la bande dessinée coréenne. En retraçant plus de 100 ans de son développement, elle révèle un monde créatif, témoin de son temps, en perpétuelle évolution.

L’on attribue le premier « manhwa » , se limitant à une caricature intitulée « Saphwa » (« Illustration »), signée LEE Do-young (1884 – 1933), gravée sur bois et publiée, sur une seule case, le 02 juin 1909, dans la première édition du journal « Daehanminbo ». Nous découvrons cette caricature dans la première section de l’exposition, celle-ci nous présentant un parcours chronologique, la dernière section étant parfaitement  contemporaine.

Ce n’est qu’en 1946, que la bande dessinée coréenne prit son réel envol, grâce à la série « Kajoubou »première BD coréenneavec bulles et planches clairement structurées en cases, dont son auteurKim Yong-han (1912-1998), est considéré comme étant le père de la bande dessinée coréenne.

L’occupation japonaise, de 1905 à 1945, étant évoquée, nous apprenons que censure et répressionsouvent sans pitié, étaient présentes. Aussi, les « manhwagas » (dessinateursne pouvaient se permettre des idées « trop subversives »sous peine de ne pas être publiés ou, pire, d’être emprisonnés …

… De cette triste période passons à une bienvenue reconnaissance, en soulignant qu’une série coréenne« Gobon, le vieil Homme », figure au sein du « Livre Guinness des Records », étant la plus longue de toute l’histoire du « manhwa coréen », 14.139 épisodes ayant été créés, de 1950 à 2000, par KIM Seong hwan (1932-2019).

Revenant à la censure, notons qu’elle fut présente jusqu’en 1987, sachant que pour la haute société sud coréenne, cette littérature illustrée continuait à n’être guère appréciée, certains n’hésitant pas à déclarer : « Cette lecture n’est bonne que pour le ‘petit peuple’ ».

Comme à son habitude, le « CBBD » nous présente une superbe scénographie, ainsi après le bureau de John Blacksad, reconstitué pour l’exposition consacrée aux « Secrets d’Ateliers de Juanjo Guarnido », c’est, ici, une « manhwabag » qui est proposée à notre attention, sachant que les Coréens pouvaient passer des journées entières dans ces sortes de librairies, qui, créées en 1960, étaient accessibles à tout en chacun.

Soulignons que dans ces « manhwabags », qui ne ne dépendaient pas de l’Etat, il était plus facile d’y trouver des lectures non officielles, permettant, ainsi, au peuple coréen de tourner en dérision le pouvoir japonais.

A noter que beaucoup des « manhwas », qui s’y trouvaient, ont disparu, ayant été écrits et dessinés sur des matériaux de récupérations, qui ne leur ont pas permis de résister dans le temps. Mais, à l’époque, ce qui comptait n‘était pas de conserver ces ouvrages, mais bien de véhiculer les valeurs coréennes au nez et à la barbe de l’envahisseur nippon.

L’ancien président de l’association coréenne des « manhwabags », JO Gwan-je écrit : « Dans les années ’60 à 1979, le ‘manhwa’ élargit son horizon et les genres se multiplient. Science-fiction, robots, sports, joies et drames de l’existence, aventure, actio ou encore arts martiaux débarquent en force dans la bande dessinée coréenne. »

Evoquant les années ’80 à 1999 poursuit : « Les titres se multiplient et explorent de nouveaux horizons pour mieux répondre aux exigences d’un public diversifié. Présent sur tous les fronts, le ‘manhwa’ coréen connaît une véritable renaissance et séduit un public de plus en plus large. »

Pensant aux auteurs de cette époque, évoquons LEE Doo-ho (°1943), avec sa série « Im Kkeokjeong », lancée en 1991et éditée en français, en 2011, sous le titre « Le Bandit généreux », ainsi que ses collègues KIM Dong-hwa (°1950) – qui, dans ses récits dessinés, rend un vibrant hommage à la femme et aux liens intergénérationnels  – et KIM Soo-yong (°1921), qui, avec sa « Hip Hop » – une série vendue à 1,5 millions d’exemplaires -, dessine, dès 1997, le monde de la breakdance, qui deviendra une discipline olympique, en 2024, à Paris.

Quant à la dernière partie de l’exposition, consacrée à ses 22 dernières années, elle nous présente le monde des « webtoons », le Corée du Sud ayant inventé un nouveau genre de bandes dessinées, né au début des années 2000, celui du numérique, une dizaine d’écrans nous le présentant …

… Ainsi, KWON Chang-ho écrit : « L’avènement des smartphones supprime les contraintes temporelles et spatiales : désormais, chacun se plonge dans son ‘webtoon’ préféré, quand et où il en a envie … Le ‘manhwa’ cède le pas au mot ‘webtoon’. Considéré à l’origine comme une sous-culture, le ‘webtoon’ s’érige dorénavant en véritable star de la culture coréenne. »

Parmi ces dessinateurs-« cinéastes », notons KANG Doha (°1969), réputé depuis 1987, avec « Run Pagasari », avant de se lancer dans sa « Youth Trilogy », dont le troisième et dernier volet« Catsby », se distingue par un dessin et une mise en scène excessivement soignés. N’oublions pas HA II-kwon (°1982), avec son « The Taste of Illness », qui traite – avec talent et sensibilité – du thème de la solitude, du harcèlement, mais, aussi, de l’espoir, un chef d’oeuvre, au dessin puissant, à la narration soignée et et à la mise-en-cène exceptionnelle.

On peut classifier les « manhwas » plus ou moins de la même manière que les « mangas » japonais, ceux s’adressant aux adultes sont les « tchungnyuns », alors que pour les adolescents, l’on parle des « sonyungs ».

Pour ce qui est de l’actuel rayonnement des auteurs coréens en dehors de leur pays, notons :

- PARK Kun-woong (°1972), au style inimitable, qui retrace les heures sombres de son pays, notamment dans son impressionnant « Massacre au Pont de No Gun-ri », édité par "Casterman

- Ancco (°1983), une auteure au trait aigu, dessinant avec finesse, qui, une grande première, remporta, en 2016, le « Prix Révélation », au « Festival international de la Bande dessinée d’Angoulème ».

- HONG Yeon-sik (°1971), dont les albums sont publiés dans trois continents, en Chine, aux Etats-Unis et en France, prouvant l’intérêt mondial pour la bande dessinée coréenne.

Concernant ce rayonnement international, SHIN Myung-hwan écrit : « En Europe, les albums ‘papier’ rencontrent les faveurs d’un vaste lectorat, dans différents groupes d’âges, contrairement à la Corée, où ils sont détrônés par les ‘webtoons’. Le public européen reste friand de nouveautés et les ‘manhwas’ coréens sont là pour lui ouvrir de nouveaux horizons. Ils séduisent par l’originalité de leur graphisme et de leur écriture. »

Co-commissaire, avec SAH HwangyuMélanie Andrieu - responsable des services "Expositions" & "Conservation" du "CBBD", détentrice d'un doctorat en Histoire de l’Art Contemporain - écrit : « Sur papier, sur internet ou sur  smartphone, la bande dessinée coréenne ne cesse d’évoluer, pour divertir les lecteurs et les captiver, encore et toujours. »

Ouverture : jusqu’au dimanche 09 janvier 2022, de 10h à 18h (dernières entrées à 17h). Ouverture durant les vacances scolaires belges : 7 jours sur 7, aux mêmes heures (fermé les samedi 25 décembre et 01 janvier 20221). Prix d’entrée (incluant la collection permanente et l’accès à toutes les expositions) : 12€ (9€, de 12 à 25 ans et dès 65 ans / 5€, de 06 à 11 ans / 1€25, pour les « Art. 27 » / 0€, pour les moins de 06 ans & les détenteurs de la « Brusels Card », d’un Pass « Art Nouveau » ou « Musées » / 32€, pour 2 adultes et 2 enfants). Prix pour un membre d’un groupe : 9€ (8€, dès 65 ans / 6€, de 12 à 25 ans / 4€, de 06 à 11 ans /0€, pour un accompagnateur, par tranche de 15 personnes). Obligations sanitaires : selon l’âge requis, présenter sa « Covid Save Card » et porter un masque buccalContacts : visit@cbbd.be & 02/219.19.80 (en période de télétravail, les courriels sont à privilégier). Site web http://www.cbbd.be.

Autres expositions temporaires (incluses dans le prix d’entrée) :

- « Midam-Itinéraire d’un Kid de Bruxelles », jusqu’au dimanche 09 janvier 2022.

- « Blake et Mortimer-Le Mystère des Espadons »jusqu’au samedi 16 avril 2022.

- « Dans la Tête de Charel Cambré-Exposition Adhémar de Bronze 2020 »jusqu’au dimanche 05 décembre.

- « Les Enfants de Raymond-Exposition des Lauréats du Prix Raymond Leblanc », jusqu’au dim. 05 décembre.

Yves Calbert,                                                                                                                                                                    avec des extraits du dossier de presse particulièrement bien rédigé par l’équipe du « CBBD ».

65 lectures
Portrait de YvesCalbert
Yves Calbert

Yves Calbert