Staline, Truman et la capitulation du Japon - Tsuyoshi Hasegawa

écrit par RobertMARY
le 27/04/2020
Staline, Truman, Capitulation du Japon, Japon, Tsuyoshi Hasegawa

Le Japon signe la capitulation sans condition le 2 septembre 1945 car les soviétiques arrivent...

L’auteur est professeur d’histoire à l’université de Californie à Santa Barbara, spécialiste de l’histoire de la guerre du Pacifique et des relations russo-japonaises. Il est trilingue: japonais, anglais, et russe.

Le livre répond à plusieurs questions :

  1. Quelle est la raison majeure qui força le Japon à capituler en 1945 ?
  2. Quel fut le rôle de l’empereur dans la décision de capitulation (mais aussi pendant la guerre en général)  ? S’interroger sur cette question reste d’ailleurs actuellement un tabou au Japon.
  3. Quelles sont encore de nos jours les conséquences en de cette capitulation en termes de revendications territoriales  ?

Le livre met l’accent sur trois acteurs majeurs:  le Japon, les États-Unis mais surtout également l’Union Soviétique. Il est basé sur des archives localisées dans ces trois pays.

Deux autres acteurs sont mentionnés: l’Allemagne et la Chine.

Le livre mentionne bien à quel point le Japon s’est senti trahi par l’Allemagne nazie tant lors du pacte Molotov-Ribbentrop (pacte de neutralité germano-soviétique de 1939 alors qu’au même moment le Japon et l’URSS se combattaient en Mongolie extérieure lors “d’incidents frontaliers” à Khalkhin Gol) que lors de l’entrée en guerre de l’Allemagne contre l’Union Soviétique (Opération Barbarossa en juin 1941 alors que le Japon venait tout juste de signer avec l’URSS un pacte de neutralité en avril 1941).

Sans vouloir déflorer le livre, il faut bien comprendre que c’est l’intervention soviétique du 8 août 1945 et ses rapides gains territoriaux en Mandchourie (rétrocédés à la Chine communiste en 1955) et en Corée (faisant partie de l’empire japonais depuis 1910) avec une menace d’une occupation soviétique imminente  du  Japon lui-même, bien plus que  les bombes atomiques américaines, qui ont poussé le Japon à capituler. La menace d’un Japon communiste après-guerre fit donc fortement pencher la balance.

La participation soviétique à la guerre fut décidée à Yalta sur une proposition de Roosevelt, dans le but de sauver des vies américaines, à un moment où le succès d’une éventuelle bombe atomique n’était pas encore certain. A Potsdam, Truman a du s’accomoder de cette décision alors  qu’il n’avait plus besoin de la Russie pour vaincre le Japon puisque les États-Unis avaient testé la bombe à Los Alamos, il l’apprendra lors de la conférence. Il  a donc freîné autant que possible les soviétiques de manière à éviter à tout prix une occupation russe de l’archipel nippon, ce qui explique d’ailleurs l’usage de l’arme nucléaire, il fallait prendre les russes de vitesse.

A Yalta Staline avait été clair, il s’agissait de récupérer les territoires perdus de la guerre russo-japonaise de 1904 (dont les îles Sakhaline sud) mais aussi d’y adjoindre pour des raisons exclusivement de sécurité les îles Kouriles du sud (les îles Kounashiri et Etorofu faisant partie intégrante des Kouriles donnent un accès à l’océan  Pacifique alors que Vladivostok est gelé par les glaces en hiver). Khroutchev proposa en 1956 de rendre au Japon deux des quatre îles (Shikotan et Habomai) afin de clore le conflit (tout en gardant Kounashiri et Etorofu à l’URSS pour des raisons stratégiques). Le Japon refusa. Même le parti communiste japonais a toujours contesté cette occupation. Ce conflit territorial empêche encore de nos jours la signature d’un traité de paix entre le Japon et la Russie.  

Les quatre îles composant les Kouriles méridionales furent occupées certes, mais  uniquement grace à la volonté de non résistance des japonais, car ce fut une belle suite d’échecs en terme militaire (précipitation, manque de préparation, divers problèmes de liaison) causés par la volonté de s’emparer de ces territoires avant la capitulation japonaise. A ce titre, la bataille de Shimushu dans les Kouriles du Nord le 18 août 1945 illustre les difficultés russes (la conquête des Kouriles du Nord étant un préalable à celles du Sud). Elle démontra l’impréparation des soviétiques qui ne gagnèrent que suite à l’ordre du quartier général impérial de cesser le feu le lendemain car une victoire japonaise “aurait pu faire dérailler le fragile processus de paix” alors que les russes auraient pu être rejettés à la mer.  Ceci démontra aux américains le coût astronomique en vies humaines qu’une occupation du Japon par des moyens militaires classiques aurait nécessité (Opération Olympic).  Staline aurait pu obtenir l’île sans un seul coup de feu dès le 18 août puisque la guerre était déjà finie, en effet, l’empereur annonca la capitulation le 15 août (elle fut signée le 2 septembre à bord du cuirassé américain Missouri), mais “le petit père des peuples” voulait que le sang russe coule pour justifier l’occupation des Kouriles.

Ceci dit, à Yalta on parla “des îles Kouriles” et non pas de “toutes les îles Kouriles”. Truman avait donc une marge de manoeuvre à Potsdam mais la zone n’avait pas une importance stratégique pour  les USA. La crainte du rejet des accords de Yalta dans son ensemble pouvait mener à un conflit direct dans les Kouriles et à une occupation totale de la Corée. Dès lors la perte de “toutes les îles Kouriles” pour le Japon était entendue.

De nombreux prisonniers de guerre japonais, lesquels pour la plupart se rendirent sans combat aux soviétiques, ne revinrent jamais chez eux suite aux dures conditions des camps de travail... (580.000 soldats japonais se rendirent aux russes à comparer aux 35.000 qui se rendirent aux Alliés occidentaux).

 Il s’en est fallu de peu pour que Hokkaido voie aussi débarquer des forces russes d’occupation.  Staline avait aussi planifié la prise de la partie septentrionale de Hokkaido (de Kishuro à Rumoi) au 1er septembre 1945, il ordonna l’opération le 21 août mais cela fut rejeté le lendemain par Truman avec la plus grande véhémence puisque Hokkaido figurait déjà dans la zone américaine de capitulation japonaise confiée à Mac Arthur au même titre que Honshu, Shikoku et  Kyushu. Staline tenta également d’obtenir une présence militaire russe à Tokyo...

Quant à l’empereur, le livre explique d’abord son implication dans la stratégie japonaise de 1940 visant à déterminer la future direction de l’extension de la zone géographique de la “sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale” (préférence donnée aux possessions occidentales plutôt qu’à la Russie, le comportement de l’Allemagne nazie en 1939 n’étant pas étranger à ce choix). Le livre  explique également la décision de capitulation l’empereur (après une tentative de coup d‘état militaire visant à l’empêcher d’agir à sa guise) et les raisons politiques qui poussèrent les américains à ne pas l’inclure sur la liste des criminels de guerre lors du Proçès de Toyko en 1946. Certains athlètes américains firent d’ailleurs avec étonnement le salut olympique à l’empereur lors des JO de 1964... Le livre conclut d’ailleurs en ces termes: “la poursuite du règne de l’empereur après la capitulation rendit la culpabilité du Japon dans la guerre ambigüe et contribua à l’incapacité du Japon d’affronter son passé”.

En bref, j'ai adoré ce livre montrant un aspect assez méconnu de la seconde guerre mondiale. Je ne peux que vous le recommander.

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Voir également pour plus de détails Jean-Daniel Piquet, « Tsuyoshi Hasegawa, Staline, Truman et la capitulation du Japon. La course à la victoire », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 134 | 2017, mis en ligne le 26 mai 2017:

  • Staline, Truman, Capitulation du Japon, Japon, Tsuyoshi Hasegawa
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