Michel Vanden Eeckhoudt et autres Expositions, au "Musée de la Photographie", jusqu'au 22 Mai

écrit par YvesCalbert
le 21/02/2022

Si vous ne connaissez pas encore le « Musée de la Photographie de la Fédération Wallonie-Bruxelles « , à Mont-sur-Marchienne/Charleroi, voici l’occasion rêvée de le découvrir, les expositions temporaires, présentées jusqu’au dimanche 26 mai, étant de haute qualité, alors que la collection permanente se doit d’être vue par toute personne aimant la photographie, … mais pas seulement.

Avec le photographe bruxellois Michel Vanden Eeckhoudt, nous découvrons la vie de tous les jours, telle qu’elle est, en différents lieux de notre planète terre.

*** Michel Vanden Eeckhoudt (1947-2015) :

Près de 250 clichés – dont la moitié inédites, leur impression ayant été réalisée, après son décès, à 67ans, par son épouse – nous sont proposés, nous révélant des fragments de vie, des instants du quotidien, dans ce qu’ils peuvent avoir de drôle, de tendre, d’attachant, … de triste aussi, parfois.

Le tout nous est proposé dans un noir-et-blanc nous incitant au rêve, la couleur étant, pour lui, trop réaliste.

Dans cet intéressant travail – chronique de la banalité sublimée -, aucun événement particulier, pas d’images touristiques ou politiques, chaque photographie composant une petite histoire, une chronique de la banalité sublimée par l’artiste, une douce mélancolie étant préférée à l’éclat de rire ou aux larmes.

Lisons donc ce que Xavier Canonne – docteur en histoire de l’art et de l’archéologie, depuis 2000, directeur de ce musée -, a écrit dans l’ouvrage accompagnant la présente exposition : « Avec Vanden Eeckhoudt l’on n’est jamais confronté à l’évènement, aux grandes heures de l’histoire, mais aux interstices du quotidien, en de petites cérémonies où l’étrange et l’absurde ne sont pas étrangers. Sa photographie est l’endroit de petites fêtes personnelles, aériennes comme le ballet d’un danseur sur fond de Taj Mahal, ou celui de son fils Nicolas, bondissant dans un jardin public, explosions de corps et d’euphories, des célébrations pour soi-même, comme s’incline le visage pour garder encore un peu de soleil, des instants volés au flux du jour que le photographe a su conserver. »

« Tout est là qui doit être, sans mises en scènes, sans éléments superflus, folklore ou exotisme. Les êtres qui peuplent ses photographies semblent y aller chacun de leur partition, vaquer à leur gré, en groupe ou isolés, dans l’espace que le photographe leur assigne, attachant au décor le même soin qu’aux modèles. Il s’y déploie une gestuelle qu’il excelle à capter, qu’elle soit celle du danseur, du musicien, de la lissière, de l’ouvrier à son tour, de la majorette ou de l’équilibriste, chorégraphies spontanées, muettes, que le loisir ou le labeur suscitent, sculptures de chairs en apesanteur. »

De son côté, Jean-Marie Wynants (« Le Soir ») écrivit : « Prenez deux visiteurs et placez-les face à une même photo de Vanden Eeckhoudt. Là où l’un se sera esclaffé, l’autre aura ressenti comme une sourde angoisse. Et tous deux auront vu juste. »

En complément à cette exposition, nous pouvons acquérir un remarquable ouvrage (Ed.« Le Bec en l’Air »–« Musée de la Photographie »/2022/348 pages/300 photos/55€), résumant près de 40 ans de carrière photographique, avec des textes de Xavier Canonne, Michel Poivert et de son épouse Mary van Eupen, sans oublier qu’un volume de la collection « Photo Poche » (Ed.« Acte Sud »/2007/140 p./13€) lui fut consacré.

Notons que Michel Vanden Eeckhoudt avait entammé ses études de photographie, en 1967, à l’« ENSAV »  (« École Nationale Supérieure des Arts Visuel ») de La Cambre. Ayant très rapidement travaillé pour un magazine de sport automobile, il est l’un des membres-fondateurs, en 1985, de l’agence « VU », étant représenté par la  « Galerie Camera Obscura », à Paris.

Il participa, en 1996, à la réalisation d’un vaste portrait de Tokyo, commandé par le comité responsable d’un programme d’échanges culturels entre le Japon et l’ Union Européeene, son exposition « Tokyo Today » ayant été présentée à Berlin, Copenhague, Luxembourg, Salonique et Tokyo.

À l’été 1999, le quotidien « Libération » lui commanda des « cartes blanches » en Sicile et en Martinique. S’étant lancé dans des missions photographiques, sur divers thèmes, en Egypte, en Israël, au Maroc,  au Népal et en  Tunisie, il exposa, notamment, au « Center of Photography », à New-York, au « Musée de l’Élysée », à Lausanne, ainsi qu’à deux reprises, à Arles, aux réputées « Rencontres de la photographie », avec pour thèmes : « Les  Abbayes bénédictines », en 1992, et « Doux-amer », en 2013.

Sa maman était assistante sociale et son papa, professeur de sciences naturelles, ce qui explique son attirance pour ce qui touche aux animaux, qu’il a tant aimé photographier, et au social. Pascal Goffaux (« RTBF ») soulignant qu’ « auteur de bulles de solitude, ce photographe de l’essentiel prenait au vol des moments suspendus, avec un regard léger et grave, sa magie de l’image ayant été appréciée par Robert Doisneau (1912-1994) et Henri Cartier-Bresson (1908-2004). »

A voir, assurément !

Autres expositions temporaires :

*** « Soleil Noir », de Gaëlle Henkens et Roger Job :

Dans une seconde salle, avec « Soleil noir », la Camargue nous attend, mais pas, non plus, sur un plan simplement touristique. Avec Gaëlle Henkens et Roger Job, nous vivons au rythme des autochtones, authentique peuple du  taureau, vivant sur 100.000 hectares de sable et de terre aride, sur laquelle les éleveurs luttent pour assurer leur  survie.

Grâce à ces deux photos-journalistes belges, nous vivons des fêtes, telle celle des 24 et 25 mai, durant laquelle des milliers de Gitans,Manouches, Roms, Tziganes et Yéniches, viennent de toute l’Europe, afin d’y célébrer leur sainte , Sara la Noire.

Par ailleurs, nous apprenons qu’en Camargue, il n’est pas question de donner la mort ou de blesser un taureau,  la course camarguaise étant une activité sportive traditionnelle dans laquelle les participants, parfois fort jeunes, tentent d’attraper des attributs, fixés au frontal et aux cornes de cet animal, particulièrement respecté, au point – une photo de sa tombe en témoignant – que l’un d’entre eux, particulièrement respecté, fut enterré debout, face à la mer. Ici, à l’opposé de la corrida espagnole, le dieu c’est l’animal, pas l’homme qui le frôle !

Durant 176 jours, répartis surquatre années vécues en Camargue, Gaëlle Henkens & Roger Job se sont immergés dans le quotidien de plusieurs éleveurs de chevaux et de taureaux, dans ces familles de manadiers, qui leur ont transmis non seulement leur passion mais aussi leurs craintes et espoirs.

Lisons ce que Jean Lafon – un éleveur, ou « manadier », comme appelé ici, qui les a accueillis – a écrit au sein du livre « Camargue, Soleil Noir, le Peuple du Taureau », qu’ils ont rédigé : « Je vous imagine, l’ouvrage en main, découvrant qui nous sommes,  manadiers et gardians de Camargue, grâce au ‘Soleil Noir’ de Roger et Gaëlle. Dès notre première rencontre, à la cabane de gardian, j’ai su qu’ils seraient dignes de confiance et je ne suis pas déçu. Durant plus de quatre années, ils se sont immergés d’abord dans notre manade, puis dans celles de confrères, partageant ainsi le côté sombre comme le côté lumineux de notre existence. Leurs images fixent les moments rares et intérieurs des hommes du marais que nous sommes, passionnés de notre univers auréolé de noir et blanc, d’ocre et de lumière. Leur travail fixe sur le papier notre mémoire avant tout orale. »

Frédéric Lescot, président de la « Confrérie des Gardians », joint son message à celui de Jean Lafon : « ‘Soleil  Noir’ est un grand voyage. Il me paraît que leurs auteurs sont des passeurs de mémoire. »

Ancien président de « France-Télévisions » (2005-2010), Patrick de Carolis préface cet ouvrage  (Ed. « Chêne »/   2019/39€) en ces mots : « L’art rejoint le quotidien sans l’exalter, sans l’écraser, avec sobriété et respect. » 

"Je suis passionné par les hommes qui résistent à la modernité, qui sont attachés à leur terre", écrit Roger Job.

*** « Arbres-Troncs », de Zoé van der Haegen :

Du Parc naturel régional de Camargue, nous passons à la réserve naturelle de Kalmthout, en Campine anversoise,  où Zoé van der Haegen a trouvé l’inspiration pour réaliser sa série « Arbres-Troncs » quelle nous présente à Mont-sur-Marchienne.

En cette réserve naturelle qu’elle arpenta régulièrement durant plusieurs années, cette photographe belge nota que suite à un incendie, en 2011, et une politique de déboisement des forêts de pins, la nature luxuriante d’autrefois s’était transformée en un paysage désertique aux silhouettes d’arbres décharnés.

Elle témoigne : « La fascination exercée par ces sculpures dans le paysage – ces visions d’un réel aux allures dystopiques et par ces arbres-totems ou vestiges aux troncs d’un noir profond creusés par le feu – a été à l’origine de ma démarche artistique, qui fut dans un premier temps de nature purement photographique. La couleur est un vrai sujet dans mon travail, ces troncs étant, quelque part, des coups de pinceaux, mais je ne suis pas peintre, ce sont bien des tirages photographiques, rappelant la technique sérigraphique. Vous découvrez, ainsi, un jeu d’assemblages de fragments scannés. »

De fait, pour sa série « Arbres-Troncs », nous nous rapprochons de peintures du XXè siècle, aux couleurs vives  et  artificielles du « pop art » et de l’ « expressionnisme abstrait », l’artiste ayant découpé, dans un deuxième temps, ses photographies originales, pour en extraire les formes verticales des troncs et en « disséquer » les différentes couches, du bois à l’écorce.

Selon une multitude de combinaisons nouvelles, Zoé van der Haegen utilise, en avant ou arrière-plans, des films plastiques transparents colorés, sa recherche visuelle s’inspirant d’une nature touchée par les guerres et les catastrophes. Au-delà du regard, par l’échelle des tirages photographiques, présents dans l’exposition, c’est aussi le corps que la série cherche à engager.

*** « Galerie du Soir » : « Au-delà du concevable », de Danielle Rombaut :

« Je n’étais plus heureuse dans mon travail. Je voulais faire autre chose, me développer », nous confia Danielle Rombaut, lors de la visite de presse du vendredi 28 janvier.

Fonctionnaire fédérale au « SPF Finances », jusqu’en 2019, elle décida d’explorer plusieurs secteurs qui l’ont toujours intéressée : cours de photographie, sur l’antiquité, de garnisseuse, …

Très vite, les cours de photographie, débutés la même année, à Mortsel, sa ville d’origine, l’accaparent totalement, lui donnant l’envie d’aller plus loin. Ayant décidé de se consacrer totalement à la photographie, elle participe, ensuite , à Berchem, à une formation photographique pour adultes.

Les jeunes photographes exposant dans la « Galerie du Soir » étant sélectionnés par notre collègue Jean-Marie  Wynants, ce dernier déclara : « Tous les jeunes photographes ne sortent pas de l’adolescence. Certain.e.s ont eu une autre vie avant de s’adonner aux joies de l’objectif. »

Cette « jeune en photographie » faisant partie de ces Flamand.e.s qui ont été impressionné.e.s par les  inondations  en Wallonie, en juillet 2021, elle se rendit à Pepinster, l’une des communes les plus durement touchées. Elle raconte : « Je passe devant le parking du ‘Delhaize’ et vois des dames dans une laverie mobile spécialement construite à cet effet. Cela ressemble à une image d’un pays du tiers monde, où les femmes font leur lessive à l’extérieur ».

Plus loin, elle rencontra un homme, devant sa maison sinistrée : « Il voulait discuter. Il avait acheté sa maison cinq ou six ans plus tôt, après un divorce et avait presque terminé la rénovation. En 24 heures, tout son rez-de-chaussée a été inondé et il a tout perdu. »

Son appareil photo en bandoulière, Danielle Rombaut revint plusieurs week-ends de suite, marquée par les façades sur le point de s’effondrer et les monceaux de déchets, donnant l’impression de scènes de guerre. Néanmoins, les images qu’elle expose dégagent une étrange beauté, en même temps qu’un sentiment de perte absolue, qu’elle a su capter avec intelligence et sensibilité.

*** « Boîte noire » : « Lay your Ear to the Rail », de Melanie De Biasio :

Au 1er étage, la « Boîte Noire » nous attend, avec un court-métrage (9’40), « Lay your Ear o the Rail », de Melanie De Biasio (°1987), présenté dans le cadre de l’événement « Trains & Tracks », organisé par « Europalia », qui demanda à cette artiste de créer une pièce musicale évoquant l’immigration italienne, au siècle passé. Empruntant le rail, elle a souhaité remonter à la source de ce que les Italiens émigrés laissaient derrière eux.

Séjournant dans des villages de montagne, Melanie De Biaso y a collecté les sons et les images, en emportant avec elle un studio d’enregistrement portable et un matériel photographique d’époque. La lumière, l’eau, la chaleur des pierres, le chant des oiseaux distillent cette longue rêverie, semblable à celle que viendra ressusciter l’enfant initiant un long voyage. Avec « Lay your Ear to the Rail », elle a, pour la première fois, mêlé les sons et les images pour une ode au retour, hypnotique comme le paysage glissant sur la vitre du train.

Ouverture jusqu’au dimanche 22 mai, du mardi au dimanche, de 10h à 18h. Prix d’entrée (incluant l’accès à la collection permanente) : 8€ (6€, dès 65 ans et par personne, au sein d’un groupe / 4€, pour les étudiants, les enseignants, les personnes porteuses d’un handicap, les demandeurs d’emploi et pour tous, en tarif plein, les 1ers dimanches du mois / 2€50, pour tous, en tarif réduit, les 1ers dimanche du mois / 1€25, pour les « Art. 27 » / 0€, pour les moins de 12 ans. Obligations sanitaires : port d’un masque buccal (dès 12 ans), présentation de son  « Covid Safe Ticket » (dès 16 ans) et d’une pièce d’dentitéRéservations recommandées : via le site web ou le 071/43.58.10Site web : http://www.museephoto.be.

Yves Calbert.

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