LI P'TIT PASTOURÔ DO TCHÈR DÈS POURCÊS (des cochons)
LI P'TIT PASTOURÔ DO TCHÈR DÈS POURCÊS (des cochons)
Camille Lemonnier en wallon de Houffalize
Présentation. Traduction en wallon de la journée du pâtre des cochons de Houffalize, décrite par Camille Lemonnier (1844-1913).
Un texte lyrique et baroque imprégné du naturalisme de l'époque d'Émile Zola. On nommait Lemonnier le « macaque flamboyant » toujours à la recherche de néologismes et d'archaïsmes.
C'est un honneur pour Houffalize qu'un des plus grands écrivains belges ait dépeint un de ses sites, une de ses traditions, un de ses humbles enfants.
Le Thier des Cochons se situe au-delà de la crête de feuillus au nord-est de Houffalize, il s'appelle actuellement la rue du Panorama.
Il domine les rues escarpées du Bois des Moines et de Ste-Anne.
Texte en wallon
Fwart matin, li cwane do hèrdî houke (la corne du herdier appelle) â tchamp lès kissèm'tés tropês; la d'sus brokèt foû (sur ce s'échappent) dès hopês (haraux, troupeaux), dès cawes (queues, files) di rôsés fougnas (grognons); èt l'burlèsse porcèssion grochiche (grossit) a mèzure ki lès hoûlas (bourdonnements) di l'tûte si ralondjêt.
Tot l'long do djoûr, li bande magne li frisse ièbe su lès copètes, â glands èt â nounous' dès neûjîs (noisetiers); cwand l'toumée di l'nut lès r'tchèsse (quand la tombée de la nuit les renvoie) anfin o l'vîje, grognant èt s'kitchôkant tot tchafouyis (en désordre), chake di zèls ridjond voltî si stchèrneûre (litière), èrî di l'rèsse do l'trope ki, sû d'uch (seuil de porte en seuil...) après sû d'uch, discrèche (décroit) â cou (derrière le...) do p'tit pastourô; cici, si djèrin parwassien èn.n'alé (parti, en allé), riprind po fini, si cwane pindou a s'cou (sa corne pendue à son cou, en sautoir), li voye di l'traveûre (fenil) doû ç'k'i, tant ki li slo ni s’lîvrèt nin (tant que le soleil ne se lèvera pas), i sokèt'rèt (il dormira) do min.me bâbô bon somèy ki lès bièsses.
René Dislaire © Houffalize, le 19.10.2023
Notes: li cou veut dire aussi bien le cou (sur les épaules) que le cul. Dans ce dernier sens, il est fréquent et pas grossier. Ici : il est au cul de ; il est sur les talons de…
Harau: terme très rare. Introuvable au dictionnaire. Troupeau collectif, en général confié pour la pâture à un herdier. Famille du mot "harde"?
Image: Le groupe "Les Pastoureaux", groupe folklorique houffalois (aujourd'hui dissous).
Texte de Lemonnier
De grand matin, la corne du pastoureau appelle au gagnage les troupeaux disséminés ; des haraux s’échappent, à ce signal, des files de groins rosés ; et la grotesque procession grossit à mesure que se prolongent les bourdonnements de la trompe.
Tout le jour, la bande pâture sur les hauteurs l’herbe fraîche, les glands et les chatons ; quand le soir les ramène enfin dans la ville, grognant et se bousculant pêle-mêle, chacun regagne de soi-même la litière, lâchant le reste de la troupe ; et celle-ci, de seuil en seuil, se fond sur les talons du petit pâtre qui, sa dernière ouaille disparue, reprend enfin, lui aussi, sa corne en sautoir, le chemin de la soupente où, jusqu’à l’aube, il dormira du bon sommeil stupide des bêtes.
Présentation
Traduction en wallon de la journée du pâtre des cochons de Houffalize, décrite par Camille Lemonnier (1844-1913).
Image: Les Pastoureaux. Groupe folklorique Houffalois, années 70. À droite, Marc-Yves dit "Coco", le petit frère de Jean-Marie Lesage.