"Le Geste et l’Empreinte – Flora Hubot / Camille Dufour & Rafaël Klepfisch", au "Delta", à Namur, jusqu'au 09 janvier 2022
A Namur, au « Delta », l’exposition « Le Geste et L’Empreinte – Flora Hubot / Camille Dufour & Rafaël Klepfisch », accessible jusqu’au dimanche 09 janvier 2022 – met en dialogue l’œuvre de deux jeunes plasticiennes de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Flora Hubot (°Bruxelles/ 1987) et Camille Dufour (°Mons/ 1991), cette dernière travaillant en duo avec Rafaël Klepfisch (°Bruxelles/1992), diplômé d’un master en réalisation, à l’ « IAD » (« Institut des Arts de Diffusion »), à Louvain-la-Neuve, ces artistes partageant un même goût pour le travail de l’image imprimée, accordant une même attention au travail patient et attentif de la production manuelle, mais sur des supports diffèrents.
Ainsi, les images de Camille Dufour renvoient, de façon plus insistante, à l’état du monde capitaliste avancé et à ses effets sur l’existence des individus, alors que Flora Hubot s’intéresse depuis longtemps à l’image du corps et plus particulièrement à celui de la femme, qu’elle reproduit, notamment, sur de la soie, alors qu’elle s’adonne, également, au « Mail-Art ».
*** Flora Hubot :
Quoique née à Bruxelles, Flora est souvent considérée comme Namuroise, ayant grandi, en famille, dans le Village de Lustin et entammé ses études artistiques à l’ « IATA » (« Institut d’enseignement des Arts, Techniques, sciences et Artisanats »), à Namur.
En deux périodes, elle poursuivit une formation à la peinture, à l’ « ERG » (« École de Recherche Graphique »), à Saint-Gilles, sa passion s’étant développée, entretemps, par un premier long séjour – durant lequel Flora découvre ses racines maternelles – à Buenos Aires, où, en 2011, elle suit un atelier du plasticien argentin Diego Bianchi (°Buenos Aires/ 1969), s'inspirant, pour ses créations. d'affichettes publicitaires des prostituées locales.
De retour à Bruxelles, elle termine son master à l’ « ERG », tout en réalisant son projet « Drap-Peau », mettant en scène, sur du papier, le corps du sportif et son enveloppe épidermique.
Lors d’un second voyage dans la capitale argentine, son terrain de flânerie et d’observation, pour lequel le « Fonds Thirionet » intervint, elle ancra ses projets au sein d’un espace pluriculturel, répondant au nom de « La Fabrica ». Y bénéficiant d’une résidence d’artiste, elle confronte son propos au regard critique et constructif du plasticien José Alberto Marchi (°Argentine/1956).
Sur le sol du « Delta », repose un foulard en soie, mettant des mains à l’honneur, nous rappelant le propos de Flora : « J’aimerais parler des mains. Celles qui créent, qui fabriquent, qui miment… J’aimerais aborder l’artisanat et l’art qui fusionnent dans mes ouvrages. Les techniques et les leurres, les frontières qui se floutent. »
Ayant admiré ses oeuvres sur soie, datant de 2019, de la série "Drapeaux de Soie", aux motifs de corps et mains, nous découvrons son oeuvre « Cartes », créée, en 2017, sur du papier artisanal, à l’aide de cartes routières récupérées – ensuite imprimé à la technique du « monotype » (procédé d’impression sans gravure et à tirage unique) -, dont les plis nous rappellent l’utilisation de ces cartes routières que l’on devaient déplier. Ce concernant, elle nous confie : « Si autrefois le voyage rimait encore avec l’exploration aventureuse du territoire, aujourd’hui les cartes routières sont des objets en voie de disparition, le support, le format, ne correspondent plus pour nous accompagner dans nos déplacements. Aussi, j’ai réalisé ‘Cartes’, une oeuvre en papier, encollé sur toile – ce qui évite toute usure naturelle -, pouvant se replier, le pli représentant, pour moi, le voyage, la mobilité, la toile, quant à elle, évoquant la durée, la stabilité. »
Evoquant cette oeuvre, Anaël Lejeune (°Namur/1981), docteur en Histoire de l'Art, écrit : « Les contorsions et plis du morceau de tissu sur le papier évoquent donc autant l’image d’un corps recroquevillé, que la technique de réalisation d’une estampe elle-même, une vidéo (nous permettant de découvrir) les manipulations des cartes auxquelles se livrent les mains de l’artiste, en une petite chorégraphie gestuelle. Elles animent chaque objet en lui conférant de multiples configurations, où le plan se déploie dans trois dimensions et où le dessin devient sculpture. »
Au marché aux puces, sur la place du Jeu de Balle, outre ces cartes routières usagées, Flora découvrait, en 2018, un lot de milliers de timbres poste oblitérés à l'effigie du Roi Baudouin - datant des années '60-'70 -, qui lui permirent de s’adonner au « Mail Art », créant sa série « Timbré », par laquelle, en réutilisant ce matériau papier inédit, elle offrit une seconde vie à cette collection de toute une vie.
Anaël Lejeune écrit : « (Ayant assemblé) près de deux mille timbres en une tapisserie régulière, elle les broie pour préparer des pâtes à papier, aux colorations variées, dont elle se sert pour produire des feuilles qui accueilleront diverses interventions graphiques : grille tracée à la main, empreintes négatives de timbres et de leurs profils dentelés réalisées au monotype. »
« Avec les fragments d’enveloppes sur lesquelles étaient collés les timbres, elle réalise, encore, une composition
colorée à la rythmique organique qui n’est pas sans rappeler l’abstraction géométrique du début du XXè siècle, et où les traces, qui subsistent des échanges épistolaires, font apparaître, tels des indices, des bribes de vies passées. »
*** Camille Dufour :
Diplômée, en 2017, de l’ « ENSAV » (« École Nationale Supérieure des Arts Visuels »)-La Cambre, à Bruxelles, son projet de fin d’études évoquait le siège et la disparition de la Ville d’Alep, en Syrie. Lors de cette performance, Camille imprimait ses gravures à la main, à l’aide d’un savon d’Alep, jusqu’à épuisement de l’encre, l’effacement du motif gravé, par impressions successives, visant à laver symboliquement les désastres de la guerre et le trop plein d’images médiatiques.
Pour ce travail, à La Louvière, elle partage, avec Vladimir Ivaneanu (°Gent/1977), le « Prix de la Gravure », obtenant, en 2019, à Woluwe-Saint-Lambert, le « Prix de la Fédération Wallonie-Bruxelles », dans le cadre du concours annuel de « La Médiatine ». A Liège, en 2020, elle remporte le « Prix de la BIP » (« Biennale de l’Image Possible »), obtenant la bourse « Vocatio », soutenant le talent et l’ambition des jeunes, alors qu’elle entamme une carrière de professeur de gravure à l’ « ESA » (« Ecole Supérieure de Arts »)-Saint-Luc, à Bruxelles.
Retour à Liège, en 2021, où le « Prix Dacos » lui est décerné, alors que la Fédération Wallonie-Bruxelles lui acorde la bourse « Un Futur pour la Culture ».
A Waregem, dans l’usine de fabrication de toile « Claessens Canvas », Camille avait poursuivi, en 2019, ses recherches sur la catharsis, imprimant, jusqu’à épuisement de l’encre, une centaine de xylographies sur toile, cette série, « Lavandière de la Nuit », revisitant le thème de l’apocalypse, à l’ère de l’anthropocène, ayant été exposée, par la suite, à l' « Ijsberg », à Damme ; au « Wiels », à Forest ; et au « Centre Wallonie-Bruxelles », à Paris.
Ensuite, avec Rafaël Klepfisch, elle réalise la série des « 7 péchés du capitalisme », renouant avec les origines de la gravure, comme moyen de reproduction et de communication populaire. Ce projet d’affichage urbain destinait des centaines de gravures originales à être complétées et/ou emportées par les passants. Ainsi, en 2020 , pour la « BIP », les visiteurs étaient invités à apporter des estampes, afin qu'il puisse les afficher, lui-même, dans la Ville de Liège, ce dispositif sétant poursuivi, en mai 2021, au départ du « Centre Wallonie-Bruxelles », à Paris.
A l’occasion de la présente exposition, au « Delta », ce même duo d’artistes a imprimé, sur place, une centaine d’exemplaires de trois ou quatre gravures de la série, qu’ils déposèrent, en novembre, dans cent boîtes aux lettres de la Wallonie et de Bruxelles, une gravure, ce projet, « Empreintes carbonne » proposant de penser le changement climatique, collectivement, au moyen de cette vaste correspondance. Chaque gravure offerte était accompagnée d’une question et d’un carton de réponse, préaffranchi, permettant aux destinataires de renvoyer leurs pensées, sentiments et réactions, … que nous pourrons découvrir en visitant l’exposition.
Pourquoi pas à l’occasion du finissage, le dimanche 09 janvier 2022, de 10h30 à 12h30, vu que nous serons invités à assister à une performance d’impression offerte, sans supplément au prix d’entrée de l’expo, par Camille Dufour & Rafaël Klepfisch, qui réaliseront, devant nous, une gravure monumentale, en finalisation de leur projet « Empreinte Carbone », qui présente une série de cent gravures sur bois, liant cent portraits à autant de problématiques environnementales.
Laissons à Anaël Lejeune la conclusion de notre propos : « Outre les enjeux sociétaux forts portés par les thèmes qui y sont figurés, les œuvres de ces artistes nous offrent une réflexion précieuse sur les processus de production des images, leur support d’apparition et leurs modes de circulation dans notre société contemporaine. »
Ouverture : jusqu’au dimanche 09 janvier 2022, du mardi au dimanche, de 10h à 18h. Obligations sanitaires : port d’un masque buccal, ainsi que présentation de son « CST » (« Covid Safe Ticket ») et d’une pièce d’identité. Prix d’entrée (incluant l’accès à l’espace muséal et à l’exposition « Rencontres inatendues-Collection Jos Knaepen ») : 5€ (0€, pour les moins de 12 ans & les « Art. 27 ». Prix du « Pass Delta », pour obtenir des réuctions : 15€ (5€, pour les moins de 26 ans, les enseignants, les personnes en situation de handicap, les demandeurs d’emploi & à partir de 65 ans / 0€, pour les moins de 12 ans & les « Art. 27 ». Contacts : 081/77.67.73 & info@ledelta. Siteweb : http://www.ledelta.be, http://www.florahubot.com & http://www.camille-dufour.be.
A noter qu’outre son espace muséal permanent, trois autres expositions sont à découvrir au « Delta » :
- « Premier Concours National Photos Namur », jusqu’au jeudi 30 décembre 2021 ;
- « Rencontres inattendues – Collection Jos Knaepen », jusqu’au dimanche 09 janvier 2022 ;
- « Youpi Gloups Haha ! – Parcours d’Emotions », jusqu’au dimanche 27 mars 2022.
Yves Calbert.