"J'ai vu le Futur", d'Ève Cadieux, à l' "Atomium", jusqu'en 2024
Depuis le mercredi 21 juin et jusqu’en 2024, une artiste québécoise, Ève Cadieux, née à Montréal, nous propose « J’ai vu le Futur », une exposition de ses photographies de différentes « Expositions universelles », présentée dans les deux étages d’une boule de l’ « Atomium », … qui n’est ouverte au public que depuis 2022.
Ce concernant, Julie Almau Gonzalez, directrice de l’ « Atomium, depuis le 1er avril 2021, nous confia : « Jusqu’avant la pandémie, cette boule accueillait des classes d’enfants d’écoles primaires, qui pouvaient y passer la nuit, avec leurs institutrices ou instituteurs. Les excursions scolaires étant, alors, devenues interdites, cet accueil ne fut plus possible. Hors, vu le nombre de visiteurs en constante croissance, dépassant les 650.000 visiteurs par an, avant la crise sanitaire, nous avions l’envie de leur offrir davantage d’espaces visitables. »
Récipiendaire de nombreuses bourses de recherche et création, notamment du « Conseil des Arts et des Lettres du Québec », diplômée de l’Université de Montréal, Ève Cadieux est titulaire d’un baccalauréat en arts plastiques et en histoire de l’art, ainsi que d’une maîtrise en histoire de l’art et création visuelle.
En 1967, alors qu’elle n’était pas encore née, ses parents, Marcelle Viau et Claude Cadieux, visitèrent l’ « Exposition universelle », à Montréal (qui, en dialecte autochtone kanien’kéha, signifie « là où les courants se rencontrent »), organisée à l’occasion du 375è anniversaire de la fondation de la Ville. Quatre clichés de son père – tirages d’après diapositives – sont exposés au sein de cette exposition, témoins de l’intérêt qu’Ève Cadieux prêta à cet événement, qu’elle ne put découvrir qu’au travers des propos de ses parents, ne pouvant visiter que les vestiges de cette Exposition, qui, selon elle, fut majeure pour l’histoire du Québec, voire du Canada. « Ce rassemblement était incroyable et c’était un moyen de montrer au monde qui ont était », tint-elle à souligner. Ainsi se développa son projet de voyager dans le monde, à la recherche des prouesses architecturales, d’autres époques, investies par la nature, de pavillons exilés, sinon reclassés, de zones laissées à l’abandon.
Son premier séjour en Belgique remonte à 2002, alors qu’au sein d’une exposition collective, du « Centre Vu », de Québec, composé d’artistes autogérés – proposée dans le cadre de la « Biennale internationale de la Photographie et des Arts visuels » -, elle exposait ses photographies aux « Chiroux », un bâtiment édifié en 1905, pour l’ ‘Exposition universelle’ de Liège …
… Mais ce n’est qu’en 2015, que le déclic se produisit, alors qu’elle séjournait en Andalousie. L’artiste québécoise nous confia : « J’étais à Séville pour repérer et faire de la photographie des ses marchés aux puces, étant fascinée par les collections, les objets et leur accumulation. Je savais qu’il y avait eu à Séville, en 1992, une ‘ Exposition universelle’. Me rendant sur son site, sa visite fut comme une révélation. Je me suis dit ‘ça y est, je dois commencer ce projet’. Je faisais déjà toutes sortes de choses, entre autres avec les diapositives de mon père, mais là je me suis rendu compte que ma fascination était beaucoup plus large que celle de l’ ‘Exposition universelle’ de 1967. J’ai grandi avec ça, en fouillant dans les archives de mes parents, en les écoutant en parler. C’est ainsi que mon projet pu démarrer plus concrètement. »
Ainsi, « depuis de nombreuses années, je revisite le phénomène des ‘Expositions universelles’. Recherches, lectures et collectes d’artéfacts habitent mon quotidien … Je photographie les vestiges de terrains toujours actifs, parfois laissés à l’abandon ou encore en recherche de devenir, car il est parfois difficile de trouver de nouvelles vocations à un site quand un événement a profondément marqué son territoire et sa mémoire, notre mémoire. »
« Toutes ces photographies sont choisies pour provoquer des dialogues visuels, entre elles et avec leur espace d’exposition. Elles rappellent bien sûr des moments historiques, mais elles explorent avant tout des présents silencieux, un peu décalés et nécessairement détachés de leur contexte. D’ailleurs, les ‘expositions universelles’, bien que fortement associées à une année, font rarement écho à leur présent, mais exhibent les promesses de demain« , d’où le titre donné à la présente exposition : « J’ai vu le Futur », nous présentant douze sites qu’elle a déjà visités, alors que, d’ici 2026, elle prévoit d’en découvrir huit autres.
Séville 1992 © Ève Cadieux/1992 © « Atomium »/2023
Ces sites nous sont présentés de différentes manières, avec des photos lumineuses de grands formats, groupées par trois, quatre, voire une vingtaine, cette scénographie incluant, aussi, quelques images filmées et quatre écrans où se succèdent cinq photographies, quelques intéressantes citations en rapport avec différentes « expositions universelles » étant reprises sur une vitre, telle celle de Robert Daughtridge, du quotidien « Chicago Tribune » : « Chicago, où des visionnaires ont partagé leurs prédictions pour le futur » (« A Century of Progress. A photographic Tour of the 1933-1934 Chicago World’s Fair »). De son côté, Victor Perez Escolano écrivit, concernant l’ « Exposition universelle » de Séville, en 1992 : « L’autre Ville, surprenante, divertissante et vibrante ».
En outre, huit petits clichés, réalisés par un autre photographe québécois, Vincent Roy (°Rimouski), qui écrivit : « Ce qui me fait fait me lever tous les matins, c’est mon goût pour la vie, le plaisir de créer, de découvrir ». Des mots bien dans l’esprit d’Ève Cadieux, qu’il a photographiée alors qu’elle découvrait différents sites, des photos de cette dernière étant exposées par thèmes, comme celui des portes, aujourd’hui délaissées, ou encore, visibles de loin, des dômes.
Directeur des expositions de l’ « Atomium », Arnaud Bozzini écrivit : « Ce qui me frappe dans le travail d’Ève, c’est son regard sans concession. Les photos sont esthétiques, parce c’est le regard d’une photographe, d’une artiste, mais elles sont parfois dures. J’ai vraiment été séduit par cela. Je crois à l’installation et je crois au propos, à ce que montrent ces photos, parfois le côté désuet de vouloir montrer un futur, et le fantasme des ‘expositions universelles’. »
« L’équipe de l’ ‘Atomium’ n’est pas intervenue. Nous ne sommes pas dans une exposition historique, académique, où il faut être exhaustif. C’est une démarche artistique, c’est le propos d’Ève. Ce n’est pas une exposition sur les vestiges d’ ‘expositions universelles’, c’est une installation photographique. Cette démarche n’est pas exhaustive ou encyclopédique, c’est un travail d’artiste. Sa démarche a commencé il y a longtemps. Ce n’est pas la première fois que ses photos sont exposées, mais c’est la première fois qu’elles le sont de cette manière. »
New York 1939 © Ève Cadieux/2022 © « Atomium »/2023
Ève Cadieux précisa d’ailleurs : « Pour moi, ce projet est une occasion inouïe de présenter cette installation photographique à l’ ‘Atomium’. C’est en fait une version pour l’ ‘Atomium’. Pour moi, les choix se font aussi en fonction du lieu. Mon objectif n’est pas seulement d’accrocher, d’exposer, de montrer des images, mais vraiment de cohabiter avec l’ ‘Atomium’, avec son architecture, avec un lieu qui est tout à fait à propos pour présenter des images , qui ont été prises sur des expositions universelles, ces images, présentées sur des surfaces volumineuses, ne cachant pas l’ ‘Atomium’, mais dialoguant avec l’architecture de ce lieu. »
Et Arnaud Bozzini de reprendre : « L’équipe de l’ ‘Atomium’ n’est pas intervenue. Nous ne sommes pas dans une exposition historique, académique, où il faut être exhaustif. C’est une démarche artistique, c’est le propos d’Ève. Ce n’est pas une exposition sur les vestiges de l’exposition universelle, c’est une installation photographique. Cette démarche n’est pas exhaustive ou encyclopédique, c’est un travail d’artiste. Sa démarche a commencé il y a longtemps. Ce n’est pas la première fois que ses photos sont exposées, mais c’est la première fois qu’elles le sont de cette manière. »
© Ève Cadieux © « Atomium »/2023
Redonnons la parole à l’artiste québécoise : « Bienvenue donc dans cet amalgame photographique spécialement déployé pour et avec l’Atomium, lieu inouï et architecture extraordinaire de l’ ‘Exposition universelle’ de Bruxelles, de 1958. L’ensemble photographique à parcourir évoque un rêve grandiose et audacieux – né à Londres, en 1851, dans le sillage de la modernité – d’un monde pacifiste et avide de progrès, où les frontières n’existeraient plus. Une utopie qui a le mérite d’avoir créé de nombreux, tangibles et colossaux rassemblements humains. »
Ouverture : jusqu’en 2024, tous les jours, de 10h à 18h (dernières entrées à 17h30) Prix d’accès à l’ « Atomium » (incluant les visites de la présente exposition, ainsi qu’à 150 m, du « Design Museum Brussels ») : 16€ (14€, dès 65 ans / 8€50, pour les étudiants, détenteurs de la carte internationale, les moins de 18 ans & les personnes porteuses d’un handicap à partir de la taille 1m15 / 0€, pour les enfants hauts de moins d’1m15 & pour les PMR). Prix combiné avec la visite de « Mini Europe » : de 19€80, à partir de 12 ans, à 31€30 (29€60, dès 65 ans / 24€20, de 13 à 17 an & pour les étudiants, détenteurs de la carte internationale / 19€80, dès la hauteur d’1m15 & jusqu’à 12 ans inclus / 0€, pour les enfants hauts de moins d’1m15). Achats en ligne : https://atomium.be/atomium-price?lang=fr. Site web : https://atomium.be/.
Si la montée vers l’exposition se fait par un très rapide ascenseur, en descendant par l’escalier, nous pourrons découvrir la collection permanente de l’ « Expo 58 », ainsi qu’une superbe maquette rappelant de bons souvenirs aux anciens et permettant aux autres de se rendre compte de ce que fut l’étendue de cette exposition, il y a 65 ans.
A l’époque, en 2020, de l’inauguration de cette maquette, créée, au 1/250è, par le Bruxellois Étienne Tollenaere – qui, alors âgé de 12 ans, visita ce prestigieux site à … 52 reprises -, ce dernier nous confia : « Sans la moindre exception, tous les pavillons sont représentés, tous comme le sont toutes les surfaces d’eau, et attractions foraines, les 120 maisons de la ‘Belgique joyeuse’, ou encore les 18 édifices qui constituaient le ‘Pavillon de l’Italie’. »
« Ma plus grande difficulté fut de réaliser l’escalier en double courbe de la flèche du ‘Génie civil’. Il y avait de quoi s’arracher les cheveux,… mais je l’ai fait. Autres difficultés à cette échelle : la ‘montagne russe’ des attractions foraines, ainsi que la longue passerelle, sans oublier mon soucis de placer les jets d’eau aux bons endroits, en toute fidélité avec la réalité de 1958. »
Yves Calbert.