Congo, Belges et francophonie
On pense encore à toi oh Bwana
Kinshasa accueille, ce prochain weekend d’octobre, le XIVe sommet de la francophonie.
La République Démocratique du Congo est le plus grand pays francophone du monde (4 fois plus grand que la France) et Kinshasa est la plus grande ville francophone du monde (environ 10 millions d’habitants, pour 2 millions à la ville de Paris).
En RDC, comme dans une vingtaine de pays d’Afrique, le français est la seule langue officielle.
Et voici que les Congolais se font un devoir et un malin plaisir, non sans fierté et humour, d’affirmer la spécificité de leur appartenance à la francophonie : le Congo ne doit rien aux Français, il doit tout aux Belges. C’est un fait que presque tout le monde ignore aujourd’hui, même dans l’intelligentsia panafricaine.
Le français est la seule langue officielle du Congo : il est la langue exclusive de l’administration, du parlement, de la justice, de l’enseignement à quelque niveau et en quelque matière que ce soit.
Mais par ailleurs tous les Congolais sont des parfaits bilingues (comme tous les Africains dont le français est la ou une langue officielle : le Congo ou le Togo entre autres dans le premier cas, la Tunisie et Madagascar entre autres dans le deuxième). Une richesse culturelle que, soit dit en passant, la Wallonie a perdu depuis des décennies…
Dans leur communication urbi et orbi précédant le sommet de la francophonie, les Congolais saluent la sagesse des Belges du temps des colonies : pour peu souscriraient-ils au discours du roi Baudouin le jour de l’indépendance… En effet, l’administration belge s’était très vite rendu compte qu’il s’agissait d’enseigner le français sans le faire entrer en concurrence avec les langues orales indigènes (au nombre de 221 en l’occurrence). Cela, contrairement aux Français, qui « imposèrent » la langue des Voltaire et des Droits de l’Homme sans se soucier du maintien des cultures linguistiques indigènes, dont la survie se vit confinée au milieu familial et villageois d’un chacun.
L’avenir de la francophonie dans le monde
Profitant de l’attention que leur offre le sommet, de grands esprits de la francophonie africaine émettent des considérations qui méritent d’être relevées.
Le constat que dans les assemblées internationales, institutions politico-économiques ou forums scientifiques, les délégations des pays africains francophones font bloc pour s’exprimer exclusivement en français, contrairement aux autres intervenants francophones du monde, y compris les Français : ceux-ci font usage de l’anglais, pour des raisons avouées de recherche d’efficacité, d’occupation du terrain médiatique international, de conformité à la mode.
50% des francophones du monde habitent aujourd’hui des pays africains francophones.
On s’accorde à dire qu’en raison notamment de l’évolution démographique, cette proportion sera de 80% en 2050.
Certains font la projection, non sans ironie, de ce que 100% des francophones du monde habiteront l’Afrique en 2100.
Si par stratégie politique, pour des raisons culturelles ou économiques (l’attrait du giron chinois, par exemple, mais l’hypothèse fut envisagée en RDC lorsque les Kabila prirent tour à tour le pouvoir) les pays francophones d’Afrique, au nombre d’une vingtaine, tournaient le dos au français comme langue nationale exclusive, les Etats francophones pourraient se retrouver à deux, et à deux seulement, à l’ONU, comme ce fut le cas en 1945, lors de la fondation de l’Organisation : la France et Haïti.
Bref, l’importance et le renom de la langue française dans le monde est entre les mains de l’Afrique. Et c’est un peu grâce « à l’œuvre conçue par le génie du roi Léopold II » dans notre colonie -les mots sont du roi Baudouin le 30 juin 1960- que le Congo en fait prendre conscience au monde.
Lomé, le 10 octobre 2012
René Dislaire