Entretien avec Kouakou Gbahi Kouakou
Agriculteur dans son paisible village dans le centre de la Côte d’Ivoire, Kouakou Gbahi Kouakou s’est retrouvé du jour au lendemain face à la violence du conflit politico-militaire qui déchire la Côte d’Ivoire depuis septembre 2002.
Dans un récit passionnant intitulé « Le peuple n’aime pas le peuple », l’auteur nous livre avec beaucoup de lucidité et d’audace ce que peut être le quotidien des hommes ordinaires dans une guerre civile comme celle qui déchire son pays. Nous avons eu la chance de rencontrer Kouakou Gbahi Kouakou qui est désormais Ardennais de coeur puisqu’il est marié à une Tennevilloise. L’écrivain a bien voulu répondre à nos questions. Signalons enfin qu’il participait samedi dernier à la Foire du Livre de Bruxelles à une conférence intitulée « L’Europe vue d’Afrique », aux côtés de Louis Michel notamment.
Ardenne web : Pourquoi dites-vous que
« Le peuple n’aime pas le peuple » ?
Kouakou Gbahi Kouakou : C’est tout simplement une invitation à un questionnement de chacun, sur les relations que nous entretenons quotidiennement avec nos semblables, sur le sens de l’humanité, sur notre capacité à vivre ensemble, par rapport à ce que peuvent représenter les intérêts des uns et des autres. Au regard de ce qui se passe en Côte d’Ivoire, mon pays, je pense que j’ai de sérieuses raisons de dire que « Le peuple n’aime pas le peuple ». Sinon, nous n’en serions pas là, en train de nous battre.
A. w. : Dites-nous, au moment où il est de plus en plus difficile de se faire publier, quel a été le parcours de votre manuscrit pour que vous soyez édité chez Gallimard à votre premier essai ?
K. G. K : Je vais vous surprendre mais mon manuscrit est parti par la poste. Et la suite, c’est comme toujours une bonne dose de chance pour qu’il soit lu une fois chez l’éditeur, et après c’est la qualité du texte qui fait le reste.
A. w : En lisant votre livre, on se rend compte que vous avez eu beaucoup de courage en exprimant vos idées dans un pays en guerre. Est-ce que c’est pour cela que vous vous êtes réfugié en Belgique ?
K G. K : (Il rit) Non. Même si j’aurais pu ! Puisque dans mon pays, ceux qui se refusent à comprendre la vérité officielle sont traqués par les milices qui prolifèrent à Abidjan. En ce qui me concerne, je suis désormais Ardennais puisque c’est dans ce terroir belge que j’ai trouvé ma moitié il y a trois ans.
Ardenne web : Dites-nous quel ont été les réactions à ce regard que vous portez sur votre pays, les relations que vous qualifiez d’ambiguës entre la France et votre continent, l’Afrique ?
K. G. K. : Si j’en crois les articles des quotidiens Européens qui ont fait écho de mon livre, je dirais que les réactions sont très bonnes seulement je ne suis pas Européen mais Ivoirien. De ce côté, les commentaires sont souvent amers, notamment à Abidjan.
A. w. : Êtes vous prêt, si on vous sollicitait, à partager votre expérience de l’Afrique et votre vision du vivre ensemble avec des élèves et des étudiants belges ?
K. G. K. : Ce serait avec plaisir… et c’est aussi ce que je pense pouvoir apporter à la Belgique en reconnaissance de mon adoption.
Nous souhaitons adresser un merci tout particulier à Julie Leduc sans qui cet entretien n’aurait pu voir le jour. Merci Julie !
Jean-Phi
jeanphi111@yahoo.com