Le Welkenraedtois René Schyns est décédé
Lui, l’organisateur des plus grosses expos du pays et qui a présidé pendant plus de trente ans l’ASBL Collections et Patrimoines ( expos aux Guillemins, Tout Hergé,..) est décédé ce vendredi.
Triste nouvelle ce samedi pour la région verviétoise et tout particulièrement la commune de Welkenraedt: René Schyns s’est éteint ce 10 novembre 2023 à l’âge de 84 ans.
Le club de tennis de Welkenraedt, le tennis club Belle-Vue, perd ainsi son président et fondateur, figure indissociable de l’histoire du club. Il présida également le parti social-chrétien (PSC) de l’arrondissement de Verviers pendant 21 ans, de 1978 à 1999.
Mais René Schyns est connu bien au-delà des limites de sa commune pour l’avoir fait rayonner au quatre coins de la Belgique et même à l’international à travers l’ASBL Collections et Patrimoines, à l'origine des plus grandes expos du pays.
L’exposition "Tout Hergé" organisée en 1991 au centre culturel de Welkenraedt avait attiré pas moins de 250 000 visiteurs et une foule de médias avec 52 télévisions différentes. Il faut dire que les organisateurs, des précurseurs, avaient eu l'ingénieuse idée de penser la scénographie en 3D.... allant même jusqu'à reproduire le décollage de la fusée de célèbre reporter.
"J’avais 20 ans en 1945" dépassera encore ce chiffre en accueillant 750 000 visiteurs en 1994 et 1995. S’en sont suivies une série d’expositions riches et variés : "Made in Belgium (2005, Bruxelles)," "SOS Planet (2011, Liège)", "de Salvador à Dalí (2016, Liège)", "J'aurai 20 ans en 2030 (2017, Liège)", "Toutankhamon", "A la découverte du pharaon oublié (2020, Liège ) " avant d’être décentralisée),… La recette du succès: la volonté de rendre la culture accessible à travers des décors, des reconstitutions, des dossiers pédagogiques,... L'immersion était garantie.
En 2021, René Schyns tirait sa révérence et quittait la présidence de l’ASBL… après avoir ébloui pas moins de 3,5 millions de visiteurs !
Ce samedi, les hommages se multiplient notamment sur les réseaux sociaux et saluent: "un grand homme", "un homme aux mille idées", "un homme exceptionnel et d’une rare gentillesse".
France Fouarge ( L’Avenir )
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2021-10-09 Interview : Pierre LEJEUNE ( L’ Avenir )
René Schyns tire sa révérence. Il aura ébloui 3,5 millions de visiteurs
René Schyns quitte la présidence de Collections et Patrimoines. Les plus grosses expositions du pays, on les doit au Welkenraedtois et à son équipe… Une fierté bien légitime.
René Schyns, depuis fin septembre, vous n’êtes plus à la présidence de Collections et Patrimoines, l’ASBL qui, ces trente dernières années, a mis sur pied les plus grosses expositions du pays. Pourquoi ce choix?
Il y avait longtemps que j’y pensais. J’ai 82 ans et c’était très prenant. Quand tout va bien, ça va… Mais ce n’est jamais le cas pour les grosses expos. Alain Mager va me succéder (on va regrouper Europa Expo et Collections et Patrimoines). On organise un groupe pour s’impliquer, il y aura des réviseurs d’entreprises, André Stein qui quitte le tennis, etc. Un groupe qui pourra tenir, vu les difficultés qu’il y a. Quiconque aurait des envies serait le bienvenu… Puis, 30 ans, ce n’est pas une petite étape. On a fait venir 3,5 millions de visiteurs, c’est impressionnant.
Tout part d’une idée: organiser, en 1991, l’exposition «Tout Hergé» à Welkenraedt. 250 000 visiteurs, un coup de maître. Un succès inattendu?
Tout part de là. Et je suis encore étonné du succès. On prenait un grand risque, ça coûtait relativement cher et nous n’avions pas de moyens. C’est parti des 20 ans du Festival de Welkenraedt, avec Stéphane Steeman qui m’a prêté des pièces sur Hergé. Mais c’étaient surtout des objets en 2D et c’est de là qu’est venue l’idée (avec Adelin Guyot) de faire de la 3D, l’immersion du public dans les décors. Et ça a été un succès extraordinaire. L’image de la BD en 3D a impressionné les gens. Le fumoir d’opium, par exemple: on a fait des décors avec des artistes qui étaient des jeunes étudiants presque tous issus de Saint-Luc. Lorsque Tchang est venu, il a remarqué les fautes… Et il a refait tout le texte qu’on a mis à côté. J’ai toujours les originaux ici. Ce qui m’a aussi fort impressionné, c’est la décoration dans Welkenraedt. Tout était décoré! Et alors, les médias: 52 télévisions différentes! C’était difficile à gérer, on n’avait jamais imaginé ça. C’est l’expo qui, en Belgique, a attiré le plus de monde en peu de temps. On a fait 750 000 visiteurs avec «J’avais 20 ans en 45» (1994-1995); ici, 250 000 visiteurs en 100 jours! En 1992 ou 1993, à Barcelone, je me souviens avoir rencontré une dame qui connaissait Welkenraedt grâce à l’expo Tintin. Ce fut le départ.
Quel regard portez-vous sur ces 30 ans d’expositions?
Je suis très heureux de la réussite et très fier. Je ne suis pas un orgueilleux mais si on n’a pas une certaine fierté à ce niveau-là, on ne le fait pas.
On a fait une quinzaine de grandes expositions, et en plus 25 autres de moindre importance (à Bruxelles, à Paris…)
Il y a six ans, vous nous aviez confié rêver de trois expos: l’Égypte, la Grèce et Rome. En ajoutant «Si j’y arrive, c’est que je suis encore là pour 15 ans»…
(Rires) On fait Toutânkhamon ! Je voulais faire les origines de la civilisation européenne mais il y a un musée à Tongres qui est remarquable. Mais on l'avait dans les cartons, la Grèce aussi. J'aurais voulu faire une expo sur la démocratie.
Comment se porte l’ASBL après 18 mois de crise sanitaire ?
Très difficilement. On n’a jamais eu de grosses dettes mais il faut choisir des thèmes porteurs, en gardant de la qualité. On doit à chaque fois négocier… Il y a toute une économie derrière mais on n’a jamais eu un subside supérieur à 1,2 million. Maintenant, je me demande comment on va se relever du Covid. Il faut que la population vienne voir les expos, qu’elle fasse revivre l’économie et la culture!
On imagine que vos journées resteront bien remplies…
Je suis toujours conseiller de l’ASBL, j’aurai probablement un titre d’honneur… Mais je ne veux pas être la belle-mère. Mais j’ai encore le tennis (un club de 400 membres, on construit le padel), ça prend du temps aussi.
Quel message souhaitez-vous adresser au futur président ?
Alain est avec moi depuis «Tout Hergé», il connaît bien la matière et est aussi passionné. Il faut être passionné et rester dans le courant du sujet, ne pas trop se disperser… car il est passionné pour tout (rires). On a toujours quelqu'un à rencontrer, et ça en fait la richesse.
Du tac au tac, retour sur trente années consacrées aux expositions
L’expo dont vous êtes le plus fier ?
Surtout «Toutânkhamon» car beaucoup de monde l’avait vu… mais pas le Toutânkhamon de chez nous! Ce sera la première exposition décentralisée (au Heysel, puis probablement à Lyon).
La plus difficile à mettre en place ?
«Léonard De Vinci», à la basilique de Koekelberg, et «SOS Planet», aux Guillemins, pour les contradictions en termes de hauteur.
Celle qui a rencontré le plus de succès ?
«J’avais 20 ans en 45»: 750 000 visiteurs.
Et celle qui a attiré le moins ?
Les récentes… «Génération 80» et «J’aurai 20 ans en 2030». On a été en perdition avec «Toutânkhamon», en raison du Covid.
Celle qui vous tenait le plus à cœur ?
«J’avais 20 ans en 45», la plus sentimentale pour moi car mon papa était responsable de la Résistance des 10 communes annexées ici pendant la guerre (Baelen, etc.). Je voulais faire un témoignage pour ceux qui étaient dans la Résistance, à côté des militaires.
Celle que vous auriez aimé monter ? De Funès-Bourvil ?
De Funès-Bourvil, ça aurait été marrant… Pour la jeunesse, c’eut été un bel appel. Ma fille souhaite en faire une sur le populisme (la suite de «J’avais 20 ans…»).
L’expo au budget le plus élevé?
Difficile à dire. Les grandes expos tournent entre 4 et 5 millions d’euros. Hergé, c’était beaucoup moins. C’est l’occasion de dire qu’on a 20-25 salariés et que les administrateurs sont tous bénévoles.
L’aléa le plus compliqué à surmonter ?
Le problème financier. On doit réussir... ou on est en faillite. Et depuis le Covid, nous n’avons plus de sponsors. Et le tax-shelter est un gros drame pour les expositions temporaires.
L’élément de décor ou l’objet le plus compliqué à trouver ?
Pour «Made in Belgium», on voulait avoir l’épée pour représenter Godefroy de Bouillon. Elle était à Jérusalem et le ministre des Affaires étrangères est allé la chercher. Les pièces scellées, aussi (comme la tête de Néfertiti ou les tableaux originaux).
Le décor qui vous a le plus épaté ?
La tranchée de la guerre 14-18. Le roi Philippe faisait fermer les yeux à ses enfants (rires).
La vedette la plus «inattendue» ?
On a eu le fils du général allemand Rommel et le fils du maréchal Montgommery. Ils ne s’étaient jamais rencontrés. Ils ont tenu une conférence devant 2 000 jeunes, une belle réussite pour la démocratie.
La plus «habituelle» ?
Annie Cordy, mais on en a eu beaucoup, surtout des Belges…
Celle qui aurait dû venir ? Jacques Chirac ? Léonardo DiCaprio ?
On était noyés par les événements, on ne les a finalement pas contactés (rires). On a eu Martin Schulz (qui est venu) avec le maire de Ypres et celui de Verdun. C'était fort symbolique.
L’histoire la plus insolite?
Celle du chanteur Renaud qui, assailli par les fans dans le chapiteau, avait eu très peur à Welkenraedt?
Renaud… (rires). Avant «Tout Hergé», j'avais eu une réunion avec des gens de la commune et la population s'est vraiment impliquée pour que Welkenraedt devienne Hergé-Ville. On aurait pu continuer longtemps cette expo!
Le plus beau commentaire ?
Difficile à dire! Les gens trouvent toujours que j’ai pris beaucoup de risques, en faisant tout très simplement. On a tout fait en équipe, on est solidaire et on le fait parce qu’on est des passionnés.
Le roi plusieurs fois invité
René Schyns a accueilli le roi Albert une demi-douzaine de fois sur ses expositions. Les deux hommes s’apprécient.
Les membres de la famille royale sont des habitués de vos expositions. Comment se sont créés les liens au fil des ans?
Des liens, c’est un grand mot. Au Palais des Beaux-Arts, dans les années 90, le roi m’avait appelé car la semaine d’après on inaugurait l’exposition «Made in Belgium». On organisait donc sa visite. Et la reine, à côté, a fait connaissance avec mon épouse… En se rendant compte que la reine avait rencontré, à Rome, l’oncle de mon épouse. Avec Albert, on pouvait parler de tout, c’était très agréable. On se connaissait vraiment bien… Et ce qui m’a étonné, c’est que quelques mois avant son retrait nous en avions parlé… et il ne m’avait rien dit!