"Les Portes d'Or. Charles Doudelet (1861-1938) et le Symbolisme", au "Musée Félicien Rops", à Namur, jusqu'au 05 Mars
« J’entends par symbolisme l’essence même de l’Art, l’intérieure splendeur qui donne à telle œuvre un rayonnement magique, qui fait qu’on la sépare et qu’on l’admire comme un diamant parmi des cabochons de verre », écrivit l’artiste peintre, graveur, illustrateur et scénographe belge Charles Doudelet, (1861-1938), en 1901, dans « L’Idée libre ».
Né à Lille, Charles Doudelet s’installe à Gand, en 1877, après le décès de son père. Il devient le dessinateur attitré de la « Rijksuniversiteit » et développe, entre 1887 et 1902, un réseau artistique, en participant à de nombreuses expositions, revues et Salons, tout en devenant franc-maçon.
C’est à cette période que débute une relation amicale avec l’écrivain belge Maurice Maeterlinck (Maurice Polydore Marie Bernard Maeterlinck/1862-1949/lauréat, en 1911, du « Prix Nobel de Littérature »). Ensemble, ils conçoivent de nombreux projets comme des décors de théâtre, mais aussi des illustrations, dont les célèbres « Douze Chansons » (1896).
Le commissaire de l’exposition, Denis Laoureux, écrit, en page 08 du catalogue : « Selon moi, ce qui fait l’originalité du positionnement de Doudelet dans le symbolisme, c’est son rapport à la littérature, qu’il aborde par le biais du livre illustré.
En 1902, Charles Doudelet reçoit une bourse de quatre ans, pour étudier à Florence, où il fréquente différentes bibliothèques, copiant les livres précieux. S’installant à Livourne, puis à Rome, en 1926, il revint à Gand.
Intellectuel passionné, il s’illustra par sa polyvalence et son audace graphique. A nous de le (re)découvrir, au « Musée Félicien Rops », jusqu’au dimanche 05 mars, la présente exposition se concentrant, dès 1890, sur ses années symbolistes, avec un focus sur les œuvres qu’il présenta, en 1917, à la « Ligue Théosophique », à Rome.
Son admiration pour la peinture flamande et la Renaissance italienne, sa fascination pour les figures chrétiennes et pour sa déclinaison graphique de thèmes chers à Maeterlinck, nous permettent de suivre l’évolution de cet artiste en perpétuelle quête spirituelle.
Ainsi, en page 150 du catalogue, nous apprenons que « Charles Doudelet est un artiste doté d’une spiritualité exigeante, diplômé ‘Maître-Maçon’ de la Loge ‘La Liberté’ (Gand), dès 1900 … Au début des années 1900 (il) est chargé par le gouvernement belge d’étudier d’anciens manuscrits flamands en Italie. C’est là, à partir de 1904, que sa notoriété débute, puisqu’il se voit régulièrement solliciter pour des initiatives culturelles, qui ont la part belle au mysticisme et à l’ésotérisme. »
Evoquant Maurice Maeterlinck, Charles Doudelet expliquait (page 53 du catalogue) : « Tout est simple dans ma manière de rendre la pensée du poète, peu ou pas de meubles dans mes intérieurs, rien d’inutile dans mes paysages. Un lit seul, une table isolée, une chaise sans compagne, une plante, un arbre, un rocher, s’y trouvent ; mais c’est qu’alors ils sont nécessaires ; alors ils dominent, attirent les regards, parlent, dévoilent complètement et dans toute son étendue la raison de leur présence, provoquent la sensation voulue. »
Pour Charles Doudelet, « Le livre parle à l’oreille des sourds et illumine l’esprit, les yeux des aveugles. Il est le conseiller des humbles, des hésitants, le consolateur des affligés. Il n’y a rien de plus important que les livres dans l’histoire des nations … Un bon livre est un excellent ami. Il est consulté, il lui est rendu, il vous accompagne dans la solitude, dans les voyages ; c’est le fidèle compagnon, qui suit l’homme jusqu’à l’heure de la mort » (« Il libro illustrato », in « Bollettino di Bottego d’Arte »/1923).
« Doudelet conçoit, dessine et peint à sa manière : c’est un penseur profond, un très fin dessinateur, un coloriste d’une extrême délicatesse » (A. Lancellotti , in « Emporium »/1917).
L’exposition donne une part importante aux livres et périodiques illustrés, ainsi qu’aux documents d’archives, le « MSK » (« Musée des Beaux-Arts »), à Gand, qui, partenaire du projet, a sorti, d’un fonds inédit d’archives, des œuvres révélant des aspects inconnus de l’artiste.
Par ailleurs, trois oeuvres sont exposées pour la première fois à l’étranger, celles-ci provenant des … réserves du « Musée d’Orsay », à Paris. Parmi celles-ci, notons la présence d’une huile sur toile, de 154 x 114 cm, « Le Détrônement » (1906).
A son sujet, Charles Doudelet écrivait, vers 1914, à l’écrivain et journaliste ixellois Camille Lemonier (1844-1913) : « Voici ce que j’ai voulu exprimer. Le présent , personnifié par une femme jeune et virile, vêtue de rouge (symbole de la flamme du feu purificateur), qui arrache le passé du trône, représentée par une femme, parée comme une idole. A gauche, une trainée de fruits et de feuilles, débris d’offrandes entraînées dans sa chute. A droite et au fond, des femmes prient, ont l’un vêtue de noire, l’autre en bleu, signifient l’esprit réactionnaire abandonnant la lutte. »
« Pour l’intérêt que vous portez à mon travail, j’aurais préféré vous donner la reproduction d’une oeuvre plus importante, néanmoins j’espère que celle-ci peut vous donner une idée assez exacte de ma tendance et du style ample, de la technique plus serrée que je poursuis en art. »
A Trieste, en 1944, E. Viezolli écrivait, dans « Tipografia Moderna » : « Dans la figure de l’Homme, tourmentée soudain devant l’apparition fantomatique et sinistre de la Peur, et d’un coup entrave attribuable au mécanisme opprimé du coeur : les deux figures, la fantomatique et l’humaine, l’une incohérente et oppressante, comme les rêves et les cauchemars, l’autre corsée et émue, bien que relativement distante, sont reliées et enveloppées d’une magie qui dégage peut-être le charme le plus intense de la scène symbolique. En fait, elle est symbolique comme intensification extrême d’une réalité cultivée bien que transfigurée en une allégorie écrasante » (« Carlo Doudelet, lirico dell’espressione »).
Concernant le symbolisme et Charles Doudelet, le commissaire, Denis Laoureux, écrit (p. 29 du catalogue): « Le symbolisme correspond à une remise en question des valeurs. L’emprise du catholicisme, le matérialisme bourgeois, le positivisme sont débattus. Le doute s’empare des esprits : la crise est aussi subjective, intérieure, spirituelle. Le symbolisme belge se positionne, dans les années 1890, comme un questionnement sur la nature du divin. C’est ici qu’il convient de situer l’apport de Doudelet. »
Ouverture : jusqu’au dimanche 05 mars, du mardi au dimanche, de 10h à 18h. Prix d’entrée : 5€ (2€50, en prix réduit / 1€50, par membre d’un groupe scolaire / 0€, pour les moins de 12 as, les « Art. 27 », et, pour tous, les premiers dimanches du mois). Catalogue (J. Boddaert, T. Deprez, G. Di Stazzio, V. Carpiaux, D. Gueguen, M. Introvigne & D. Laoureux/Ed. « Silvana Editoriale »/2022/144 p.) : 32€. Contacts : 081/77.67.55 & info@museerops.be. Site web : http://www.ropslettres.be.
Prochaine exposition, du samedi 27 mai jusqu’au samedi 23 septembre : « Hommage à Pan. Peter Depelche ».
Stage artistique « De l’Illustration à la Reliure », du 27 février au 03 mars © Ph. : Province de Namur
Soulignons que pour les enfants, de 08 à 12 ans, un stage artistique est prévu, du lundi 27 février jusqu’au vendredi 03 mars, « De l’Illustration à la Reliure », durant lequel chacun composera chaque page de son carnet d’artiste, grâce à différentes techniques (cyanotype, enluminure, gravure, monotype, …), en s’inspirant des collections des deux musées provinciaux, le « TreM.a » (trésor d’Hugo d’Oignies {1178-1240}, peintures à l’huile d’Henri Blès {vers 1500-vers 1555.}) et le « Musée Félicien Rops » (gravures et dessins de Félicien Rops {1833-1898}). Ensuite, un atelier de reliure japonaise sera animé par Alexandre Rosman, un artisan au service du livre et du papier.
Lieu : locaux pédagogiques du « Musée provincial Félicien Rops », rue de Fumal, 10. Prix : 60€, pour 3 jours (du lundi 27 février jusqu’au mercredi 01 mars ou du mercredi 01 au vendredi 03 mars) ou 80€, pour 5 jours (du lundi 27 février jusqu’au vendredi 03 mars). Inscriptions obligatoires : stage.musee@province.namur.be ou 081/77.54.76.
Yves Calbert.